En matière de négociations de convention collective, Gary Bettman pourrait écrire le traité sur ce qu'il ne faut pas faire. Intransigeant avec la partie syndicale, peu porté sur l'écoute et sûr d'avoir raison, il est le principal responsable de l'interminable lock-out de l'automne dernier.

En revanche, Bettman n'a pas son pareil pour relancer la machine une fois la paix industrielle retrouvée. Remarquez qu'il possède une solide expérience sur ce plan. Sous sa gouverne, la Ligue nationale de hockey a connu trois pénibles arrêts de travail. Un gars finit par apprendre!

Souvenez-vous de la belle relance après le conflit de 2004-2005. Bettman a chapeauté une refonte majeure des règlements, de manière à accentuer le jeu offensif.

Cette fois, ses initiatives n'ont pas été immédiates. Le retour au jeu de janvier dernier s'est fait dans la continuité, avec ses côtés positifs (des matchs souvent spectaculaires) et négatifs (une insouciance devant le danger des coups à la tête).

Mais au fil des mois, Bettman a agi sur le plan administratif. Il a relancé la machine commerciale de la LNH et remporté une grande victoire personnelle, le maintien du hockey dans le désert.

* * *

Au bout du compte, la Ville de Glendale s'est pliée aux diktats de la LNH et versera des millions de dollars pour assurer l'avenir des Coyotes. En novembre dernier, le nouveau maire avait pourtant assuré que sa municipalité ne servirait plus de «caisse enregistreuse».

Bettman est le principal artisan de cette tournure des événements. En prédisant d'un ton solennel la quasi-fermeture du Jobing.com Arena si les Coyotes quittaient l'Arizona, il a suscité la crainte des élus. Cela lui a permis de préserver une composante majeure de son héritage, l'implantation de la LNH dans le sud des États-Unis.

En 2011, Bettman a accepté malgré lui le transfert des Thrashers d'Atlanta à Winnipeg. Il voulait éviter qu'une deuxième concession quitte une métropole américaine pour une ville canadienne. Chapeauter le retour des Nordiques à Québec cet automne ne s'inscrivait pas dans son plan.

La refonte des associations, avec deux équipes de plus dans l'est, laisse croire qu'en cas d'expansion, Bettman privilégiera d'abord l'ouest du continent. Le circuit a multiplié les signes en ce sens.

Le retour de la LNH à Québec n'est pas impossible. Mais ce rêve n'est pas, pour l'instant, celui de Bettman. Le dossier Phoenix lui donnait la possibilité de le concrétiser, et il ne l'a pas saisie.

Le commissaire a préféré que la LNH participe au montage financier de l'achat des Coyotes en prêtant 85 millions US aux nouveaux propriétaires. Et sans le partage des revenus en vigueur dans la LNH, cette équipe n'aurait aucune chance de boucler son budget.

* * *

Bettman a résolu un autre cas problème en stabilisant la concession des Devils du New Jersey, vendue aux propriétaires des 76ers de Philadelphie, de la NBA. Les difficultés financières de l'organisation embarrassaient la LNH. Une équipe aussi solide sur la glace, et évoluant dans un si grand marché, doit être un actif pour la LNH, pas un boulet. Après des années difficiles, le train semble sur les rails.

Quelques mois plus tôt, en plein conflit, Bettman avait mis fin à l'incertitude entourant l'avenir des Islanders de New York, incapables de construire un nouvel édifice à Long Island. Leur déménagement au Barclays Center de Brooklyn, en 2015-2016, augmentera leurs revenus.

Ce n'est pas tout. Bettman a aussi foncé dans l'aventure des matchs à l'extérieur. La LNH en présentera six cette saison. Deux d'entre eux auront lieu au Yankee Stadium dans la semaine précédant le Super Bowl, disputé dans la région de New York. Belle occasion pour la LNH de mettre en valeur son produit.

* * *

La semaine dernière, le Sports Business Journal a dévoilé une note interne de la LNH prévoyant que les revenus du circuit augmenteront de 1 milliard US au cours des trois prochaines années. On parle ici de sommes générées par la ligue elle-même et non pas par les équipes.

Si cela se confirme, les revenus de la LNH franchiront le cap des 4 milliards en 2015-2016. Le renouvellement du contrat national de télé au Canada contribuera à cet essor. L'entente actuelle avec CBC, estimée à 90 millions annuellement, expirera en juin prochain. Le prochain contrat s'annonce plus substantiel.

Sur le plan des assistances, la LNH a connu d'excellents résultats lors du calendrier écourté de 2013. Les partisans ont vite pardonné le lock-out, donnant ainsi raison à Bettman. Celui-ci ne s'est jamais inquiété de la loyauté des fans, affirmant qu'ils étaient «les meilleurs au monde». Voilà pourquoi il n'a pas ressenti de pression particulière à régler le conflit rapidement.

Le commissaire a aussi autorisé la participation des joueurs de la LNH aux Jeux olympiques de Sotchi, évitant un désastre de relations publiques. Une décision inverse aurait choqué les joueurs et les amateurs, en plus de froisser le gouvernement russe. Or, les athlètes de ce pays jouent un rôle important dans le circuit.

Les zones grises demeurent nombreuses dans la LNH. Plusieurs équipes nagent dans le rouge. Les cotes d'écoute des matchs demeurent minuscules dans de nombreux marchés américains. Et le circuit ne sanctionne pas assez sévèrement les coups à la tête.

Sur bien des plans, la LNH a besoin d'un nouveau leadership. N'empêche que Bettman est sûrement content de son été.