Michel Therrien joue un jeu dangereux avec P.K. Subban.

Samedi dernier, après le revers du Canadien au Colorado, Therrien a blâmé son jeune arrière pour ce résultat. «Deux mauvaises exécutions par un défenseur nous ont coûté le match», a-t-il déclaré avec une sévérité excessive. (Le partage des responsabilités sur le but de Nathan MacKinnon n'était pas évident, Peter Budaj accordant un long retour.)

Il est très rare qu'un entraîneur montre ainsi du doigt un joueur de son camp, encore plus lorsqu'il s'agit d'une vedette. Personne n'apprécie les reproches publics de son patron, et Subban ne fait sûrement pas exception à la règle.

Ce jugement lapidaire de Therrien s'est ajouté à deux autres faits intrigants. La semaine dernière, contre les Rangers de New York et les Stars de Dallas, il a ignoré Subban en fin de rencontre. Dans les deux cas, le Canadien a préservé son avance. Mais ce choix a néanmoins fait tiquer.

Puis, mercredi, Therrien a éludé la question lorsqu'un collègue lui a demandé s'il considérait Subban comme un défenseur de calibre international qui méritait une place au sein de l'équipe canadienne aux Jeux de Sotchi.

Subban est pourtant le gagnant du trophée Norris et un joueur dont l'immense talent est reconnu aux quatre coins de la LNH. À RDS samedi, Raymond Bourque, qui en connaît long sur le métier de défenseur, a expliqué que Subban faisait baver d'envie les 29 autres équipes de la LNH.

En observant le Canadien, on éprouve parfois l'impression que Subban demeure une recrue dont il faut «casser» les mauvaises habitudes, comme à la belle époque de Scotty Bowman. Pas sûr que ce soit la solution appropriée en 2013.

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Hier midi, après l'entraînement du Canadien, j'ai demandé à Therrien s'il existait un problème dans sa relation avec Subban.

«Je crois beaucoup en P.K., a-t-il répondu. Dès ma nomination, j'ai dit que j'avais hâte de travailler avec P.K. C'est un pur-sang. Et un pur-sang, il faut le guider, parce qu'il te fera gagner aux courses. Depuis un an et demi, il a progressé. On croit qu'on mènera son jeu à un autre niveau. Et on a démontré dans le passé qu'on était là pour l'aider.

«Notre relation? Coacher, c'est coacher. Il faut s'assurer de soutirer le maximum des joueurs. Je suis très conscient de son talent et je sais exactement où ce gars-là est capable d'aller. On prend les moyens pour qu'il s'y rende. C'est un challenge que n'importe quel coach veut avoir.»

Therrien ne regrette pas ses propos de samedi qui, a-t-il expliqué, n'avaient rien de spontané. «J'ai un objectif. Et jusqu'à maintenant, on s'en sort pas si pire...»

Plus tard, en réponse à d'autres questions, Therrien a commenté ce que plusieurs estiment son manque d'enthousiasme face à la perspective de voir Subban dans l'uniforme du Canada aux Olympiques.

«On espère que tous nos joueurs susceptibles de participer aux Jeux y seront. Ce sera une expérience formidable pour eux. Mais je ne veux pas faire de commentaires sur les équipes canadienne, suisse ou russe! Mon travail, c'est de diriger le Canadien de Montréal. Et c'est assez demandant!»

La précision, sans être un monument d'enthousiasme, est habile. Mais elle arrive cinq jours trop tard.

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P.K. Subban commet parfois des erreurs qui choquent la direction du Canadien.

À Calgary, lors du premier match à l'étranger cette saison, sa punition en fin de troisième période a privé l'équipe d'une chance de niveler la marque. Un geste comme celui-là, qu'évitent les meilleurs leaders de la LNH, fait parfois oublier ses bons coups.

On peut comprendre la frustration de l'entraîneur devant l'indiscipline occasionnelle de Subban. Ou après certains jeux défensifs mal exécutés. Cela explique sans doute sa réaction de samedi.

Therrien veut évidemment gagner tous les matchs. Et une victoire contre Patrick Roy, qui était le favori des amateurs pour prendre en main le Canadien au printemps 2012, lui aurait certainement fait très plaisir. D'autant plus que l'Avalanche est l'équipe de l'heure dans la LNH.

N'empêche que dans ses relations avec Subban, le Canadien doit passer à une autre étape. L'organisation semblait figée, en janvier dernier, lorsque Marc Bergevin a tenu la ligne dure dans ses négociations avec lui. Le DG, disait-on, souhaitait mieux le connaître avant de lui consentir un contrat à long terme.

Au bout de compte, Subban s'est rangé aux arguments de Bergevin et a accepté une entente de deux ans. Dès son retour au jeu, il s'est imposé comme le meilleur joueur de l'équipe. Il a remporté le Norris, signe de son immense talent et de sa vigueur au jeu.

Cela devrait suffire au Canadien pour le traiter désormais comme un véritable leader de l'équipe. D'autant plus que sans quelques miracles de sa part, les chances du Canadien d'accéder aux séries éliminatoires diminueront vite.

Therrien a raison de pousser Subban. Son rôle est de l'aider à exprimer tout son talent. Mais il doit aussi songer à la manière. La ligne est fine entre actionner le bon ressort pour motiver un joueur et tout bonnement l'exaspérer.

La stratégie actuelle de Therrien est à haut risque. Il devra bien mesurer chacune de ses interventions. Car la qualité de sa relation avec Subban aura un impact majeur sur le rendement du Canadien.