Verra-t-on Sidney Crosby et les meilleurs joueurs de la LNH à Sotchi? À moins d'un an de la cérémonie d'ouverture des prochains Jeux olympiques d'hiver, la question demeure entière.

Aujourd'hui, à New York, des dirigeants de la LNH, de l'Association des joueurs, de la Fédération internationale de hockey sur glace (FIHG) et du Comité international olympique (CIO) tenteront de conclure une entente. Mais les pourparlers s'annoncent délicats.

La présence des joueurs de la LNH à Sotchi n'a pas été réglée durant les dernières négociations de la convention collective. Les deux parties ont simplement convenu d'explorer ensemble les «occasions internationales» impliquant une participation des joueurs.

En clair, elles doivent se mettre d'accord avant que les vedettes du circuit s'envolent pour la Russie en février prochain.

Mais cette fois-ci, contrairement au lock-out, ce n'est pas entre les propriétaires et les joueurs que des flammèches risquent de se produire. Mais plutôt entre Gary Bettman et René Fasel.

Les relations entre le commissaire de la LNH et le président de la Fédération internationale n'ont jamais été chaleureuses. Le côté frondeur de Bettman est bien connu. Fasel, de son côté, n'a jamais eu la langue dans sa poche.

Membre influent du CIO, son nom est mentionné dans la liste des outsiders susceptibles de succéder au président Jacques Rogge en septembre prochain. Comme Bettman, il est un homme de pouvoir, habitué à ce que les choses fonctionnent à sa manière.

La semaine dernière, Fasel a accordé une entrevue à la CBC. Ses propos, diffusés durant Hockey Night in Canada, ont eu beaucoup de retentissement.

«Les joueurs veulent participer aux Jeux, pas de doute là-dessus, a dit Fasel. J'en ai parlé avec Donald Fehr, le directeur de leur Association. Quant à Gary, je pense qu'il n'a pas le choix. Il doit venir à Sotchi.»

Bettman n'a sûrement pas apprécié de se faire ainsi dicter une ligne de conduite par Fasel. Cela dit, si les choses en étaient restées là, cette déclaration n'aurait pas fait couler beaucoup d'encre. Sauf que le journaliste Scott Russell a posé une autre question à Fasel.

À votre avis, quels sont les empêchements à cette participation?

Peut-être l'ego de certaines personnes en Amérique du Nord.

Cette réponse a été interprétée comme une pique à l'endroit de Bettman.

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À Vancouver, en 2010, Bettman a expliqué pourquoi la présence des joueurs de la LNH aux Jeux olympiques le laissait ambivalent.

«Du haut des airs, tout semble très beau, a-t-il dit. Mais il faut bien analyser l'impact de cette participation. Ça nous coûte de l'argent et ça interrompt notre saison.»

Ce n'est pas tout: la LNH, habituée à contrôler son produit jusque dans les moindres détails, perd son autorité durant le tournoi olympique. Elle n'exerce aucune influence et ne profite d'aucun privilège. Cela ne plaît sûrement pas à Bettman.

Fasel sait bien que le staut quo est inadmissible pour la LNH. Mais pas question de verser une compensation financière au circuit. Interrogé à ce sujet par le quotidien suisse Le Matin en septembre dernier, il a déclaré avec grandiloquence: «La participation aux Jeux olympiques est un honneur, elle ne se monnaie pas.»

N'empêche qu'au bout du compte, les joueurs de la LNH aident à gonfler les revenus du mouvement olympique. Pour les diffuseurs télé, leur présence fournit aussi l'assurance d'obtenir d'excellentes cotes d'écoute.

Que souhaite obtenir la LNH en retour de sa participation? Dans une excellente analyse d'ESPN, le journaliste Scott Burnside suggère que la LNH veut d'abord être mieux traitée par les autorités olympiques. Elle souhaiterait, par exemple, exploiter les images des matchs sur ses plateformes numériques.

La LNH joue toujours dur dans ses négociations. Elle ne changera pas ses méthodes dans le dossier des Jeux olympiques.

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Le manque d'enthousiasme de Bettman envers les Jeux n'est pas un cas unique dans le sport professionnel.

Au soccer, le tournoi olympique est d'abord réservé à la relève. Chaque équipe n'aligne que trois joueurs de plus de 23 ans. Pas question de concurrencer la Coupe du monde qui, disputée tous les quatre ans, génère un intérêt planétaire... et des revenus faramineux!

Au basketball, les meilleurs joueurs de la NBA participent aux Jeux depuis 1992. Mais le commissaire David Stern n'est pas un grand partisan de cette initiative.

Aux Jeux de Londres, l'été dernier, on disait qu'il aimerait bien voir la Fédération internationale de basketball adopter la formule du soccer : seuls quelques joueurs plus âgés participeraient aux matchs. La NBA pourrait ainsi organiser une Coupe du monde beaucoup plus lucrative pour ses joueurs et elle.

La LNH n'écarte sûrement pas cette voie. Une des clauses de la nouvelle convention collective prévoit même que les revenus d'une éventuelle Coupe du monde soient partagés à parts égales avec l'Association des joueurs.

Alors, à quoi s'attendre en vue de Sotchi? Compte tenu de l'interminable lock-out, un désastre de relations publiques, la LNH et ses joueurs commettraient une grave erreur en ne participant pas aux Jeux olympiques de février prochain. Le tournoi s'annonce formidable et les amateurs de hockey de tous les pays ont hâte de voir les meilleurs joueurs s'affronter.

Mais la suite des choses n'est pas évidente. Surtout que les Jeux d'hiver de 2018 auront lieu en Corée du Sud, un pays très éloigné de l'Amérique du Nord.