Lorsque Christine Sinclair a donné une avance de 2-0 au Canada hier à Coventry, un silence de plomb s'est abattu sur le stade. Pensez à un but du Canadien dans un moment décisif au Garden de Boston, à la belle époque de Guy Lafleur, et ça vous donnera une idée.

Les 29 000 partisans britanniques, jusque-là bruyants et enthousiastes, étaient sidérés. Le Canada est le pays du hockey, pas celui du soccer. La pathétique performance de la sélection unifoliée à la Coupe du monde de l'an dernier l'a bien rappelé : le Canada a terminé 16e... sur 16 équipes.

Ce moment de stupeur passé, les fans britanniques ont repris espoir. Après tout, le match n'en était qu'à la 26e minute. Forcément, croyaient-ils, les choses tomberaient en place. Et dans ce pays fou de soccer, on finirait bien par célébrer la victoire de Team GB, comme on l'appelle ici.

Eh bien non ! Ça ne s'est pas passé comme ça. Dans cet environnement difficile, le Canada a maintenu son avance jusqu'au bout et remporté une extraordinaire victoire de 2-0.

Les filles canadiennes, déterminées comme jamais, se sont ainsi qualifiées pour la demi-finale, lundi, contre les États-Unis. Le match aura lieu dans un lieu mythique du football : Old Trafford, le domicile de Manchester United.

Comment expliquer cette réussite des Canadiennes ? Il faut d'abord parler de John Herdman, un Britannique de 37 ans qui a transformé la culture du groupe depuis sa nomination, il y a un an.

Et de Christine Sinclair, la meilleure joueuse canadienne, qui vit les plus beaux moments de sa carrière. Son but, sur un coup franc précis, a brisé les reins de l'équipe britannique.

Et de Desiree Scott, une fille pugnace qu'on surnomme « La Destructrice «, parce qu'elle embête ses rivales de toutes les façons.

Mais m'en voudrez-vous de m'attarder sur l'histoire de Marie-Ève Nault ? Les événements survenus cette semaine dans la vie de cette Trifluvienne de 30 ans ressemblent à un conte de fées.

Marie-Ève Nault a toujours aimé le soccer. À Trois-Rivières, elle a fait ses premiers pas avec le club de Francheville. Elle a participé aux Jeux du Québec, puis étudié au cégep de Trois-Rivières.

Pour pratiquer son sport à un haut niveau, elle s'est rendue à l'Université du Tennessee, où elle a obtenu un diplôme en éducation physique.

Au fil des années, Marie-Ève a joué des dizaines de matchs pour l'équipe nationale du Canada. Elle avait hâte aux Jeux de Londres. Mais avant le début du tournoi, elle a appris une mauvaise nouvelle. John Herdman n'a pas retenu son nom parmi les 18 joueuses sélectionnées. On l'a néanmoins invitée à accompagner l'équipe à Londres comme réserviste.

Malgré sa peine, Marie-Ève Nault a décidé de vivre l'aventure olympique à plein. Elle s'est entraînée avec énergie. En compagnie de quelques coéquipières, elle a aussi visité Londres lors d'une journée de congé : Big Ben, Trafalgar Square, le palais de Buckingham... En soirée, elle a assisté à la comédie musicale Le roi lion.

Comment puis-en savoir autant ? Tout simplement parce que Marie-Ève rédige un blogue super intéressant depuis le début des Jeux.

Et puis la compétition a commencé. Et des joueuses canadiennes ont subi des blessures graves.

Avant le dernier match du tour préliminaire contre la Suède, John Herdman lui a annoncé qu'elle endosserait l'uniforme. Elle a ensuite vu son nom dans la liste des 11 partantes !

« J'ai eu de la misère à le croire, m'a-t-elle dit, après le match d'hier. Je n'aurais jamais cru passer directement des gradins au terrain, surtout pour un match si important. Au mieux, je pensais jouer quelques minutes si on avait besoin de moi... «

Marie-Ève Nault s'est bien débrouillée. Après 80 minutes de jeu, elle a été remplacée. « J'avais des crampes dans les jambes, je n'avais pas joué si longtemps depuis un an ! «

Hier, contre les Britanniques, Marie-Ève Nault a disputé toute la rencontre à la défense de l'équipe canadienne. « Elle a été formidable, a dit Herdman. Elle joue de manière disciplinée. «

Après la victoire d'hier, Marie-Ève Nault était sur un nuage, comme tout le reste de l'équipe canadienne, Herdman en tête.

« Je sais que toute la ville de Trois-Rivières est derrière moi, a ajouté Marie-Ève. Ça me fait chaud au coeur. «

Dans les sports collectifs traditionnels, le Canada n'a pas remporté une seule médaille aux Jeux d'été depuis 1936. Voilà que les filles de basketball et de soccer ont une chance réelle de briser cette disette.

Au basket, les Canadiennes sont assurées d'une place en quarts de finale. Au soccer, même si les protégées de Herdman baissent pavillon devant les redoutables Américaines, elles joueront le match de la médaille de bronze.

Remarquez que personne dans le camp canadien n'évoque cette possibilité. L'équipe croit en ses chances de battre les Américaines, même si le défi sera colossal.

« On a joué si souvent contre elles, a dit Christine Sinclair. Il n'y aura pas de surprise dans ce match. À nous de jouer un peu mieux. «

Sinclair est la leader de l'équipe. D'une voix douce, elle résume en une courte formule la clé du succès en sports collectifs : « On est très soudées à l'extérieur de terrain. Et ça commence à paraître sur le terrain... «

Une bien belle équipe, si vous voulez mon avis.