En constatant la vitesse avec laquelle les propriétaires ont repoussé la dernière proposition des joueurs mercredi, les commentaires de Jim Devellano me sont revenus en mémoire.

C'était en septembre dernier, au tout début du lock-out. Jimmy D., comme tout le monde l'appelle dans le hockey, a expliqué pourquoi les joueurs ne sortiraient pas gagnants du conflit.

«Les propriétaires détiennent le ranch, a-t-il dit. Et les joueurs sont le bétail. Les propriétaires laissent les joueurs y manger. Les choses ont toujours fonctionné ainsi et ça ne changera pas. Les propriétaires ne se laisseront jamais bousculer par le syndicat.»

Jimmy D., ancien directeur général des Red Wings de Detroit devenu vice-président de l'équipe, n'a jamais eu la langue dans sa poche. Son livre, dans lequel il raconte son passionnant parcours dans le hockey, en fournit la preuve.

En utilisant cette métaphore insultante, il a cependant raté une belle occasion de se taire. La LNH lui aurait, dit-on, imposé une amende de 250 000 $.

Au-delà de son malheureux choix de mots, Devellano a défini l'attitude patronale dans ces négociations. Les propriétaires ne considèrent pas les joueurs comme des partenaires, mais plutôt comme des employés surpayés. Et ils en ont assez.

Ce jour-là, Devellano a précisé que les joueurs devraient se montrer «reconnaissants» envers les propriétaires. Comme si ceux-ci ne profitaient pas de l'immense popularité des joueurs pour mousser leurs propres affaires.

Ainsi, lorsque Bell et Rogers versent 1 milliard pour acheter les Maple Leafs de Toronto, c'est qu'ils savent que l'investissement sera rentable. Même chose lorsque le groupe de Geoff Molson pompe près de 600 millions pour acquérir le Canadien, le Centre Bell et evenko.

Dans un monde idéal, les propriétaires et les joueurs travailleraient main dans la main. Mais cette manière moderne de mener une entreprise n'intéresse pas la LNH.

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Que s'est-il donc passé, mercredi? En gros, les joueurs ont fait une nouvelle génuflexion. Ils ont accepté un partage à parts égales des revenus de la LNH, abandonnant leur demande d'obtenir un montant fixe.

En revanche, ils ont demandé à la LNH de bonifier son offre afin de faciliter cette transition.

Les propriétaires proposaient déjà 211 millions pour permettre aux joueurs de toucher l'intégralité de leurs contrats. Les joueurs estiment qu'une somme supplémentaire de 182 millions en quatre ans est nécessaire.

Que représentent 182 millions? Environ 1,5 million par saison, par équipe, pendant ces quatre saisons.

Les propriétaires, qui ont accordé des centaines de millions en nouveaux contrats avant le déclenchement du lock-out, estiment ce montant trop élevé.

Dans leur esprit, mieux vaut poursuivre le conflit, mieux vaut décevoir les fans, mieux vaut miner le potentiel de l'industrie, mieux vaut casser les joueurs plutôt que d'accepter cette demande.

Voilà pourquoi j'ai pensé à Jimmy D.

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D'autres clauses demeurent en suspens. Les propriétaires veulent limiter à cinq années la durée des contrats, restreindre à 5 % l'écart salarial entre les saisons d'un contrat, et prolonger d'une année le délai avant de devenir joueur autonome.

Ces enjeux justifient-ils la poursuite du lock-out? Non. La LNH doit mettre de l'eau dans son vin.

Après tout, un accord est à portée de main sur la division des revenus.

Après tout, les propriétaires sont assurés de recevoir des centaines de millions de plus que sous l'ancienne convention collective.

Après tout, les deux parties s'entendent sur un plan de péréquation entre les équipes riches et les moins fortunées.

Conclusion: les bases d'un règlement existent.

Le scénario ressemble à celui dans la NBA l'an dernier. Le vendredi 25 novembre, les propriétaires et les joueurs ont amorcé une longue séance de négociations. À 3h30 du matin le lendemain, ils ont conclu un accord.

On verra très vite si la LNH veut un règlement. Ou si elle cherche plutôt à écraser les joueurs, ce qui représenterait un mauvais calcul stratégique.

Dans l'univers très concurrentiel du sport spectacle, il sera en effet difficile de faire croître l'industrie du hockey si le lien de confiance entre patrons et employés, déjà affaibli, est rompu.

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Pendant ce temps, à Glendale, Greg Jamison poursuit ses efforts pour acquérir les Coyotes de Phoenix. S'il réussit, l'équipe s'appellera désormais les Coyotes de l'Arizona. Mais avant d'en arriver là, une étape cruciale demeure.

Mardi prochain, le conseil municipal de Glendale se prononcera sur la nouvelle entente négociée entre le groupe de Jamison et la Ville. Celle-ci lui verserait 320 millions en 20 ans pour gérer le Jobing.com Arena.

Il s'agit d'un contrat majeur pour une ville de cette dimension. Or, les élections du 6 novembre dernier ont métamorphosé le conseil municipal. Mais les nouveaux élus n'entreront en fonction qu'en janvier.

Au plan éthique, cette situation pose problème: des conseillers en fin de mandat peuvent-ils engager leur ville pour 20 ans?

La question est d'autant plus intrigante que le directeur général de Glendale, celui-là même qui a négocié le contrat avec Jamison, ne recommande pas son acceptation, selon le quotidien The Arizona Republic.

Glendale éprouve de graves difficultés financières. Et cette entente, si elle est entérinée, l'obligera à des compressions douloureuses au cours de la prochaine année. Un rejet diminuerait les chances de survie des Coyotes en Arizona.

Le vote de mardi sera surveillé à Glendale et... à Québec!