Les Pirates de Pittsburgh ont souvent brisé le coeur des partisans des Expos. Rappelez-vous ces luttes endiablées au tournant des années 80, lorsque les coups de bâton de Willie Stargell et Dave Parker avaient le don d'ébranler les Z'Amours.

Malgré tout, les Pirates n'ont jamais été détestés à Montréal. Rien à voir avec les Maple Leafs de Toronto ou les Bruins de Boston. Peut-être à cause de la personnalité amicale de Stargell, auteur du plus long circuit au Stade olympique.

Ce soir, les Pirates tenteront d'accéder à la finale du championnat de la Ligue nationale pour la première fois depuis 1992. Ils affronteront les Cards de St. Louis dans un match décisif.

Au Québec, beaucoup d'amateurs de baseball les appuieront. Et ils auront bien raison. Car au-delà de la nostalgie de cette belle époque, les Pirates représentent un modèle idéal pour ceux qui rêvent d'un retour des Expos.

Dans quelques semaines, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain dévoilera les études complètes sur l'opportunité de ce projet. Pour retrouver un jour les Expos, il faudra la convergence de cinq facteurs:

1. Une équipe sur le marché (par transfert ou expansion).

2. L'accord du baseball majeur, qui n'a pas oublié l'agonie des Expos avant leur déménagement à Washington.

3. Un propriétaire prêt à exploiter une équipe à Montréal et aux poches assez profondes pour en financer l'acquisition.

4. Un nouveau stade au centre-ville.

5. Un plan d'affaires cohérent, avec espoir de profit.

Les deux premiers éléments échappent à notre contrôle. La décision appartiendrait au bureau du commissaire. Il est aussi trop tôt pour savoir si des investisseurs, entreprises ou particuliers, seraient tentés par l'aventure.

Quant au stade, tout dépendrait de son financement. Si le secteur privé s'en charge, l'affaire est possible. À Pittsburgh, le PNC Park, inauguré en 2001, a coûté environ 315 millions en dollars d'aujourd'hui.

Il est donc trop tôt pour examiner sous un éclairage suffisant les quatre premiers enjeux. En revanche, pour le cinquième, le portrait est plus clair.

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Michel Leblanc, le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, rappelait le mois dernier que Montréal était l'agglomération la plus importante en Amérique du Nord sans équipe de baseball majeur.

Il a sûrement raison, mais la question essentielle est plutôt de savoir si Montréal compte un bassin suffisant d'amateurs pour soutenir un club.

Pour que le baseball envisage un retour à Montréal, ses dirigeants exigeraient minimalement que les nouveaux Expos attirent la médiane des majeures au chapitre des assistances, soit 2,5 millions d'amateurs par année. Sinon, aussi bien choisir une autre ville.

Pour atteindre ce but, une moyenne de 31 000 spectateurs par match est nécessaire. Cette saison, 16 des 30 équipes des majeures ont franchi ce plateau.

La mauvaise nouvelle, c'est que les Expos n'ont jamais attiré une moyenne aussi élevée au Stade olympique, même s'ils ont atteint le cap de 26 000 amateurs et plus de 1979 à 1983. La bonne nouvelle, c'est que cet objectif permettrait à l'équipe de boucler son budget, même avec un prix d'entrée raisonnable.

À Pittsburgh, le coût moyen d'un siège en abonnement saisonnier sera de 18 $ en 2014. Si les nouveaux Expos vendaient 21 000 billets par match à ce prix, 9000 autres à 40 $ et 1000 sièges de loge à 90 $, un scénario évidemment optimal, la recette serait de 67 millions par année. Ces prix seraient dans la moyenne de l'industrie.

De plus, comme l'a rappelé Michel Leblanc, le modèle économique du baseball a changé depuis le départ des Expos. Un exemple: les nouveaux contrats de télédiffusion avec ESPN, Fox et TBS rapporteront annuellement 1,55 milliard dès la saison prochaine, soit 52 millions par équipe.

Chaque organisation touche aussi une quote-part des contrats locaux de télévision des autres équipes, de même qu'une ristourne sur les activités numériques des ligues majeures. Cela leur rapporte plusieurs millions additionnels.

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Compte tenu des revenus nationaux du baseball majeur, il est impossible pour une équipe de ne pas faire ses frais si elle dépense raisonnablement et attire suffisamment de spectateurs.

Avec leur masse salariale de 80 millions, les Pirates ont obtenu du succès cette saison. Tout comme les Rays de Tampa Bay (58 millions) et les Athletics d'Oakland (60 millions). Ces trois équipes participent aux séries éliminatoires.

Sur le plan des opérations annuelles, on peut donc penser qu'une équipe serait viable à Montréal si elle attirait 2,5 millions de spectateurs, ce qui demeure néanmoins une énorme commande.

Et cela ne réglerait pas les autres éléments du dossier. Le coût d'acquisition d'une équipe, assurément des centaines de millions - à moins qu'un propriétaire actuel ne veuille exploiter son équipe à Montréal -, ainsi que la construction du stade représentent des défis exceptionnels.

On peut rêver, surtout lorsqu'on voit les Pirates si bien réussir. Mais évitons de gonfler nos attentes...

Vente des Expos: payant!

En 2006, un groupe de Washington a versé 450 millions pour acquérir les Nationals. La concession appartenait au baseball majeur, qui avait acheté les Expos 120 millions en 2002.

Plutôt que de distribuer le profit à parts égales entre ses équipes, le baseball majeur l'a placé dans un fonds d'investissement.

Selon le magazine Forbes, qui a dévoilé l'histoire au printemps dernier, le rendement a été au-delà des espérances. Cet investissement vaut aujourd'hui plus de 1 milliard.

Bizarrement, les Expos contribuent encore à la bonne santé financière du baseball.

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Sources: ESPN, Forbes, Sports Business Journal, Team Marketing Report.