Le dernier jeu du match, hier. Novak Djokovic mitraille un coup droit d'une puissance inouïe en fond de terrain. Il célèbre sa réussite en brandissant le poing en l'air, image brute de force et de domination. Le patron, c'est lui, et plus personne n'en doute dans le tennis professionnel.

Pensons à Guy Lafleur filant en territoire adverse, à Tiger Woods annihilant ses adversaires, à Michael Jordan bondissant vers le panier. Tous ces champions carburaient à la victoire. Djokovic est de cette race. Et il l'a démontré, hier, en remportant la Coupe Rogers devant l'Américain Mardy Fish.

En portant sa fiche à 53 victoires et une seule défaite cette saison, Djokovic a envoyé un message clair à ses rivaux en prévision de l'Omnium des États-Unis. Il sera le joueur à battre, physiquement et mentalement. Ses propos n'ont laissé aucun doute sur ses intentions.

«J'ai 24 ans et j'ai le désir de remporter tous les tournois auxquels je participe. Je me défonce à 100% à tous les matchs. C'est ainsi que j'ai appris et c'est ainsi que j'ai toujours joué.»

Dans le sport mondial, l'année 2011 est celle de Djokovic. Ce fut fascinant de le surveiller cette semaine. Impitoyable sur le court, intéressant en entrevue. Et capable de rire, bien sûr, comme lorsque Fish l'a félicité après le match. «On est des bons amis, a raconté Djokovic, plus tard. Mardy m'a dit que ce serait bien si je lui laissais gagner un tournoi un de ces jours!»

Hélas pour Fish et les autres, cela ne fait pas partie des plans de Djokovic. Montréal a couronné un grand champion hier.

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À première vue, l'idée de combiner «virtuellement» les tournois de la Coupe Rogers de Toronto et de Montréal ne me semblait pas la trouvaille du siècle. J'ai été ébranlé dans mes convictions mercredi dernier, en écoutant la séance de soirée à la télévision.

Malgré la pluie tombant de manière intermittente sur Montréal, je n'ai pas vu le temps filer. La présentation simultanée de matchs dans les deux villes a fourni un spectacle non-stop. Bizarrement, la nouvelle formule a fait en sorte que j'ai suivi le tournoi de Toronto avec plus d'attention qu'au cours des dernières années.

Disons-le clairement: les deux tournois sont désormais organisés en fonction de la télévision. Dans l'espoir d'augmenter les revenus, principale source de financement de Tennis Canada dans le développement de l'élite, les cotes d'écoute sont devenues le nerf de la guerre.

Dans ce contexte, les dirigeants de Tennis Canada ne doivent pas oublier que les fans ordinaires, ceux qui paient leurs billets et font vibrer les stades, demeurent essentiels au succès de l'affaire.

À Toronto, par exemple, les bancs vides ont été nombreux durant plusieurs matchs. Le directeur du tournoi, Karl Hale, ne s'en formalise pas. Pourquoi? Parce que les partenariats corporatifs et la vente de loges privées ont augmenté les revenus.

Eugène Lapierre et son équipe ont toujours rendu le stade Uniprix super accueillant pour les spectateurs. Ils ont développé le côté festif du tournoi. La nouvelle formule les obligera à encore plus de créativité. Dans cette grande expérience d'uniformisation virtuelle, Montréal ne doit pas perdre son caractère distinctif.

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Que se passe-t-il avec certains athlètes d'élite? Comment expliquer ce sans-gêne devant l'abandon?

La décision de Jo-Wilfried Tsonga de quitter son match de demi-finale contre Novak Djokovic, samedi soir, fut consternante.

Tsonga a reçu des huées du public montréalais en retraitant vers son vestiaire et il les méritait bien. Son orgueil semblait plus touché que son bras. Ce gars-là n'avait aucune envie d'être humilié par Djokovic. Conscient qu'il n'échapperait pas à ce lessivage en règle, Tsonga a choisi la facilité. On n'aurait jamais vu un Nadal ou un Federer agir ainsi. Ni Djokovic, bien sûr, qui, tiens, tiens, a confirmé après la finale d'hier avoir été ennuyé par un malaise à l'épaule toute la semaine.

Après le match, Tsonga ne semblait pas accablé. «Je n'ai pas la prétention de battre Novak avec un seul bras...»

Il est certain que le bras de Tsonga n'était pas au mieux. Mais il aurait dû poursuivre la bataille. Il a laissé tomber la foule du stade Uniprix et des dizaines de milliers de téléspectateurs. Sa décision m'a rappelé celle de Justine Henin, en finale de l'Omnium d'Australie en 2006. Sentant la victoire lui échapper face à Amélie Mauresmo, la Belge avait abandonné au deuxième set. Mauresmo, avec raison, a mis des années à lui pardonner. Henin avait réussi à amoindrir la gloire de son triomphe.

Gaël Monfils ne m'a pas davantage impressionné à la fin de son match contre Djokovic vendredi. De son propre aveu, il a tenté de faire «le clown» pour briser le rythme de son rival. «Il était trop fort, a-t-il dit à propos de Djokovic. Je n'avais aucune solution. Il valait mieux en rire et essayer au moins de le déconcentrer un peu.»

Monfils, clairement, avait abandonné dans sa tête, la pire faute pour un athlète. Mardy Fish a choisi une approche très différente, hier, en finale, et il a forcé Djokovic à disputer un troisième set. Monfils et Fish sont pourtant du même calibre, comme en fait foi leur classement au sein de l'ATP.

Le comportement de Tsonga et Monfils est décevant.

Heureusement, la France nous offre encore de grandes championnes comme Marion Bartoli, une battante qui ne fait pourtant pas l'unanimité dans son propre pays, et des cyclistes comme Thomas Voeckler et Pierre Rolland, brillants au dernier Tour de France.

Tsonga et Monfils devraient s'en inspirer.