En 1978, lorsque Montréal a succédé à Toronto comme lieu du Grand Prix du Canada, une question s'est posée: où tenir la course?

Le maire Jean Drapeau, jamais à court d'idées, a suggéré que le départ soit donné... au Stade olympique! Il imaginait les voitures entrer dans le grand bol de béton par la porte des marathoniens et en sortir de l'autre côté.

Les changements de pneus et le plein de carburant auraient lieu devant des gradins remplis. Les bolides emprunteraient ensuite la rue Pierre-de-Coubertin et, pourquoi pas, Pie-IX vers le nord... L'idée, malgré son originalité, a vite été écartée.

Après avoir songé un moment à établir le circuit à l'aéroport de Cartierville, qui sera fermé une dizaine d'années plus tard, le site de l'île Notre-Dame a été retenu. Ce fut un coup de génie. Depuis cette époque, le Grand Prix est un moment fort de la saison de Formule 1.

Au coeur de cette réussite, on retrouve Normand Legault. S'il n'est plus associé à la tenue de la course, cet amoureux de Montréal est responsable de son essor. Il est aussi un formidable raconteur.

Boire un café avec lui, c'est entendre de bonnes histoires en rafale, comme en fait foi l'anecdote à propos du Stade olympique.

«Lorsque Labatt est devenu promoteur du Grand Prix en 1978, l'idée était d'organiser la course dans les rues de Toronto, raconte-t-il. Mais les élus s'y sont opposés. Une conseillère municipale a même dit ne pas vouloir des amateurs de course parce que ces gens-là n'allaient pas à l'église!»

La Brasserie Labatt a alors approché Jean Drapeau, un maire réceptif aux grands projets. C'est ainsi que Montréal a mis la main sur un événement sportif international de premier plan.

La promotion de la course a été confiée à un jeune homme plein d'énergie, Normand Legault. Sa vie venait de prendre un virage inattendu. Une dizaine d'années plus tard, il deviendrait un des acteurs les plus influents de la Formule 1.

***

Aujourd'hui, ce sont les épreuves de moto qui mènent Normand Legault aux quatre coins de la planète. Il est un actionnaire de Dorna, la société privée espagnole qui contrôle le championnat du monde MotoGP ainsi que les courses de Superbike.

Legault s'est joint à l'entreprise en même temps que l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, qui a acquis 39 % des actions en octobre dernier. (Dans une autre transaction, l'organisme a aussi consenti un prêt de 400 millions à la société gérant la Formule 1.)

Doté d'une direction autonome du Régime de pensions, l'Office recherche de bons rendements avec un minimum de risques. Dans le milieu de la moto, la nouvelle a étonné, au point où un site web consacré à ce sport a titré: «Qui sont ces Canadiens, nouveaux propriétaires des Grands Prix?»

C'est grâce à ses contacts en Formule 1 que Legault a plongé dans cette nouvelle aventure. «Je connais bien le PDG de la société, Carmelo Ezpelata. À l'époque, il gérait le Grand Prix d'Espagne. Nous avons aussi tous deux travaillé pour Bernie Ecclestone.»

Les Grands Prix de moto attirent des foules considérables. Ils sont diffusés dans plus de 200 pays et génèrent d'excellentes cotes d'écoute à la télé.

«Notre Michael Schumacher s'appelle Valentino Rossi, explique Legault. Il a remporté plusieurs fois le championnat des pilotes. Le magazine Forbes estime ses revenus annuels à 30 millions.»

Les motos de Valentino et ses adversaires sont des prototypes de fibre de carbone dont le prix frôle les 3 millions. «En ligne droite, elles atteignent 340 kilomètres à l'heure», dit Legault.

Membre du conseil d'administration de Dorna, Legault apporte une expertise utile au groupe. Cette association lui permet de rester en contact avec le sport motorisé. Mais il ne s'agit pas de sa seule activité.

S'il a quitté la présidence du conseil d'administration de la Société du parc Jean-Drapeau, il demeure membre de plusieurs autres conseils, où il représente parfois des investisseurs institutionnels, comme la Caisse de dépôt et placement du Québec.

***

Normand Legault a toujours été un homme d'action. Et il n'a jamais hésité à donner un coup de main à des événements sportifs n'ayant aucun lien avec le bruit des moteurs.

En 2003, il s'est impliqué dans le Championnat junior mondial d'athlétisme, à Sherbrooke. Un jeune Jamaïcain alors plutôt inconnu, Usain Bolt, avait impressionné en remportant le 200 mètres couru sous une averse.

Deux ans plus tard, Montréal a fait appel à Legault pour sauver la présentation des Championnats du monde de natation. Il s'est entouré de gens de confiance, comme René Guimond, François Dumontier et Richard Prieur. Le désastre appréhendé s'est transformé en retentissant succès.

Cette semaine, en annonçant sa retraite, Alexandre Despatie a qualifié cette compétition de «plus beau souvenir en carrière». Legault se souvient avec plaisir des performances du plongeur québécois, tout comme de celles de Michael Phelps.

«Quelques semaines plus tôt, Phelps était venu à Montréal pour reconnaître l'environnement, raconte-t-il. Il était demeuré à la chambre d'hôtel qui serait la sienne durant la compétition, en plus de découvrir le trajet pour se rendre à la piscine. Il voulait voir toutes les installations: vestiaire, casiers... C'était fascinant de surveiller sa préparation.»

Normand Legault aime Montréal. Et il répondra toujours présent lorsque l'occasion d'aider sa ville se présentera.