Pourquoi Bruce Boudreau, Paul Maurice et Randy Carlyle ont-ils perdu leur poste cette semaine? La réponse est simple: l'argent.

Pourquoi le Canadien est-il patient avec Jacques Martin? La réponse est simple: l'argent.

Pour s'en convaincre, suffit de consulter le dossier du magazine Forbes sur les finances des équipes de la LNH, dévoilé mercredi.

Les Capitals, les Hurricanes et les Ducks ont conclu la saison 2010-2011 dans le rouge. Les pertes ont été de 7,5 millions à Washington, de 4,4 millions en Caroline et de 8,4 millions à Anaheim.

Si les Caps avaient atteint la demi-finale de la Coupe Stanley, ce déficit aurait été presque entièrement effacé. Même chose pour les Canes s'ils avaient participé aux séries éliminatoires. Quant aux Ducks, une victoire en première ronde, plutôt qu'une exclusion des séries, aurait diminué ce passif.

Les DG de ces équipes sont membres du comité de direction de leur organisation. Ils connaissent l'impact décisif des séries éliminatoires sur le bilan annuel, semblable à celui des ventes de Noël pour les détaillants. Cela nourrit leur impatience.

Lorsque leur équipe s'enlise, ils tirent sur la gâchette. Avec 50 matchs à jouer, ils espèrent retourner la situation, afin d'éviter les mauvaises nouvelles à la clôture de l'exercice financier.

Dans l'univers coupe-gorge de la LNH, les répercussions des éliminatoires dépassent le plan sportif. Elles entraînent des effets majeurs au niveau de la rentabilité. C'est vrai pour toutes les équipes... ou presque!

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Trois organisations n'ont pas cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête: les Maple Leafs de Toronto, les Rangers de New York et le Canadien. Selon Forbes, elles ont engrangé des profits globaux de 170 millions la saison dernière!

Cette richesse leur vaut une formidable latitude. Elles versent le maximum autorisé en salaires, investissent dans leurs installations et développent des initiatives sociales. Pensons au complexe d'entraînement du Canadien, le plus beau de la LNH, et aux patinoires communautaires inaugurées dans différents quartiers de Montréal.

En revanche, au plan sportif, la complaisance menace ces organisations. Tout simplement parce que l'échec n'entraîne pas de conséquences immédiates, en espèces sonnantes!

Les Maple Leafs en constituent l'exemple parfait. Ils ont raté les séries éliminatoires au cours des six dernières saisons. Cela ne les empêche pas d'être l'équipe la plus rentable du circuit.

Comme les Maple Leafs, le Canadien peut s'offrir le luxe de la patience lorsque les défaites s'accumulent. Avec des profits de 47 millions la saison dernière, une absence des séries éliminatoires n'est pas catastrophique au plan financier. Surtout dans un marché captif comme celui du Québec.

Cela comporte un aspect positif: Pierre Gauthier peut prendre ses décisions, notamment à propos de l'avenir de Jacques Martin, en pensant uniquement au hockey. Le danger, c'est qu'il tarde trop avant d'agir.

J'écris ces lignes avant le match d'hier entre le Canadien et les Sharks à San Jose. Peut-être que l'équipe a rebondi après sa pathétique performance de la veille à Anaheim. Je le souhaite, car j'apprécie Jacques Martin, un homme droit, qui représente le visage public de l'organisation.

Mais même s'il a remporté la victoire, le Canadien demeure en fâcheuse posture. Lorsqu'une équipe connaît des difficultés, c'est souvent parce que les joueurs sont tendus. À Anaheim, ceux de Jacques Martin étaient plutôt éteints. Le spectacle a été pitoyable, l'effort presque nul dans les 40 dernières minutes.

En août dernier, j'ai longtemps parlé avec Geoff Molson. Il m'a expliqué son contrat implicite avec Pierre Gauthier. Ça se résume ainsi: je ne me mêle pas de tes décisions, mais assure-toi qu'on ait une chance de remporter la Coupe Stanley et qu'on fasse partie des 10 meilleures équipes de la ligue.

Le Canadien s'éloigne de cet objectif. Et la pensée magique semble prendre peu à peu le dessus: quand Markov reviendra, vous verrez... C'est beaucoup demander à un gars qui n'a pas disputé une saison complète depuis 2008-2009... et qui a de nouveau consulté un médecin hier.

Gauthier privilégie les solutions trouvées à l'intérieur de l'organisation. Les résultats se font attendre. Lui aussi joue gros.

En octobre dernier, le DG a posé un geste pour relancer l'équipe en congédiant Perry Pearn, ami et complice de Jacques Martin. Cela a provoqué une embellie, mais ses effets sont déjà dissipés.

Pour Geoff Molson, Pierre Gauthier et Jacques Martin, le temps presse. Bravo aux Maple Leafs pour leurs beaux succès en affaires, mais ils ne doivent pas devenir la seule inspiration du Canadien. Le succès sur la glace est plus important.

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Les données de Forbes illustrent le retour en force des clubs canadiens au sein de la LNH. Les Canucks de Vancouver et les Oilers d'Edmonton empochent aussi de gros profits.

«Les équipes canadiennes ont l'oreille du commissaire, car elle apportent beaucoup d'argent à la table», disait Julien Brisebois, du Lightning de Tampa Bay, lors d'un colloque à l'Université Concordia, le mois dernier.

Ce serait maintenant bien que ces clubs apportent la Coupe Stanley à leurs partisans. Ces gros dollars doivent produire des résultats sur la glace. Surtout à Montréal, où la tradition est si forte.

Photo: Bernard Brault, La Presse

La richesse du Canadien lui vaut une formidable latitude. Le Tricolore peut verser le maximum autorisé en salaires et investir dans ses installations, comme le complexe d'entraînement Bell, le plus beau de la Ligue nationale.