Le coup de tonnerre provoqué par l'entente entre Rogers et la LNH se fera entendre longtemps.

À Toronto, il consacre un faux pas dans la stratégie de Bell; à Montréal, il place RDS sur la sellette; à Québec, il ravive les rumeurs d'expansion; et dans toutes les villes du circuit, il renforce le pouvoir de négociation de jeunes vedettes comme P.K. Subban.

Toronto: le faux pas de Bell

En décembre 2011, Bell et Rogers ont chacun versé 533 millions pour acquérir 75% des actions de Maple Leaf Sports & Entertainment (MLSE), l'entreprise propriétaire des Maple Leafs, des Raptors, du Air Canada Centre et du Toronto FC (soccer).

C'est pour une raison simple que ces deux rivaux ont uni leurs forces: ils craignaient que MLSE démarre sa propre chaîne de télé sportive. Si ce projet s'était concrétisé, les matchs des Leafs et des Raptors auraient échappé à TSN, propriété de Bell, et Sportsnet, propriété de Rogers.

Leur investissement était d'abord une mesure défensive. «Il sécurise notre accès à long terme à ce contenu recherché et prestigieux», avait expliqué Nadir Mohamed, président de Rogers.

La direction de Bell pensait sûrement la même chose. Sans hockey de la LNH, une chaîne sportive canadienne ne peut jouer dans la cour des grands.

Mais la semaine dernière, lorsque Rogers a obtenu la chance de «sécuriser» pour longtemps cet accès, l'entreprise a foncé dans la brèche, mettant du coup Bell knock-out.

Le plus étonnant dans cette transaction, ce n'est ni sa durée (12 ans), ni son montant, 5,2 milliards.

Ce chiffre frappe évidemment l'imagination. Mais compte tenu de la hausse généralisée des droits de télé dans l'industrie du sport-spectacle, des effets de l'inflation sur une aussi longue période et du mode progressif des paiements - ils passeront de 300 millions en 2014-2015 à 550 millions en 2025-2026 -, la somme n'est pas déraisonnable.

Non, le plus étonnant, c'est que la LNH ait accordé tout le gâteau à une seule entreprise. Rogers est désormais seule en piste, une situation unique en Amérique pour une entente aussi importante.

Ainsi, dans la NFL et dans le baseball majeur, plusieurs réseaux se partagent les droits. Beaucoup d'observateurs croyaient que la LNH s'inspirerait de ce modèle.

Bien sûr, les équipes de MLSE sont profitables. Mais Bell doit aujourd'hui se demander s'il valait la peine d'investir un demi-milliard dans cette entreprise pour apprendre, deux ans plus tard, que son réseau de sport ne présenterait que 26 matchs des Maple Leafs chaque saison.

Pour Bell, la stratégie a mal tourné.

Montréal: RDS sur la sellette

TVA a réussi un grand coup en s'alliant avec Rogers pour obtenir les droits de télé nationaux de la LNH. Mais au Québec, le nerf de la guerre, ce sont les matchs du Canadien. Même l'affrontement le plus banal du CH génère de bien meilleures cotes d'écoute qu'une rencontre entre deux puissances de la LNH.

Pour l'instant, seuls 22 matchs du Canadien ont été attribués à TVA, qui souhaite obtenir les 60 autres. Mais RDS, propriété de Bell comme TSN, conserve la possibilité de les arracher, en tout ou en partie.

La facture sera cependant élevée. Une somme de 750 000 $ par rencontre, soit 45 millions par année, n'est pas farfelue. (À titre comparatif, RDS verse 31 millions cette saison pour tous les matchs, séries éliminatoires incluses.)

Dans un contexte où l'industrie de la télé pourrait connaître une mini-révolution, avec la possibilité pour les consommateurs de choisir à la carte partout au pays leurs chaînes spécialisées, chaque réseau devra présenter une offre de haute qualité pour conserver ses abonnés et maximiser ses redevances. Pour une chaîne sportive, les matchs de la LNH sont donc de la plus haute importance.

Pour poursuivre son développement, RDS doit conserver des matchs du Canadien. Son concurrent, TVA Sports, est devenu un géant en un tournemain. En obtenant l'exclusivité des matchs des séries éliminatoires de l'équipe, la chaîne de Québecor détient un atout formidable.

La décision du Canadien et de la LNH sur le sort de ces 60 matchs est attendue avec impatience à RDS et TVA Sports. On devrait connaître la réponse avant Noël.

Québec: rumeurs d'expansion

Sur le plan économique, la LNH a accompli des pas de géant dans les 12 derniers mois: nouvelle convention collective; avenir solidifié pour les équipes en difficulté (Phoenix, New Jersey, Floride); et nouveau contrat de télé au Canada.

Résultat, le circuit peut maintenant réfléchir à une expansion. Avec la paix industrielle garantie pour au moins sept ans, et la valeur des équipes en hausse, le contexte est très favorable. Les propriétaires d'équipe refuseront-ils cette manne, qui pourrait leur rapporter des centaines de millions? D'autant plus que les revenus d'expansion n'ont pas à être partagés avec les joueurs.

Pour les partisans du retour des Nordiques, l'espoir renaît. L'entente entre Rogers et la LNH consacre Québecor comme nouveau partenaire du circuit. Cela confirme qu'après une période plus froide, la relation entre les deux parties entre dans une nouvelle ère.

N'en reste pas moins que si Québecor fonce et réussit, ses investissements LNH deviendront très élevés.

Le rapport de force des joueurs

Selon une analyse du Globe and Mail, le plafond salarial de la LNH augmentera à 67,7 millions la saison prochaine, puis à 80 millions en 2016-2017 et à 100 millions en 2021-2022.

Les joueurs, qui touchent 50% des revenus du circuit, sont parmi les gagnants de cette nouvelle entente de télé. Les plus talentueux, déjà en excellente position pour négocier leur prochain contrat, profiteront à coup sûr de l'augmentation de ce rapport de force.

Parmi eux, un certain P.K. Subban...