La devise de l'équipe canadienne à Londres est «Tout donner».

Faudrait peut-être la remplacer par: «À chaque jour sa controverse».

Bien sûr, le sport ne serait pas le sport si des athlètes furieux ne dénonçaient pas des injustices, réelles ou pas. N'empêche qu'au sein de la délégation canadienne, la dernière semaine des Jeux est particulièrement faste à cet égard.

Lundi, après l'extraordinaire match de soccer féminin entre le Canada et les États-Unis, Christine Sinclair a été cinglante: «C'est une honte que dans une rencontre de cette importance, l'arbitre ait décidé du résultat avant même son début».

J'étais devant Sinclair, au stade de Manchester, lorsqu'elle a lancé cette bombe. Même s'il était clair que les joueuses canadiennes étaient sous le choc, ma surprise a été complète. Je n'ai pas souvenir d'une accusation aussi grave.

La remarque de Sinclair a fait le tour du monde. La FIFA, l'organisme qui gère le soccer mondial, ne pouvait encaisser cette atteinte à son intégrité sans réagir.

Quelques heures plus tard, lorsque le comité de discipline a annoncé l'ouverture d'une enquête, le clan unifolié est devenu très nerveux: s'il fallait que Sinclair soit suspendue pour le match de la médaille de bronze, aujourd'hui, contre la France, le coup serait terrible.

Heureusement pour le Canada, la FIFA, visiblement peu soucieuse d'accentuer la crise, a préféré temporiser. Hier matin, elle a annoncé que son enquête ne serait pas terminée avant la tenue du match! Résultat, Sinclair enfilera l'uniforme. Parions qu'elle écopera d'une suspension pour des matchs peu importants une fois le tournoi olympique terminé. Sinclair est une des meilleures joueuses au monde. En compétition internationale, seule l'Américaine Mia Hamm a marqué un plus grand nombre de buts.

Il aura néanmoins fallu une performance hors du commun contre les États-Unis pour la propulser parmi les athlètes les plus admirés au Canada, filles et gars confondus.

La caisse de résonance des Jeux olympiques est immense.

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Autre controverse, cette fois en équitation. Éric Lamaze n'est pas content. Et sa colère n'a aucun lien avec sa 29e place d'hier, au concours individuel de sauts, remporté par le Suisse Steve Guerdat.

Aux guides de Derly Chin De Muze, un cheval trop vert pour une compétition olympique, Lamaze savait qu'il ne défendrait pas avec succès la médaille d'or remportée à Pékin, en 2008.

«Il aurait fallu un miracle, a-t-il dit. Lorsque je me suis levé ce matin, je ne m'imaginais pas monter sur le podium. Pas avec un si jeune cheval.»

Non, si Lamaze est irrité, c'est en raison d'un communiqué à-plat-ventriste de Canada Hippique, la fédération équestre du pays.

Plus tôt cette semaine, Tiffany Foster, la protégée de Lamaze, a perdu sa chance de participer aux Jeux. La Fédération équestre internationale (FEI) a disqualifié son cheval, Victor, avant le concours de sauts par équipes. Lors d'une inspection, une petite lésion a été découverte sur une de ses pattes.

Tiffany Foster a 28 ans. En 2008, les médecins ont cru qu'elle ne marcherait plus jamais après avoir subi une fracture du dos en tombant de cheval. En se qualifiant pour les Jeux, elle a réalisé un rêve.

Canada Hippique n'a pas défendu Foster. Bien au contraire, son président Michael Gallagher a donné tout son appui «au protocole d'évaluation» de la FEI. Il a même remercié ses dirigeants de ne pas avoir «sous-entendu» que l'équipe canadienne avait commis une faute!

Lamaze s'est battu toute sa vie pour se retrouver au sommet de son sport. Imaginez sa réaction devant cette déclaration insipide! «Ce communiqué m'a blessé. J'espère qu'il sera changé. J'ai senti un manque d'appui.»

Tiffany Foster est demeurée stupéfaite en apprenant la disqualification de son cheval.

«Elle était dévastée, a dit Lamaze. Sur le coup, elle n'a pas compris ce qui se produisait. Tiffany était si heureuse d'être aux Jeux. Elle est allée à la cérémonie d'ouverture, elle vivait l'expérience olympique à plein.»

La sortie de Lamaze a ébranlé Canada Hippique. L'organisme n'a rien à gagner d'une chicane avec son meilleur cavalier. «J'aime représenter le Canada, a ajouté Lamaze. Si cette histoire change les choses pour le mieux, cela en aura valu la peine.»

En fin de journée hier, Canada Hippique a clarifié sa position. L'organisme a affirmé que le cheval de Tiffany Foster aurait été en état de concourir parce qu'il ne boitait pas. «Canada Hippique, ajoute-t-on, appuie sans réserve Tiffany Foster et le reste de l'équipe.»

Au bout du compte, les propos de Lamaze auront peut-être solidifié la colonne vertébrale de l'organisme.

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Paula Findlay est l'enfant chérie du Canada anglais. Cette jeune triathlonienne représentait un réel espoir de médaille. Mais toujours incommodée par une blessure à la hanche, elle a franchi la ligne d'arrivée en dernière place, samedi.

Le visage crispé, les yeux pleins de larmes et d'incompréhension, Paula Findlay était défaite. Cette image déchirante a fait le tour du Canada.

Quelques heures plus tard, Simon Whitfield, le plus grand triathlonien canadien, a accusé l'entourage de Findlay de l'avoir mal encadrée. À son avis, la gestion de sa blessure a été déficiente.

Ces paroles ont évidemment provoqué... une autre controverse.

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Christine Sinclair, Éric Lamaze, Simon Whitfield...

Il n'y a pas à dire, certains athlètes canadiens avec du vécu n'hésitent pas à livrer le fond de leur pensée.

Ils jouent parfois avec le feu. Mais c'est aussi ça, le leadership.

Photo: Reuters

Christine Sinclair (au centre) a durement critiqué les arbitres à la suite de la défaite crève-coeur de l'équipe canadienne de soccer féminin face aux États-Unis.