Cette fois, c'est du concret: le chantier est ouvert et les plans sont dévoilés. Québec aura son nouvel amphithéâtre en septembre 2015. Reste à savoir si une équipe de la LNH suivra.

Mais hier, à Québec, l'heure n'était pas à soupeser les chances du retour des Nordiques. On a plutôt savouré les images de ce nouvel amphithéâtre, clin d'oeil réussi aux hivers rigoureux de la capitale, et inspiré en partie par le Musée Mercedes de Stuttgart, en Allemagne.

«L'architecture rappelle une congère sculptée par le vent», dit le maire de Québec, Régis Labeaume, à qui j'ai parlé en après-midi.

«L'amphithéâtre n'est pas monumental, mais il nous ressemble. Il laisse entrer la lumière et ses lignes sont douces, à l'image de Québec», ajoute-t-il.

Construit au coût de 400 millions à deux pas du Colisée actuel, le nouvel amphithéâtre comptera 18 482 sièges pour un match de hockey. Des rideaux acoustiques suspendus à des ponts roulants permettront différentes configurations.

On pourra ainsi organiser des combats de boxe devant plus de 20 000 spectateurs ou présenter des spectacles dans une ambiance plus intimiste de 3000 personnes.

«On veut que les gens se sentent sur une autre planète lorsqu'ils visiteront l'amphithéâtre, poursuit M. Labeaume. Ils viendront ici pour sortir de leur quotidien. On souhaite qu'il y ait de l'émotion. À la coursive supérieure, ils pourront boire ou manger en apercevant le centre-ville ou les Laurentides...»

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Pour les gens qui, comme moi, ont grandi à Québec, l'étape franchie hier est historique. En regardant les images de cette structure audacieuse, une foule de souvenirs me sont revenus en mémoire.

Le feuilleton du nouveau Colisée dure en effet depuis quarante ans. C'est encore plus que la saga du CHUM à Montréal! Et il a empoisonné le mandat de plusieurs maires de Québec.

Au début des années 1970, Gilles Lamontagne a été accusé de manquer d'envergure en ne modernisant pas l'édifice; en 1979, Jean Pelletier a coupé la poire en deux en parrainant l'agrandissement du Colisée actuel; et en 1995, Jean-Paul L'Allier a été conspué par les uns, et salué par les autres, en s'opposant au financement public d'un nouvel amphithéâtre.

Régis Labeaume s'inscrit dans une autre tradition, celle du maire Lucien Borne.

En mars 1949, après l'incendie ayant ravagé le vieux Colisée, M. Borne a promis sur-le-champ de le remplacer par un édifice à couper le souffle.

Neuf mois plus tard, un premier match était disputé dans cet équipement révolutionnaire: malgré son volume, aucune colonne n'obstruait la vue des spectateurs. Il s'agissait du plus bel amphithéâtre d'Amérique.

Il y a trois ans, Régis Labeaume a fait de la construction d'un nouveau Colisée une priorité. Le pari était risqué. Car ce dossier a toujours recelé une puissante charge émotive, où s'opposaient la gloire sportive et la responsabilité financière.

D'un côté, le hockey est une composante essentielle de l'histoire de Québec. Et le Colisée est le lieu de mille exploits qui, de génération en génération, ont constitué une source de fierté pour les citoyens.

Jean Béliveau avec les Citadelles et les As; Guy Lafleur avec les Remparts; Marc Tardif avec les Nordiques de l'AMH; et Peter Stastny avec ceux de la LNH... Tous ces joueurs n'ont pas seulement été des athlètes d'exception. Leur génie sur la patinoire a aussi rassemblé les gens.

En revanche, l'investissement massif de fonds publics dans la construction d'un nouveau Colisée a longtemps suscité la méfiance des contribuables. Marcel Aubut, malgré sa détermination, l'a constaté à la dure peu avant le départ des Nordiques pour le Colorado. L'appui massif de la population, sur lequel il misait gros, ne s'est pas matérialisé.

Le mérite de Régis Labeaume, c'est d'avoir bien senti l'humeur de ses concitoyens. Il a lancé son projet au moment où ils sont devenus réceptifs à l'idée.

La vigueur économique de la région permet de croire au retour des Nordiques. Cela a constitué l'élément déterminant du succès du maire. La vétusté du Colisée actuel a vaincu les dernières résistances. Et lorsque le gouvernement du premier ministre Jean Charest a injecté 200 millions dans l'aventure, l'affaire était lancée.

La suite ne fut évidemment pas un long fleuve tranquille. L'orageux débat à propos du projet de loi 204 l'a démontré. Mais le maire Labeaume a tenu son bout, même lorsque le tapis a semblé glisser sous ses pieds.

Qu'on l'aime ou pas, reconnaissons cette qualité à Régis Labeaume: il n'abandonne pas facilement.

«J'ai vécu trois années de gros stress, lance-t-il. À l'époque, j'ai dit que je ferais de mon mieux pour concrétiser le projet. Faire une promesse semblable, c'est avoir la garantie de te faire poser des questions là-dessus tous les jours...»

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Le nouvel amphithéâtre s'annonce magnifique. En obtenant le mandat l'an dernier, François Moreau, l'architecte principal, avait déclaré au Soleil : «On ne fera pas une boîte de tôle». À première vue, il a tenu parole.

La firme de M. Moreau est membre d'un consortium dont fait partie la réputée maison américaine Populous, qui a dessiné des amphithéâtres et des stades aux quatre coins du monde.

L'édifice proposera un restaurant gastronomique, un bar sportif, 81 loges d'entreprise, deux loges géantes pour des groupes importants, une aire d'amusement pour les enfants et des équipements technologiques sophistiqués. «On a optimisé l'utilisation commerciale», soutient M. Labeaume.

N'empêche qu'avec ses 18 482 sièges, l'amphithéâtre aura une grosse capacité d'accueil. Plusieurs équipes de la LNH (parmi elles, Boston, New Jersey, Anaheim et San Jose) évoluent dans des arénas comptant moins de places assises pour le hockey.

Si Québec obtient une équipe de la LNH, sera-t-il possible de créer un effet de rareté pour les billets? Ça reste à voir. «Notre marché, c'est tout l'est du Québec, réplique M. Labeaume. Je ne suis pas inquiet.»

Quant au retour éventuel des Nordiques, il est clair que Québec augmente ses chances en érigeant pareil palace. Ce sera maintenant à Québecor Media de livrer la marchandise.

Avant de soupeser ses chances de réussite, attendons le résultat des négociations actuelles entre la LNH et ses joueurs. Le contenu de la prochaine convention collective aura un impact sur l'avenir de quelques équipes.

À Québec, on rêve aussi d'une expansion qui augmenterait à 32 le nombre de formations dans la LNH.

Chose sûre, les attentes des citoyens sont plus élevées que jamais. L'édifice est d'abord construit pour accueillir une équipe de la LNH. Si cela ne se produit pas dans un délai raisonnable, l'enthousiasme d'aujourd'hui s'évaporera.

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