Depuis 12 ans, à peine 3 Québécois ont été entraîneur-chef d'une des 41 équipes du Canada chargées de représenter le pays dans les 5 grands championnats internationaux de hockey: Jeux olympiques (hommes et femmes), Championnat du monde (hommes et femmes) et Championnat junior masculin.

Aux Jeux de Salt Lake City, en 2002, Danièle Sauvageau a mené ses joueuses à la médaille d'or; en 2004, Mario Durocher a dirigé l'équipe nationale junior; et en 2008, Peter Smith, de l'Université McGill, a entraîné la sélection féminine au Championnat du monde.

Aux autres niveaux, que ce soit dans les équipes de développement garçons et filles ou à la Coupe Spengler et à la Coupe Deutschland, le phénomène se répète: Guy Carbonneau, Pierre Alain (deux fois) et Peter Smith sont les seuls Québécois à avoir mené une des 61 équipes en compétition depuis 2002.

«Ce n'est pas assez et je n'ai aucun problème à le reconnaître, affirme Bob Nicholson, président de Hockey Canada. Il y a d'excellents entraîneurs au Québec, et nous espérons que certains d'entre eux dirigeront une équipe nationale dans un proche avenir.»

Nicholson précise qu'un autre Québécois aurait dû s'ajouter à la liste. En juin 2008, Hockey Canada a annoncé la nomination de Benoit Groulx au poste d'entraîneur-chef d'Équipe Canada junior. Mais il a démissionné quelques semaines plus tard, après avoir accepté une offre dans la Ligue américaine de hockey.

Pat Quinn a relevé Groulx au pied levé. Et Guy Boucher s'est joint au personnel d'entraîneurs à titre d'adjoint. Il aurait été un candidat logique pour succéder à Quinn l'année suivante. Mais Boucher a aussi fait le saut dans la Ligue américaine quelques mois plus tard, avec les Bulldogs de Hamilton.

Il n'en reste pas moins que le nombre minuscule de Québécois francophones invités à agir comme entraîneur-chef représente une anomalie inquiétante pour le programme sportif le plus important au Canada. Et on ne sent pas un désir profond de renverser cette tendance au sein des autorités.

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Gilles Courteau, commissaire de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), est membre du comité de sélection des équipes canadiennes masculines chez les juniors et les moins de 18 ans. Il est convaincu que les entraîneurs québécois ont été traités avec équité au cours des dernières années. «En aucun moment, on n'aurait pu crier à l'injustice», dit-il.

Courteau rappelle que, pour des raisons personnelles, les entraîneurs juniors ne sont pas tous tentés par l'aventure d'un Championnat mondial. Et qu'il faut avoir fait ses classes au sein d'une organisation avant de rêver à ce poste.

«C'est un rôle très demandant, autant durant l'été précédent que durant la saison, dit-il. Puisqu'il s'absentera un mois, l'entraîneur doit être en plein contrôle de son équipe, compter sur un excellent adjoint et profiter de l'appui de son organisation.»

Le temps de Noël est aussi une période de transactions dans la LHJMQ, ajoute Courteau. Et comme plusieurs entraîneurs sont aussi directeur général de leur équipe, il s'agit pour eux d'une fenêtre très occupée de la saison.

Cette année, Brent Sutter, des Rebels de Red Deer, sera l'entraîneur d'Équipe Canada junior. Le tournoi s'ébranlera le 26 décembre en Suède. «Il est propriétaire, président, directeur général et entraîneur de son équipe junior, explique Courteau. Il n'est pas trop stressé à l'idée de partir un mois. La situation est différente pour un entraîneur qui commence avec son équipe.»

Malgré les arguments de Courteau, une question se pose: si des Québécois acceptent d'être adjoints chaque année, pourquoi n'auraient-ils ni le temps ni le goût d'être entraîneur-chef?

Aux Jeux olympiques de Sotchi, l'équipe canadienne sera dirigée par Mike Babcock, des Red Wings de Detroit. Après avoir grandi en Saskatchewan, Babcock a étudié à l'Université McGill, où il a porté avec succès les couleurs des Redmen. Il en sera à son deuxième tour de piste dans ce rôle, ayant conduit le Canada à la médaille d'or à Vancouver.

Ce sera la cinquième participation des joueurs de la LNH aux Jeux olympiques. Aucun Québécois n'a dirigé l'équipe nationale.

Chez les femmes, Dan Church sera derrière le banc. Son adjointe, Danièle Goyette, pourrait lui succéder en vue du prochain cycle olympique. «Je la vois très bien dans ce rôle», dit Bob Nicholson.

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Le fait que le siège social de Hockey Canada soit à Calgary n'augmente pas ses antennes au Québec.

«Loin des yeux, loin du coeur», constate Danièle Sauvageau, qui estime néanmoins que les Québécois ont aussi un bout de chemin à accomplir.

«Nous devons faire une promotion adéquate de nos entraîneurs, ajoute-t-elle. Il faut prendre notre place. L'organisation nationale doit tirer pour susciter des candidatures du Québec, mais de notre côté, nous devons pousser.»

Le peu de place donné aux entraîneurs-chefs du Québec envoie aussi un mauvais signal à ceux qui seraient intéressés par le défi. Comme s'ils ne pouvaient rêver à ces postes majeurs.

Si Danièle Goyette fait partie des plans de Hockey Canada pour l'après-Sotchi, il faut espérer que Benoit Groulx soit dans la même situation. Il sera l'adjoint de Brent Sutter en Suède et représente un candidat de première valeur pour le Championnat mondial junior de 2015, présenté à Montréal et à Toronto.

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Les Québécois ayant une voix dans le processus de sélection, comme Gilles Courteau, ou qui font partie des différents comités de Hockey Canada ont la responsabilité de transmettre un message: les entraîneurs d'ici méritent d'être mieux considérés. Car la situation actuelle est inacceptable.

Hockey Canada et son président Bob Nicholson doivent aussi prendre les moyens pour convertir leurs intentions en actions concrètes. Dans un pays aux deux langues officielles, les entraîneurs-chefs francophones doivent être plus nombreux au sein des équipes nationales.