Le 13 mars 1996, un homme de 43 ans pénètre dans une école primaire de Dunblane, une petite ville au coeur de l'Écosse, coincée entre Glasgow et Édimbourg.

Muni de quatre pistolets, il se rend au gymnase, où il abat 16 enfants de 5 et 6 ans, ainsi que leur professeure, avant de s'enlever la vie. Parmi les élèves présents dans l'école ce jour-là, un garçon de 8 ans, Andy Murray. Ses camarades de classe et lui se dirigeaient vers leur cours d'éducation physique lorsque les coups de feu ont retenti.

La tuerie de Dunblane a marqué à jamais l'histoire de cette ville. Des années plus tard, devenu une vedette internationale du tennis, Murray a parfois commenté ce terrible événement. Sa mère, son frère et lui, comme beaucoup de citoyens de Dunblane, connaissaient le tueur.

Ses remarques ont cependant été succinctes, à l'image du récit qu'il en fait dans son autobiographie, publiée il y a cinq ans.

«J'étais trop jeune pour comprendre l'ampleur de la tragédie», écrit-il, laissant à sa mère le soin d'en décrire l'horreur.

En juin dernier, dans un documentaire de la BBC consacré à sa vie et à sa carrière, Murray a de nouveau été interrogé sur ce drame. Cette fois, ses émotions sont remontées à la surface. Et la séquence est d'une intensité bouleversante.

La voix cassée par des sanglots étouffés, Murray s'interrompt à deux reprises, écrasant du doigt les larmes au coin de ses yeux. «Vous n'avez pas idée à quel point quelque chose comme ça est difficile...»

Pendant très longtemps, Murray a écarté cette journée affreuse de ses pensées. «Je ne voulais pas vraiment savoir...» Il a eu besoin de beaucoup de temps avant de lire sur ces événements.

Pour les gens de Dunblane, la blessure ne disparaîtra jamais. Voilà pourquoi les succès de Murray au cours des derniers mois, durant lesquels il a remporté la médaille d'or olympique et deux tournois majeurs, ont fait tant de bien à ses concitoyens. Du coup, leur ville n'est plus seulement celle où l'horreur a jadis frappé, mais aussi le berceau d'un des meilleurs joueurs de tennis au monde.

«Je suis content d'avoir accompli quelque chose qui rend la ville fière...», ajoute-t-il, dans un moment fort du documentaire.

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Ses succès, Andy Murray les doit à lui-même et à sa mère, une ancienne joueuse professionnelle l'ayant toujours appuyé.

Mais aussi, curieusement, à une conversation avec Rafael Nadal. C'était au début des années 2000, lors d'un tournoi pour les moins de 16 ans auquel participaient les deux adolescents.

Dans son autobiographie, Murray raconte l'affaire. «Rafa m'a expliqué qu'il s'entraînait parfois avec Carlos Moya, un membre du top 10 au classement mondial. Moi, je n'avais jamais joué avec Tim Henman, alors le meilleur joueur anglais.»

Murray dit alors à sa mère: «Rafa est au soleil. Et il joue quatre heures et demie par jour; moi, quatre heures et demie par semaine... Il s'entraîne avec Moya; moi, avec mon frère et ma mère...»

Murray quitte alors l'Écosse pour l'Espagne, où il s'inscrit à l'Académie Sanchez-Casal, un endroit idéal pour progresser.

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Il y a un an cette semaine, après un duel disputé dans une ambiance de match éliminatoire de hockey, Murray a remporté la médaille d'or des Jeux de Londres, pulvérisant Roger Federer.

Le public anglais, survolté, a fait la vague, brandi l'Union Jack et applaudi avec énergie les bons coups de Murray et... les erreurs de son rival.

Dans ce contexte fébrile, on aurait pensé que Murray serait transporté par l'émotion. Et qu'il soulignerait son accession à la plus haute marche du podium d'une déclaration savoureuse, comme l'aurait sûrement fait un Agassi, un Nadal ou un Djokovic.

Mais non. Sur la tribune, le visage de Murray ne traduisait aucune joie particulière. Les efforts répétés des journalistes anglais afin de lui soutirer une citation mémorable sont demeurés vains. «Je serai plus émotif en célébrant avec mes proches ce soir», a-t-il expliqué.

Malgré cet exploi Murray semblait toujours sous le coup de la déception éprouvée un mois plus tôt, lorsqu'il avait échappé la finale de Wimbledon contre le même Federer.

Devant le public qui espérait tant célébrer une première victoire britannique depuis 1936 sur le mythique gazon, il avait éclaté en sanglots. Puis, dans un triste sourire, il avait déclaré: «Je m'approche du but...»

C'était sa quatrième défaite consécutive en finale d'un tournoi du Grand Chelem. Assez pour ébranler sa confiance. Au point où, quelques mois plus tôt, il avait choisi un entraîneur ayant, comme lui, perdu ses premières finales de tournois majeurs: Ivan Lendl. Peut-être l'aiderait-il à mieux gérer ces matchs déterminants.

Les résultats ont été concluants: après sa victoire olympique, Murray a remporté l'Omnium américain deux mois plus tard et le tournoi de Wimbledon plus tôt cette année.

Murray amorcera son parcours montréalais aujourd'hui sur le court central. En 2009, il a coiffé le championnat de la Coupe Rogers, après une longue finale disputée sous une chaleur accablante. Le match terminé, épuisé, il a néanmoins signé des autographes aux enfants en retournant au vestiaire.

Andy Murray n'a pas la flamboyance de Nadal, le bagout de Djokovic ou l'élégance de Federer. Mais il est un très grand champion.

Sources : Andy Murray, The Man Behind the Racket (BBC); Andy Murray, Coming of Age, The Autobiography, Arrow Books.