Hier midi, au Centre Claude-Robillard. Vêtu d'une chemisette blanche et d'un jean, une paire de baskets aux pieds, Jesse Marsch sort de son bureau et me serre la main. C'est la première fois que je le revois depuis sa nomination à la barre de l'Impact, en août dernier.

Ce jour-là, ses yeux vifs et ses réponses articulées ont vite donné la dimension de sa personnalité. Et il fut facile de comprendre pourquoi Joey Saputo avait retenu sa candidature.

Une de ses déclarations m'avait néanmoins laissé songeur. Comme tant d'autres sportifs débarqués au Québec avant lui, Marsch avait promis de multiplier les efforts pour embrasser la culture francophone.

Ayant si souvent entendu ce discours, j'avais accueilli son engagement avec un certain scepticisme. Quelques minutes plus tard, je lui avais rappelé que les Québécois avaient souvent été déçus par ces assurances pleines de bonnes intentions, mais si vite oubliées.

«Oui, je me souviens très bien de ta remarque...» lance-t-il, en souriant.

Neuf mois plus tard, une conclusion s'impose: Marsch parle vrai. L'ouverture sur le monde fait partie de son code génétique. Âgé de 38 ans, marié, père de trois enfants et gradué de l'Université Princeton, il est animé par le goût de la découverte.

«Notre famille voulait vivre l'aventure de Montréal, explique-t-il. Apprivoiser une nouvelle culture nous enthousiasmait beaucoup. Lorsqu'on s'est installés à Montréal à la fin de l'été dernier, mes enfants ne disaient pas un mot de français. Et ils n'avaient jamais patiné.

«Aujourd'hui, il font des projets scolaires en français et l'aîné de nos garçons joue au hockey.

On s'approche d'être des Québécois!» ajoute-t-il en riant.

L'énergie de Marsch est stimulante. Et les Montréalais le sentent bien. «J'ai joué 14 saisons en MLS, dit-il. Et tu sais quoi? Durant les trois derniers mois à Montréal, plus de gens m'ont approché sur la rue pour souhaiter bonne chance à l'équipe que durant toutes ces années. Moi, je veux travailler pour que nos partisans soient fiers de l'Impact.»

L'affaire semble bien lancée. Demain, près de 60 000 spectateurs sont attendus au Stade olympique à l'occasion de la visite de David Beckham et du Galaxy de Los Angeles. C'est 15 000 de plus que l'envisageait la direction de l'équipe au début de la saison! L'Impact, à l'évidence, taille avec succès sa niche dans le paysage sportif montréalais.

Malgré son horaire chargé, Marsch suit ses cours de français avec assiduité. Et il progresse encore mieux que ne l'a montré la vidéo dévoilée par l'équipe plus tôt cette semaine.

«J'ai eu des leçons de français à l'école secondaire et à l'université. J'ai appris la structure de la langue et ça m'aide beaucoup.»

Il y a quatre ans, pour célébrer leur 10e anniversaire de mariage, Marsch et son épouse ont fait un échange de maisons avec une famille parisienne. «On demeurait dans le 16e arrondissement, c'était vraiment agréable...»

Marsch se débrouille aussi en espagnol, une langue qu'il a apprise lors de son séjour avec le Chivas, à Los Angeles. Il a eu l'occasion de s'exercer l'hiver dernier lors de ses voyages de recrutement en Colombie, en Argentine et en Équateur.

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Durant toute sa carrière de joueur, Marsch s'est intéressé au coaching. «Je pensais comme un entraîneur dès cette époque, dit-il. J'ai réussi mes brevets et j'ai entraîné des joueurs de tous les âges. J'ai mes convictions, mais je réalise avoir encore beaucoup à apprendre.»

Cette lucidité est ancrée en lui. Marsch sait que le sport est en constante évolution et que l'apprentissage d'un entraîneur n'est jamais terminé. «Les gens ont tendance à idéaliser le sport professionnel. Mais au fond, il s'agit d'un boulot. Et comme tous les boulots, il faut travailler pour réussir.»

Ces principes simples, Marsch les a appris de son mentor, Bob Bradley. Ancien entraîneur de l'équipe américaine, il dirige la sélection nationale égyptienne depuis l'automne dernier.

«Si jamais je trouvais difficile de m'adapter à Montréal, je n'aurais qu'à penser à Bob, qui demeure maintenant au Caire, lance-t-il. J'ignore comment se porte son arabe!»

Marsch est fier du succès de son ami dans ce pays qui a connu de nombreux bouleversements au cours des derniers mois. Et dont la relation avec les États-Unis s'est complexifiée.

«Bob est devenu populaire là-bas. Après l'émeute qui a provoqué la mort de dizaines de personnes dans un match le 1er février dernier, il a participé à une marche de la paix en compagnie de milliers d'Égyptiens. Et il a versé deux mois de salaire afin d'aider les familles des victimes.»

L'influence de Bradley sur Marsch ne se limite pas à la stratégie et aux techniques d'entraînement. Cet entraîneur d'expérience, de 16 ans son aîné et qui l'a dirigé à Princeton, a aussi renforcé ses valeurs.

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Les équipes de la MLS offrent un défi particulier à leur entraîneur. Les joueurs désignés, c'est-à-dire les plus grandes vedettes, gagnent souvent plus d'argent que tous leurs coéquipiers combinés. Si la situation est mal gérée, cela peut nuire à l'harmonie du groupe.

L'Impact pourrait aligner un joueur pareil. Il s'agit de l'attaquant italien Marco Di Vaio. Le propriétaire de l'équipe, Joey Saputo, espère que l'entente sera bientôt finalisée. Cette acquisition constituerait un excellent coup pour l'organisation.

Dans l'esprit de Marsch, la recette est simple pour qu'un joueur vedette connaisse du succès en MLS. Il cite l'exemple de Matteo Ferrari, un joueur de qualité, qui porte les couleurs de l'Impact.

«À ma première rencontre avec Matteo, je lui ai dit qu'il avait évidemment le talent pour jouer avec nous. La question n'était pas là. Mais il devait s'interroger sur sa contribution à l'équipe, comment il pouvait renforcer notre fondation. Et cela, à tous les niveaux: unité du groupe, camaraderie, intensité durant les entraînements et les matchs. Et Matteo a magnifiquement répondu.»

Une équipe de soccer est composée de joueurs aux expériences diversifiées. Ils ont souvent joué pour plusieurs équipes, sous les ordres d'entraîneurs différents. La manière dont ils utilisent ce bagage est directement liée aux performances d'une équipe.

«Ils ne doivent pas agir avec arrogance, mais plutôt d'une manière qui renforcera tout le groupe», explique Marsch.

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Il n'est jamais facile pour une équipe de l'expansion de se distinguer. La MLS est un circuit dur et exigeant. Mais l'Impact réussit bien sa rentrée. Sa fiche est honorable et les spectateurs sont au rendez-vous.

Ce succès gonfle les attentes du public. Et un travail immense reste à accomplir pour solidifier les assises de l'équipe. Mais les membres de l'organisation ont le droit de s'offrir un moment de répit afin de savourer le chemin parcouru au cours des derniers mois.

Parmi eux, Jesse Marsch, un homme qui tient parole.