J'espère que Sidney Crosby est vraiment prêt. J'espère qu'il ne cède pas à la pression de l'industrie du hockey qui souhaite depuis si longtemps son retour au jeu. J'espère qu'il a pris sa décision en mesurant bien les risques. J'espère surtout qu'il ne la regrettera pas.

Au moment où le numéro 87 des Penguins sautera sur la patinoire lundi soir, l'émotion sera à son comble. Les amateurs auront le coeur à la fête et la tentation sera forte de reléguer les événements de janvier dernier au rang des mauvais souvenirs, ceux sur lesquels on préfère passer l'éponge.

Ce serait une erreur. Souhaitons au contraire que personne n'oublie le laisser-aller de la LNH dans le dossier des coups à la tête. Trop longtemps, l'absence de sanctions significatives contre les coupables a créé une culture du tout permis.

Lorsque Crosby a été frappé en janvier dernier, la LNH a fermé les yeux. Aucune suspension, aucune remise en cause, rien, le néant, le vide sidéral. Quel autre sport aurait accepté avec pareille nonchalance la mise hors jeu de sa principale vedette?

Trop occupé à sauver le hockey à Atlanta et à Phoenix, Gary Bettman n'a pas réagi. Si, pour combattre les coups à la tête, il avait mis le dixième des énergies qu'il a consacrées à empêcher le déménagement des Coyotes à Hamilton en 2009, le cas Crosby aurait peut-être été évité.

Trois semaines après que Crosby eut été mis K.-O., Bettman niait encore l'évidence, invoquant de nébuleuses statistiques pour prétendre que l'augmentation des commotions cérébrales était due à des gestes accidentels.

Pour forcer la LNH à agir, il a fallu les sorties musclées de Mario Lemieux, la courageuse lettre de Geoff Molson à la suite de l'affaire Chara-Pacioretty, et les menaces senties de quelques commanditaires du circuit, mal à l'aise avec cette violence gratuite. Et, bien sûr, cette absence prolongée de Crosby, que la LNH n'a jamais anticipée.

Ces événements, et non pas le leadership de Bettman, ont extirpé le circuit de son inertie: exit Colin Campbell, bienvenue Brendan Shanahan.

Hélas, il reste encore du travail. Shanahan faiblit-il déjà, comme semble en faire foi son silence après la charge de Milan Lucic contre Ryan Miller? J'ose croire au simple faux pas. Car les interventions de Shanahan ont redonné de la crédibilité à la LNH.

La contribution involontaire de Crosby à ce changement de cap, résultat d'une blessure qui l'a tellement inquiété, fait désormais partie de son héritage.

Cet apport est moins spectaculaire que sa conquête de la Coupe Stanley ou son but gagnant en finale du tournoi olympique. Mais pour la santé de tous les hockeyeurs du monde, c'est beaucoup plus significatif.

Bon retour, Sidney!

***

Dans une chronique assassine publiée dans Le Monde, Yannick Noah a attaqué les sportifs espagnols. S'ils obtiennent autant de succès, c'est grâce au dopage, a-t-il accusé.

«Aujourd'hui, le sport c'est un peu comme Astérix aux Jeux olympiques: si tu n'as pas la bonne potion magique, difficile de gagner, a écrit Noah. Et là, on a l'impression que, comme Obélix, ils sont tombés dans la marmite. Les veinards.»

Il est intrigant de retrouver dans les pages du Monde, un journal rigoureux, une chronique si explosive basée sur des insinuations. Le gouvernement français a qualifié les propos de Noah de «graves et irresponsables». Les Espagnols les ont aussi dénoncés. Toni Nadal, l'oncle et entraîneur de Rafael, a été cinglant: «Tu peux être jaloux, mais au moins si tu penses n'importe quoi, tu te tais.»

Noah a soutenu qu'à son époque, les Français faisaient jeu égal avec les Espagnols. Mais aujourd'hui, dit-il, «ils courent plus vite que nous, ils sont beaucoup plus costauds et ne nous laissent que des miettes.»

Le cas d'Alberto Contador, contrôlé positif au Tour de France 2010, fait certes mal à l'image de l'Espagne. Les autorités du pays ont d'abord suggéré une suspension, avant de lui pardonner. Le Tribunal arbitral du sport a été saisi de l'affaire par l'Agence mondiale antidopage. Contador témoignera aujourd'hui même.

Cela dit, ces accusations à l'emporte-pièce contre les athlètes d'un pays tout entier manquent de preuves et d'élégance. La suggestion de Noah - «Acceptons le dopage» - est troublante. Ses effets néfastes sur la santé des athlètes sont pourtant bien documentés.

***

Bizarrement, le plaidoyer de Noah survient au moment où le baseball majeur franchit une étape majeure dans la lutte au dopage. Les joueurs subiront désormais des tests sanguins pour repérer les hormones de croissance, selon le New York Times.

Le baseball devient ainsi le premier des quatre sports majeurs à prendre cette initiative. C'est l'élément le plus significatif de la nouvelle convention collective.

La NFL veut aussi aller dans cette direction. Mais aucun accord n'a encore été trouvé avec les joueurs, ce qui fait mal paraître ces derniers.

Le hockey emboîtera-t-il le pas au baseball l'an prochain?

Photo: AP

Yannick Noah manque de preuves et d'élégance quand il décrit l'ensemble des athlètes espagnols comme des dopés.