Michel Therrien pourrait jouer les fanfarons et promettre que le Canadien participera aux séries éliminatoires. Mais ce n'est pas son style.

Ses années derrière le banc ont aiguisé son sens des réalistés. Lucide, il sait que les imprévus sont nombreux au cours d'une longue saison. Et que dans un circuit où plusieurs équipes sont de force semblable, la ligne est mince entre le succès et l'échec.

«Dans notre milieu, c'est très difficile de garantir quelque chose, explique Therrien. Tellement d'éléments peuvent avoir un impact sur le rendement d'un club. Qui aurait pensé que les Flyers et les Devils rateraient les dernières séries éliminatoires? Mais je peux te dire une chose: on fera partie du groupe d'équipes qui se battront avec acharnement pour participer aux séries. Ça, je peux te le garantir!»

L'entraîneur du Canadien était en grande forme, vendredi midi, lorsque je me suis entretenu avec lui. Profitant d'une dernière journée de congé avant l'ouverture de la saison mardi prochain, il mesurait le chemin accompli depuis son retour au sein de l'organisation.

«La saison dernière, je découvrais nos joueurs, dit-il. Aujourd'hui, je connais leur personnalité, je sais d'où ils viennent. Pour moi, c'est important d'établir une relation avec chacun d'eux. Je veux qu'ils aient du plaisir à venir à l'aréna. Il faut que l'ambiance soit bonne. Je crois beaucoup à ça.»

Therrien a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre. Il sait que son club suscite des doutes. «C'était le cas la saison dernière et on en a surpris plusieurs, rappelle-t-il. On voulait être une équipe contre qui il serait difficile de jouer. Et on a établi ça.»

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Le Canadien ne compose pas une puissance de la LNH. Pour obtenir du succès, l'équipe devra compter sur de solides performances de Carey Price.

«On a confiance en Carey, dit Therrien. On veut qu'il progresse. On a pris une décision importante cet été en embauchant un nouvel entraîneur des gardiens, Stéphane Waite, qui a gagné deux Coupes Stanley avec deux gardiens différents en quatre ans. C'est un exploit assez rare.»

Les déclarations de Price au printemps dernier, lorsqu'il a dit s'ennuyer de «l'anonymat» à Montréal, n'inquiètent pas Therrien.

«Ça fait longtemps que j'ai compris et accepté que tous les joueurs ne sont pas pareils, dit-il. Carey est plus réservé. L'important, c'est qu'il se sente bien sur la glace et au sein du groupe. Il veut obtenir du succès à Montréal. Ses co-équipiers l'adorent et il adore ses coéquipiers.»

L'autre joueur-clé du Canadien est P.K. Subban. À n'en pas douter, son évolution la saison dernière a été la plus belle réussite de Therrien et de ses adjoints. Le jeu de Subban s'est raffiné et, tout en restant lui-même, il s'est mieux intégré au groupe.

«P.K. a acquis de la maturité, dit Therrien. Il a compris beaucoup de choses. Remporter le trophée Norris est tout un accomplissement. Mais la beauté de la chose, c'est qu'il peut encore s'améliorer. Tiens, Sidney Crosby a gagné le trophée Hart à 19 ans. Mais il n'avait pas encore atteint son apogée. P.K. aussi veut poursuivre sa progression.»

Price et Subban font partie du groupe des «jeunes vétérans» du Canadien, pour reprendre l'expression de Therrien. Max Pacioretty, Lars Eller et David Desharnais les accompagnent. Il y a ensuite les «vétérans expérimentés»: Tomas Plekanec, Brian Gionta, Daniel Brière, Andrei Markov...

Enfin, il y a ceux que Therrien surnomme, un sourire dans la voix, «nos flos» ! Ce sont des gars comme Brendan Gallagher et Alex Galchenyuk qui, rappelle leur entraîneur, apprennent "à devenir des joueurs de la Ligue nationale».

«Ils ont une bonne attitude et le coeur à l'ouvrage, indique Therrien. N'oublions pas qu'ils en sont seulement à leur deuxième année dans la ligue. Pour eux, c'est un autre pas en avant et il faut en être conscient. Ils ne passeront pas d'un seul coup de la première à la dixième année, ça ne fonctionne pas comme ça!»

Therrien veut donner «plus de responsabilités» à Galchenyuk cette saison. Ça ne signifie pas seulement augmenter son temps de glace, mais aussi le placer dans de nouvelles situations de jeu.

«La saison dernière, Galchenyuk a assisté à tous nos meetings de désavantage numérique, même s'il n'était pas question de faire appel à lui, explique Therrien. J'avais fait la même chose avec Crosby à ses débuts. L'année suivante, j'ai commencé à l'utiliser à court d'un homme.»

Galchenyuk franchira donc une nouvelle étape dans son développement cet automne. On le verra à l'occasion sur la patinoire lorsque le Canadien sera en infériorité.

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Au printemps dernier, le Canadien a rapidement été éliminé par les Sénateurs d'Ottawa. Cette défaite a fait oublier plusieurs des bons moments de la saison. Encore aujourd'hui, Therrien croit que la tournure des événements aurait pu être différente si Lars Eller, Brian Gonta et Max Pacioretty n'avaient pas été blessés dès le premier affrontement.

Il ne sert cependant à rien de remuer le passé. Une nouvelle campagne s'amorce et tous les espoirs sont permis. «Chaque saison apporte un défi intéressant, dit Therrien. Je suis excité et j'ai hâte que ça commence. On veut que nos partisans soient fiers de leur équipe.»