La photo a été prise en Allemagne, l'été dernier, après la misérable performance des Canadiennes à la Coupe du monde de soccer. On y voit la capitaine Christine Sinclair se serrant la tête à deux mains, une expression de dégoût et de colère au visage.

Quelques semaines plus tard, John Herdman, un Britannique originaire de Newcastle, a été nommé entraîneur de l'équipe. Il a affiché cette photo dans son bureau. «Je ne veux plus jamais voir une joueuse de cette qualité dans un état pareil après un championnat», s'est-il juré.

Herdman a atteint son objectif. À l'issue du tournoi olympique hier, Christine Sinclair était une femme heureuse.

L'équipe canadienne, après avoir subi le feu nourri de l'attaque française en deuxième demie, a arraché une victoire de 1-0 et remporté le bronze. Aux Jeux d'été, cette médaille est la première du Canada dans un sport d'équipe traditionnel depuis... 1936!

«Je suis sous le choc! a lancé Sinclair. La France a obtenu une dizaine d'occasions en or. Et c'est nous qui marquons dans les dernières secondes de la rencontre. Le soccer est un jeu bizarre, parfois...»

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Dès le début du match, on a compris que l'éprouvant revers de lundi contre les Américaines avait laissé des traces. Les Canadiennes n'avaient pas la même énergie.

Elles se sont néanmoins accrochées même si leurs rivales tourbillonnaient autour du but d'Erin McLeod, frappant le poteau et la barre transversale. Le nombre de tirs illustre parfaitement l'allure du match: 25 pour la France et 4 pour le Canada.

Les Canadiennes ont obtenu leur seule véritable chance de marquer dans le temps ajouté après les 90 minutes réglementaires.

Un ballon est apparu comme par magie devant Diana Matheson, qui a tiré dans une cage quasi déserte: but!!! On aurait dit un coup de tonnerre dans le ciel de Coventry. Les Françaises étaient atterrées et les Canadiennes hurlaient de joie. Dix secondes plus tard, l'arbitre sifflait la fin du match.

«Après la Coupe du monde de l'an dernier, aucune d'entre nous n'aurait cru cette médaille possible, a ajouté Sinclair. Mais John Herdman est arrivé et il a transformé notre programme. Il est un génie.»

Un génie? C'est peut-être beaucoup, mais admettons que l'entraîneur de 37 ans ne manque pas de charisme.

Ses remarques d'après-match ressemblent à un symposium sur le métier d'entraîneur. Son but, dit-il, est d'instaurer une «culture» où toutes les joueuses pourront «grandir».

Herdman raffole des déclarations-chocs. La rencontre d'hier à peine terminée, il annonçait déjà le nouvel objectif de son équipe: battre les Américaines en finale de la Coupe du monde de 2015, présentée au Canada.

«Certaines personnes suggèrent d'éviter les trop grosses promesses de crainte de ne pas les tenir. Moi, je dis plutôt: promettons gros et livrons la marchandise.»

Le soccer canadien n'a jamais rien vu de tel.

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Pour les Françaises, l'échec est cruel. Le bronze était à leur portée. Accablé, l'entraîneur français Bruno Bini était presque lyrique en commentant l'échec: «Ce soir, nous n'avons plus que les yeux pour pleurer».

Puis, expliquant qu'un effort maximal n'est pas une garantie de succès, Bini a ajouté: «C'est comme en amour. Tu peux aimer à la folie, mais ça ne suffit pas toujours pour garder l'autre... Pour le reste, que voulez-vous que je vous dise? On est en vie, on est en santé, ce n'est pas si mal.»

Cette sérénité n'a pas duré. Lorsqu'on lui a demandé si ses joueuses n'avaient pas amorcé la rencontre trop lentement, Bini a explosé: «Arrêtez avec ça! Les Canadiennes n'ont pas franchi le centre du terrain. On a eu la maîtrise totale du match de la première à la 91e minute de jeu.»

- Vous n'avez pas décelé un hors-jeu sur le but du Canada?

- Ne comptez pas sur moi pour dire quoi que ce soit de négatif sur le corps arbitral. Il faut laisser les arbitres travailler tranquillement. C'est la philosophie de l'équipe de France féminine de football. Je sais que certaines sélections disent beaucoup, qu'elles ont de grandes bouches, mais pas nous.»

Il s'agissait clairement d'une pointe à l'équipe canadienne, qui a multiplié les reproches envers l'arbitre après le revers de lundi contre les États-Unis.

Lorsque je le lui ai fait remarquer, Bini n'a pas apprécié: «Je vous interdis d'interpréter mes propos.»

Me voilà prévenu!

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Marie-Ève Nault rentrera au Québec une médaille de bronze au cou.

Une conclusion inattendue pour cette défenseure originaire de Trois-Rivières, qui devait être réserviste durant le tournoi. Des blessures à des coéquipières lui ont cependant ouvert la porte et elle a été de la formation partante lors des trois derniers matchs.

Elle signifie quoi, cette médaille?

«J'ai l'impression que tous mes efforts trouvent leur raison d'être. C'est un moment exceptionnel. Je m'en souviendrai toute ma vie», répond Marie-Ève Nault.

La performance de cette extraordinaire équipe tombe comme un cadeau du ciel pour le développement du soccer au Canada.

Quant à Christine Sinclair, les derniers jours ont transformé sa vie. La voilà désormais une des athlètes les plus populaires au Canada. À son retour au pays, les télés s'arracheront sa présence. «Aucun problème, pour autant que je puisse porter ma médaille!»

Là-dessus, Christine Sinclair est allée rejoindre ses coéquipières. Direction Londres, en vue de la remise des médailles en soirée.

Durant le trajet, les filles se promettaient d'entonner en choeur The Power of Love, la pièce de Céline Dion avec laquelle elles soulignent chacune de leurs victoires.

Photo: PC

Le Canada a mérité le bronze, hier, au soccer féminin. La performance de cette extraordinaire équipe tombe comme un cadeau du ciel pour le développement de ce sport au Canada.