Au bout du compte, malgré les espoirs de Jean Charest et les ambitions de Marcel Aubut, c'est Régis Labeaume qui a tranché: la Ville de Québec ne peut avoir deux rêves en même temps. À l'heure actuelle, l'accent est mis sur la construction d'un nouvel amphithéâtre et l'obtention dune équipe de la LNH. Les Jeux olympiques d'hiver attendront.

Au bout du compte, malgré les espoirs de Jean Charest et les ambitions de Marcel Aubut, c'est Régis Labeaume qui a tranché: la Ville de Québec ne peut avoir deux rêves en même temps. À l'heure actuelle, l'accent est mis sur la construction d'un nouvel amphithéâtre et l'obtention d'une équipe de la LNH. Les Jeux olympiques d'hiver attendront.

En début de soirée hier, M. Labeaume était en paix avec sa décision, annoncée au terme d'une rencontre tenue au bureau du premier ministre. Plus question pour la Vieille Capitale de soumettre sa candidature aux Jeux de 2022.

«Nous restons tout de même en mode olympique, m'a dit le maire de Québec. Nous voulons attirer des événements sportifs internationaux. La construction de l'anneau de glace devient une priorité. Une candidature pour les Jeux de 2026? C'est possible. Mais pour ceux de 2022, nous n'avons pas de chances raisonnables de l'emporter devant l'Europe.»

L'annonce d'hier ne me surprend pas. Depuis plusieurs semaines, M. Labeaume ne croyait plus à l'échéance 2022. L'absence de solution pour la descente masculine de ski et la sélection de Pyeongchang pour les Jeux de 2018 ont cimenté ses convictions. À son avis, la possibilité qu'une ville nord-américaine soit élue en 2022 est mince. Et comme une candidature olympique coûte près de 50 millions, mieux vaut être prudent.

«Les gens de Québec sont partagés au sujet des Jeux, ajoute M. Labeaume. En mon âme et conscience, je ne pense pas qu'ils sont prêts à foncer dans cette aventure présentement. Il faut d'abord finaliser les dossiers de l'amphithéâtre et de l'équipe de hockey.»

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Je ne doute pas un instant de la sincérité de M. Labeaume lorsqu'il affirme que Québec demeure en mode olympique. N'en reste pas moins que les astres étaient magnifiquement alignés pour une candidature en 2022.

D'abord, l'idée enthousiasmait Jean Charest. En février dernier, annonçant une subvention de 200 millions pour la construction du nouvel amphithéâtre, il avait lancé: «À mes yeux, Québec est la ville la mieux préparée et la mieux située pour accueillir des Jeux olympiques d'hiver.»

M. Charest ne sera plus premier ministre lorsqu'on discutera des Jeux de 2026. Pas sûr que la personne alors en poste montrera le même engouement pour le projet. Or, pour réussir, l'appui gouvernemental est essentiel.

Ensuite, un Québécois occupe la présidence du Comité olympique canadien. Marcel Aubut a déjà ses entrées au sein du Comité international olympique (CIO). La Vieille Capitale comptera-t-elle sur un allié aussi énergique et bien branché en vue des Jeux de 2026?

Enfin, l'Europe traverse une crise financière, qui menace la stabilité de l'euro. Le crédit est moins accessible et plusieurs pays pourraient retarder leurs projets olympiques.

Quant aux États-Unis, ils n'ont pas soumis de candidature en vue des Jeux d'été de 2020 en raison d'une querelle financière avec le CIO. Québec aurait pu profiter de ce différend qui ne sera pas éternel.

Bref, Québec laisse de beaux atouts sur la table.

En revanche, les chances que le Canada obtienne deux fois les Jeux d'hiver en une période de 12 ans étaient minuscules. «L'an 2022, c'est un peu tôt après les Jeux de Vancouver», explique Walter Sieber, Québécois spécialiste des méandres du CIO. Lorsque je lui ai parlé hier, il était en mission d'observation à Londres, en vue des prochains Jeux.

Sans compter ce satané problème de la descente masculine. L'ajout de nouvelles épreuves de glisse télégéniques pourrait réduire le rôle pivot de cette épreuve au fil des ans.

En 2026, l'idée de présenter la descente à Lake Placid, Banff ou Whistler ne suscitera peut-être pas les hauts cris. Après tout, l'été prochain, des matchs du tournoi de soccer olympique auront lieu à Manchester et Glasgow, des villes qui ne sont tout de même pas des banlieues de Londres.

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Dans tout ce dossier, il existe aussi un grand non-dit : Québec se relèverait-il d'un autre rejet olympique?

En juin 1995, lorsque les Jeux de 2002 ont été attribués à Salt Lake City, j'ai vu 15 000 personnes soufflées sur la place d'Youville. La ville n'avait obtenu que sept appuis.

Bien sûr, on apprendrait plus tard que nos amis américains avaient obtenu plusieurs votes en distribuant des faveurs. N'empêche que l'échec fut brutal. Être lessivé de cette façon, ça laisse des traces.

Il y a six mois, je croyais que Régis Labeaume était l'homme pour oblitérer ce mauvais souvenir. Mais son coeur n'y est pas. Et si le maire n'embarque pas, le projet ne décolle pas. C'est aussi simple que ça.

Le maire de Québec ne veut pas faire la cour à deux organisations simultanément. Entre la LNH et le CIO, il a choisi son camp. Absorber un éventuel retour des Nordiques et organiser des Jeux olympiques aurait constitué une trop grosse bouchée.

Québec opte donc pour les petits pas plutôt que le grand bond en avant. Le mandat d'Équipe Québec, qui cherche à obtenir des compétitions de prestige, sera renouvelé. Et en mai prochain, la ville accueillera le congrès SportAccord, qui réunira des centaines de spécialistes de l'olympisme, dont le président du CIO, Jacques Rogge.

Oui, des petits pas. Mais qu'est-ce qu'on donnerait pour en voir de semblables à Montréal!

Photo: Jean-Marie Villeneuve, archives Le Soleil

Régis Labeaume, maire de Québec, a tranché dans le dossier olympique, hier: Québec ne posera pas sa candidature pour les Jeux de 2022... même si le premier ministre Jean Charest est en faveur.