Aux membres du Canadien qui participent aujourd'hui au tournoi de golf de l'équipe, souhaitons une excellente journée, pleine de soleil et de beaux coups. Qu'ils en profitent à plein car l'événement pourrait être annulé l'an prochain.

Le 15 septembre 2012, lorsque le contrat de travail signé sept ans plus tôt expirera, un lock-out risque d'être déclenché dans la LNH. Même si la direction du circuit et l'Association des joueurs demeurent discrètes à ce sujet, le renouvellement de la convention collective constituera un exercice laborieux.

Si on se fie aux péripéties des dernières semaines dans la NFL et la NBA, les chances que le monde du hockey conclue une entente dans l'harmonie et la célérité sont minces. Cet été, une tendance lourde s'est dégagée des négociations dans le sport professionnel: l'affrontement.

Malgré l'énorme succès financier de la NFL, les propriétaires ont exigé et obtenu des concessions majeures après plusieurs mois de pourparlers tendus. Les joueurs les ont acceptées pour une raison: les revenus de télé bondiront au cours des 10 prochaines années et ils obtiendront leur part. La LNH ne peut espérer pareil Klondike.

Dans la NBA, après deux mois de lock-out, les discussions ne progressent pas. Hier, une rencontre de plusieurs heures à New York s'est soldée par un échec. À trois semaines du début prévu des camps d'entraînement, le pessimisme règne. La NBA affirme avoir perdu 300 millions la saison dernière et veut revoir son modèle économique. Même si les enjeux sont différents, ce conflit influencera l'évolution du dossier dans la LNH.

Au football et au basketball, les joueurs ont amorcé les négos en proposant le statu quo, une offre rejetée par les propriétaires. Un scénario semblable se dessine dans la LNH, un circuit qui baigne dans un fascinant paradoxe.

Ainsi, les revenus de la LNH gonflent à vue d'oeil. La saison dernière, le cap des 3 milliards a été franchi, une somme étonnante pour une ligue dont la visibilité demeure déficiente dans plusieurs régions des États-Unis.

En revanche, de nombreuses équipes connaissent des difficultés financières et l'augmentation du plancher salarial (48,3 millions cette saison) les empêche de respirer à l'aise.

La LNH doit aussi composer avec la recherche de nouveaux propriétaires à Phoenix, Dallas et St. Louis. Sans compter les pertes de 25 millions des Blue Jackets de Columbus, les inquiétudes sur l'état de santé des Devils du New Jersey et les cotes d'écoute faméliques de plusieurs équipes du sud des États-Unis à la télé locale.

Malgré ces difficultés, l'Association des joueurs aura des arguments pour exiger le maintien, sinon la bonification, du régime actuel: signature d'un nouveau contrat de télé avec NBC Sports Group, hausse marquée des revenus de commandites, perspectives de croissance prometteuses, notamment dans le secteur numérique...

La LNH elle-même a publié des communiqués enthousiastes pour célébrer ses succès financiers. Parions que le ton sera plus sobre à mesure que les négociations approcheront.

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La personnalité des principaux négociateurs patronal et syndical influencera les pourparlers. Or, ces deux hommes, Gary Bettman et Donald Fehr, sont reconnus pour leur agressivité. Ils ont chacun remporté des victoires significatives dans le passé.

En 2004-2005, Gary Bettman a annulé la saison lorsque les pourparlers n'ont pas progressé à sa satisfaction. Sa détermination a provoqué un changement majeur au sein de la LNH, sur le plan des affaires et sur le plan sportif. Il en a tiré une fierté évidente, comme le démontre une de ses déclarations dans un livre paru au printemps dernier et consacré à l'histoire d'ESPN.

Dans ce passage, Bettman explique pourquoi il n'a pas renouvelé l'entente de la LNH avec ce prestigieux réseau en 2004, malgré la forte pression en ce sens. «Les gens disaient que nous devions être sur ESPN. Mais vous savez quoi? J'ai aussi été le premier commissaire à fermer une ligue de sport pour une année complète.»

Bref, le message est clair: mieux vaut ne pas piler sur ses pieds! Les décisions controversées n'indisposent pas Gary Bettman.

Donald Fehr est tout aussi résolu. Au Québec, aucun amateur de baseball n'a oublié son rôle dans la grève du baseball majeur déclenchée en août 1994. Les Expos détenaient alors une avance de six matchs en tête de la division Est de la Ligue nationale. Les partisans espéraient que ce conflit soit de courte durée. Ce ne fut pas le cas. La saison n'a jamais repris et la Série mondiale a été annulée.

Après 25 ans à défendre les joueurs du baseball majeur, Fehr veille aujourd'hui sur ceux de la LNH. Bettman ne l'émouvra pas s'il tente de lui arracher des concessions en évoquant les disparités économiques entre les équipes du circuit. En 1994, le baseball affrontait les mêmes difficultés. Fehr n'avait pas été impressionné: «Si les propriétaires ont des problèmes, c'est à eux de les résoudre, pas aux joueurs.»

Pour Bettman et Fehr, les affaires passent bien avant les sentiments. S'ils sont sourds aux compromis, le conflit sera inévitable.

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La prochaine négociation sera déterminante. Non seulement pour l'avenir de la LNH dans plusieurs villes comptant déjà une concession, mais aussi pour d'autres, comme Québec, qui souhaitent en obtenir une.

Si les proprios veulent larguer le plancher salarial, qui oblige les équipes dans le pétrin à dépenser au-delà de leurs moyens, l'Association des joueurs exigera sans doute l'abolition du plafond salarial. Cela consacrerait le principe d'une ligue à deux vitesses, ce qui ne constituerait pas une bonne nouvelle. Les échanges s'annoncent également musclés à propos du partage des revenus. Les proprios voudront réduire la part des joueurs, actuellement de 57%.

Heureusement, nous n'en sommes pas encore là. Nous avons une saison de hockey à savourer avant que les négos n'alimentent l'actualité. Mais parions qu'en frappant leur coup de départ aujourd'hui, quelques membres de l'organisation du Canadien auront ces questions en tête. La recherche de solutions sera plus difficile que la sortie d'une fosse de sable.

Photo: PC

Les décisions controversées n'indisposent pas Gary Bettman, commissaire de la LNH.