En février dernier, la ville de Rome a retiré sa candidature à l'organisation des Jeux olympiques d'été de 2020. Invoquant le contexte économique italien, le premier ministre Mario Monti a expliqué que son gouvernement n'appuierait pas ce projet de 12,5 milliards.

Le Comité international olympique (CIO) n'y a sûrement vu qu'un événement conjoncturel. Comment l'en blâmer? La récession qui a ébranlé les États-Unis et l'Europe n'a pas atteint le siège social du CIO, à Lausanne.

Un exemple: en juin dernier, le réseau américain NBC a consenti 4,4 milliards pour obtenir les droits de télédiffusion des Jeux d'hiver et d'été de 2014 à 2020.

Cette somme exceptionnelle démontre que l'économie du sport international résiste aux intempéries. Avec la multiplication des plateformes numériques, de la télévision HD au iPad, la recherche de contenus de qualité préoccupe tous les diffuseurs. Et le sport en constitue un réservoir sans fond.

Il n'en reste pas moins que le CIO devra s'interroger sérieusement sur les coûts démentiels liés à l'organisation des Jeux olympiques.

Au cours des derniers jours, La Presse a publié un grand reportage de ma collègue Sophie Cousineau sur les Jeux de Londres, dont le coup d'envoi sera donné dans 100 jours.

Dans ce dossier fouillé, un chiffre m'a frappé. Pour le gouvernement britannique, la facture des Jeux frôle les 15 milliards de dollars. La majeure partie des dépenses sont liées aux infrastructures et à la sécurité.

Les coûts ne s'arrêtent pas là. Le comité organisateur doit financer la tenue des compétitions, soit 3 milliards de dollars supplémentaires.

Bien sûr, ces investissements massifs contribueront à la revitalisation d'un quartier de Londres. Mais, au cours des prochaines années, combien de pays accepteront d'assumer des engagements pareils afin d'accueillir le cirque olympique?

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Le mois prochain, le CIO se réunira à Québec dans le cadre du congrès SportAccord, qui regroupera les représentants des fédérations internationales des sports d'été et d'hiver.

Les yeux des dirigeants de cinq pays seront tournés vers la capitale. Non, ce ne sera pas pour obtenir des nouvelles concernant le retour des Nordiques.

Le 23 mai, le CIO annoncera le choix des villes finalistes à l'organisation des Jeux d'été de 2020. La gagnante sera annoncée en septembre 2013, à Buenos Aires.

La liste des prétendantes est intrigante: Tokyo, Madrid, Istanbul, Bakou et Doha. Combien d'entre elles obtiendront un laissez-passer pour la ronde ultime?

À première vue, Tokyo est favorite pour obtenir ces Jeux, d'autant plus que Madrid est handicapée par les finances inquiétantes de l'Espagne. Avec le recul, on peut croire que le CIO aurait aimé que Rome participe au derby. Mais, avec raison, les coûts énormes de l'aventure l'ont fait reculer.

Jusqu'au jour du vote, les villes en phase finale de sélection multiplieront les efforts afin de remporter le gros lot. Mais devenir une ville olympique est-il vraiment une bénédiction?

Le cas d'Athènes fait réfléchir. La Grèce comptait sur les Jeux de 2004 pour renforcer son économie. Mais la facture prévue de 5 milliards a évidemment doublé. Et, aujourd'hui, plusieurs installations sont plus ou moins abandonnées. Le dérèglement économique du pays n'annonce pas un redressement rapide.

Le comité organisateur des Jeux de Londres semble avoir tiré des enseignements de l'expérience grecque. Plusieurs équipements seront en partie démontés après les Jeux.

L'organisation ne voulait pas accoucher «d'un éléphant blanc», a confié un responsable londonien à Sophie Cousineau. «Nous ne voulons surtout pas rester pris avec quelque chose qui soit coûteux à entretenir.»

Il reste que tout cela coûtera 15 milliards de dollars. Les projets de construction stimulent l'économie, c'est bien connu. Mais investir des sommes si faramineuses dans un court laps de temps - sept ans entre l'attribution et la tenue des Jeux - demeure une entreprise à haut risque.

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Le CIO prend-il conscience des risques liés à cette inflation galopante? Peut-être. Mais de manière très timide.

Dimanche dernier, à Moscou, Jacques Rogge a mentionné que la question serait soulevée à Québec le mois prochain.

«Nous devons être raisonnables, a dit le président du CIO. Le coût des Jeux doit être abordable. Nous devrons voir s'il faut renforcer les mesures à cet effet. Mais nous ne proposerons rien de radical.»

La crainte du terrorisme a gonflé les budgets de sécurité des grands événements internationaux. Londres, déjà victime d'une attaque en 2005, dépensera une fortune à ce chapitre. Ce n'est pas dans ce créneau que les pays hôtes réduiront les dépenses.

Seul un changement de culture ralentira cette valse des milliards. Le CIO, dans sa manière de placer les villes en concurrence, encourage la construction d'installations coûteuses. Tant que ses dirigeants ne manifesteront pas un désir réel d'organiser des Jeux plus modestes, et n'en feront pas un critère de sélection, les coûts ne diminueront pas.

Ce cycle sera brisé uniquement si d'autres gouvernements imitent l'Italie et refusent ces investissements massifs. La réduction du nombre de villes candidates forcerait le CIO à agir.

Mais ce scénario n'est sans doute pas pour demain. Les Jeux, malgré tout, conservent leur formidable pouvoir d'attraction.

Source des propos de Jacques Rogge: aroundtherings.com

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Photo: ODA

Le centre aquatique des Jeux olympiques de Londres.