On peut mettre des lunettes roses et prétendre que le Canadien a simplement manqué de chance dans sa série contre les Sénateurs d'Ottawa. Si les officiels avaient été meilleurs, si les blessures avaient été moins nombreuses, si, si, si...

La triste réalité, c'est que le Canadien n'a pas fait le poids, au sens propre comme au sens figuré. Il n'a remporté qu'une victoire et a subi deux dégelées de 6-1. Dans les seules troisièmes périodes, si déterminantes en matchs éliminatoires, le Canadien a été lessivé 12-0.

Devant le filet, Carey Price (salaire de 6,5 millions) a été éclipsé par Craig Anderson (salaire de 3,2 millions). Cela n'est pas une bonne nouvelle, puisque le débat autour du no 31 demeure entier. Est-il un futur grand ou simplement un honnête gardien comme il s'en trouve plusieurs dans la LNH?

Le Canadien s'est battu avec courage, aucun doute là-dessus. Mais les Sénateurs, énergiques jusqu'au bout, ont dominé la série. Ce fut aussi le cas dans les déclarations d'après-match, où Paul MacLean, un communicateur hors pair, s'est très bien servi de sa tribune.

Pour le CH, c'est la suite logique d'une fin de saison régulière éprouvante. Les efforts consentis depuis janvier dernier ont laissé des traces. Le réservoir d'énergie était quasi à sec.

Après le match de jeudi, Therrien a reconnu que «beaucoup de travail» attendait le Canadien. Voilà un constat sage. Car il est souvent tentant pour une organisation de surévaluer sa véritable force.

Pierre Gauthier a sombré dans ce piège après l'élimination du Canadien en sept matchs contre les Bruins de Boston, en 2011. Son équipe, croyait-il, flirtait forcément avec l'élite de la LNH, puisqu'elle était venue à un cheveu d'éliminer les éventuels champions de la Coupe Stanley.

C'était loin d'être le cas. Et la déception a été vive lorsque les immenses trous de la formation sont devenus apparents quelques mois plus tard.

À l'évidence, Marc Bergevin et Michel Therrien seront plus lucides.

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Avec de jeunes joueurs doués comme Lars Eller, Alex Galchenyuk et Brendan Gallagher, le Canadien est sur la bonne voie. Jarred Tinordi ajoute du poids à la ligne bleue et Alexei Emelin, un autre gros défenseur, a beaucoup progressé.

Le secteur hockey est aussi mieux structuré. Lorsque Marc Bergevin et ses adjoints dresseront le bilan saisonnier, l'analyse sera assurément critique. Ce groupe-là ne croit pas aux raccourcis.

N'en reste pas moins que plusieurs embûches attendent le DG. Au premier rang, la masse salariale de l'équipe. La saison prochaine, le plafond chutera de 70,2 à 64,3 millions en vertu de la nouvelle convention collective.

Or, les engagements financiers du Canadien frôlent déjà ce plateau. Selon capgeek.com, une référence en la matière, à peine trois équipes sont en pire posture: Philadelphie, Vancouver et Chicago.

Du groupe, seuls les Blackhawks sont toujours en vie. Les Sénateurs, vous demandez? Leur liste de paie est de 54 millions cette saison. À Ottawa, chaque dollar est bien dépensé. (Je parle de l'équipe de hockey, bien sûr...)

Le Canadien compte plusieurs cas problèmes. Celui de Tomas Kaberle se réglera sans doute par un rachat de contrat, ce qui libérera 4,2 millions. On ne reverra sûrement pas Michael Ryder. Mais cela ne change rien à la situation, son contrat étant terminé.

À l'attaque, si aucun changement n'est effectué, les quatre plus hauts salariés en 2013-14 seront Tomas Plekanec et Brian Gionta (5 millions chacun), Max Pacioretty (4,5 millions) et David Desharnais (3,5 millions).

Gionta est un joueur volontaire, mais petit et sur le déclin. Des blessures ont mis fin à sa saison deux années consécutives. À ce salaire, sa valeur sur le marché des transactions n'est sûrement pas élevée.

Plekanec est fiable, mais n'élève pas son jeu en séries. Quant à Desharnais, il est tombé à plat après avoir signé sa nouvelle entente. Jeudi, il a reconnu ses torts et promis de revenir en force. Souhaitons que ce soit le cas. «Je n'ai pas encore joué 200 matchs dans la LNH», a-t-il rappelé, avec raison.

En défense, Andrei Markov empochera 5,7 millions la saison prochaine, une jolie somme pour un joueur de 34 ans peu à peu rattrapé par le poids des années.

Bref, Bergevin devra se montrer habile pour dégager une marge de manoeuvre afin d'améliorer son équipe. Il possède un atout: six choix au repêchage parmi les 90 premiers.

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Le Canadien n'avait pas une équipe capable de batailler pour la Coupe Stanley. Cela dit, il est tout de même dommage que sa participation aux séries n'ait duré que huit jours. Quelques matchs de plus auraient bonifié l'expérience du groupe dans des situations tendues.

Pour cette première saison à la tête de l'organisation, Marc Bergevin et Michel Therrien peuvent néanmoins garder la tête haute. Ils ont atteint leur objectif: une participation aux séries éliminatoires. Pour une équipe ayant terminé dernière de son Association une année plus tôt, ce n'est pas rien.

Le Canadien doit maintenant passer à l'étape suivante: devenir une puissance de la LNH. Pour cela, Bergevin devra montrer du cran et de l'imagination. Et ne pas hésiter à faire des changements du côté des vétérans. Après tout, le CH n'a pas remporté une seule série éliminatoire depuis 2010.