Le symbole est éloquent: la lutte, une discipline dont l'histoire trempe dans l'Antiquité, sera exclue du noyau des 25 sports principaux des Jeux olympiques d'été à compter de 2020.

Cette recommandation de la Commission exécutive du Comité international olympique (CIO), annoncée mardi à Lausanne, a résonné comme un coup de tonnerre.

Pourquoi le mouvement olympique rompt-il ainsi avec la tradition? Après tout, les origines de la lutte remontent à 3000 ans avant Jésus-Christ, ce qui n'est tout de même pas le cas du tennis de table ou du hockey sur gazon!

La réponse est écrite en toutes lettres dans le communiqué publié pour l'occasion: « Dans le but de s'assurer que les Jeux olympiques continuent d'intéresser les passionnés de sport, toutes générations confondues, la commission du programme olympique analyse systématiquement chaque sport après chaque édition des Jeux ».

En clair, cela signifie que les sports techniques, qui génèrent moins d'intérêt populaire, sont menacés par l'émergence de disciplines plus spectaculaires et porteuses auprès des jeunes.

Jusqu'à maintenant, l'impact des nouvelles épreuves a surtout été perceptible aux Jeux d'hiver. Le CIO n'a eu qu'à prolonger leur durée pour les intégrer au programme sans faire de malheureux.

Ainsi, en 1984, les Jeux de Sarajevo ont été complétés en 12 petites journées. Et à peine 39 médailles d'or étaient à l'enjeu.

En février prochain, les Jeux de Sotchi dureront 17 jours. Et 98 médailles d'or seront décernées.

Ces ajouts insufflent un dynamisme exceptionnel aux Jeux d'hiver. Si vous n'avez jamais vu de ski slopestyle, de slalom parallèle en planche à neige ou de skicross, préparez-vous à un choc!

Bien sûr, cette approche ne fait pas l'unanimité. « Bientôt, on donnera des médailles pour des batailles de boules de neige », a déploré Ivica Kostelic, un skieur croate, l'hiver dernier.

C'est une manière de voir les choses. Je crois plutôt que les Jeux d'hiver ont plongé avec entrain dans le XXIe siècle et que le spectacle n'a jamais été aussi intéressant. En modernisant ainsi son programme, le CIO a montré de l'audace.

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Les Jeux d'été posent un problème différent. L'horaire des compétitions est déjà lourd.

Le CIO a fixé à 28 le nombre maximal de sports. En 2016, à Rio, on retrouvera les 25 sports du noyau, en plus du rugby à sept joueurs et du golf. La lutte complétera le programme, son exclusion n'étant pas immédiate.

Pour les Jeux de 2020, huit prétendants, dont la lutte, tenteront d'arracher le seul ticket d'entrée disponible. Voici les autres: baseball/softball, karaté, roller, escalade sportive, squash, wakeboard (sport nautique) et wushu (art martial).

Après ces Jeux, un nouvel examen aura lieu. Si le rugby et le golf n'ont pas été des succès, ces sports pourraient être exclus, comme l'ont été le baseball et le softball après les Jeux de 2008.

Bref, l'époque où tous les sports étaient reconduits automatiquement est terminée.

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La rumeur voulait que le taekwondo ou le pentathlon moderne pigent le mauvais numéro. Du coup, la nouvelle a laissé la Fédération internationale de lutte « stupéfaite ».

Même réaction au Canada, où Don Ryan, président de la fédération nationale, a cru à une blague lorsque des athlètes lui ont texté la nouvelle, mardi matin. « Je ne comprends pas, a-t-il dit. La lutte est un sport peu coûteux et pratiqué dans 180 pays... »

La lutte peut-elle renverser la vapeur? Possible, mais peu probable. Les huit sports désireux d'être inclus aux Jeux de 2020 feront valoir leurs arguments en mai prochain. Une décision finale sera prise à Buenos Aires en septembre.

C'est là que repose l'espoir de la lutte, même s'il serait bizarre de l'exclure en février et de la réintégrer sept mois plus tard. « Face au lobby de sports puissants, comme le baseball, je n'y crois pas », a déclaré un responsable français au journal Le Monde.

À moins que la Fédération internationale, qui dormait manifestement d'un sommeil profond pendant que l'avenir de son sport se jouait en coulisse, ne sorte de sa léthargie.

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La nouvelle de mardi est triste pour les jeunes lutteurs québécois. Comme l'exclusion du taekwondo l'aurait été pour nos représentants pratiquant ce sport.

N'empêche qu'on peut se poser la question: entre ces deux sports de combat, comment préférer le taekwondo? Cette discipline n'a été admise aux Jeux qu'en 2000 et a généré des controverses.

Il faut croire que les données analysées par le CIO - cotes d'écoute à la télé, retombées dans les journaux et les médias sociaux, nombre de billets vendus - ont avantagé le taekwondo. Ce sport a aussi modifié ses règles avant les Jeux de Londres pour améliorer l'arbitrage.

Oui, mais le pentathlon moderne, demandez-vous? Ce sport a été inventé par le baron Pierre de Coubertin lui-même, ce qui le met sans doute à l'abri de l'exclusion.

Et le golf? Alors là, la réponse est toute simple: il y aura plus de caméras de télé lorsque les jets privés de Tiger Woods et de Phil Mickleson se poseront à Rio en 2016 qu'à l'arrivée des meilleurs lutteurs du monde.

C'est aussi ça, l'olympisme.