Pourquoi Michael Cammalleri est-il chassé du Canadien au milieu d'un match, du rarement vu dans l'histoire de l'équipe? A-t-on voulu l'humilier parce qu'il a dit des vérités qui dérangent? Des vérités qui font mal paraître Pierre Gauthier?

Chose sûre, les événements d'hier sentent la panique à plein nez. Et illustrent à quel point le Canadien est en pleine déroute.

Peu importe la compensation obtenue en retour de ses services, Gauthier aurait eu avantage à respirer par le nez et à ne pas prendre de façon si personnelle les commentaires de son attaquant, mercredi, dans une entrevue à mon collègue François Gagnon.

On s'entend tous là-dessus: Michael Cammalleri n'était pas le bon messager pour brasser le Canadien à coups de déclarations fracassantes.

Lui-même étant une partie du problème, il aurait mieux fait d'agir sur la patinoire avant de vider son sac. La vieille méthode de prêcher par l'exemple vaut encore son pesant d'or.

Cela dit, sur le fond des choses, peut-on blâmer Cammalleri d'avoir tenu ces propos? Cette saison, le Canadien n'a pas l'allure d'une organisation gagnante. La direction, qui a commis une erreur historique en nommant Randy Cunneyworth entraîneur, est dépassée par la tournure des événements.

Cela se ressent dans le vestiaire, où les joueurs sont plus mêlés que jamais. Le feuilleton d'hier soir ne fera rien pour les rassurer. Le Canadien ressemble à un bateau perdu en pleine mer, incapable de s'orienter vers le port le plus proche.

Cammalleri, c'est vrai, a été inutilement dur dans ses propos. C'est sans doute pourquoi il a tenté d'éteindre l'incendie, hier midi, pendant que Gauthier cherchait déjà à s'en débarrasser.

Dans le sport, certains mots s'utilisent avec des pincettes. Affirmer que l'équipe joue et prépare ses matchs avec une attitude de «perdants» est le meilleur moyen de se mettre à dos la direction et ses coéquipiers.

Mais, dans l'esprit de Gauthier, Cammalleri a sans doute fait pire: il a dit le fond de sa pensée. Il a fait voler en éclats la loi du silence, celle qui fait du Canadien une organisation aseptisée, qui s'éloigne de ses partisans, comme si elle n'avait de comptes à rendre à personne.

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Si Gauthier a agi si vite, s'il n'a pas attendu quelques jours pour faire grimper les enchères, c'est d'abord pour sauver la peau de son véritable protégé, Randy Cunneyworth.

Gauthier croit profondément en Cunneyworth, un entraîneur dont la fiche est de trois victoires et huit revers depuis qu'il est responsable de l'équipe. En remettant en cause l'importance de respecter les plans de match, en se moquant des notes inscrites au tableau du vestiaire, Cammalleri a directement attaqué l'autorité de Cunneyworth.

Or, pour augmenter les responsabilités de Cunneyworth, Gauthier a congédié Perry Pearn peu après le début de la saison. Pearn étant un ami de Jacques Martin, le DG a du même coup lancé un message à son entraîneur-chef.

Si Gauthier s'était arrêté là, sa stratégie aurait pu être gagnante. Un coach a parfois besoin d'un électrochoc et c'était sans doute le cas de Martin.

Mais Gauthier a poursuivi sur sa lancée. Six semaines plus tard, alors que le Canadien était encore dans la course aux séries éliminatoires, il a congédié Martin pour offrir les pleins pouvoirs à Cunneyworth. Il s'agissait là d'un manque de respect envers les partisans francophones de l'équipe.

La crise qui en a résulté a fait mal au Canadien. La décision de Gauthier a mis Geoff Molson dans l'embarras et a suscité la colère dans tous les milieux.

Si, au moins, la décision de Gauthier avait donné des résultats sur le plan du hockey, cela lui fournirait une position de repli. Ce n'est pas le cas. Sous Cunneyworth, le Canadien joue sans passion. Et ses chances de participer aux séries sont presque déjà envolées.

Après le match d'hier, Gauthier a expliqué qu'il avait amorcé depuis plusieurs jours les discussions avec les Flames. Et que le temps était enfin devenu mûr pour conclure un accord.

Je ne doute pas que les négos étaient entamées. Mais il faudrait être bien naïf pour croire que les propos de Cammalleri, après l'entraînement de mercredi, n'ont pas servi d'accélérateur dans la suite des événements. Vous pouvez être sûr que tous les joueurs du Canadien ont fait ce lien après le match.

Le numéro 13 n'était peut-être pas le plus populaire dans le vestiaire. Mais était-il vraiment le seul à croire que son équipe affichait une «attitude de perdants»?

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Gauthier croit sûrement aider Cunneyworth en venant ainsi à sa rescousse. Et l'échange sera peut-être populaire auprès des joueurs irrités par les déclarations de Cammalleri.

En revanche, cette transaction rapide semble indiquer que Cunneyworth était incapable de régler lui-même le problème provoqué par Cammalleri dans le vestiaire. Que son leadership n'aurait pas été assez fort pour surmonter cette difficulté. Cela n'est pas nécessairement bon pour lui.

La semaine dernière, après le bilan de mi-saison de Pierre Gauthier, j'ai écrit dans cette chronique que l'organisation du Canadien était en pleine déroute. Ce dernier rebondissement, une extraordinaire preuve d'impatience, renforce ma conviction.

Pour joindre notre chroniqueur: pcantin@lapresse.ca