Régis Labeaume a convaincu Jean Charest d'investir 200 millions dans la construction d'un nouveau Colisée. Mais il est incapable de persuader Pierre Karl Péladeau de prolonger au-delà du 7 septembre prochain l'entente de principe intervenue entre la Ville de Québec et Quebecor Media pour la gestion du nouvel amphithéâtre.

Voilà une des ironies apparues durant la séance de la commission parlementaire d'hier, à Québec. «Vous pensez que c'est facile de demander à M. Péladeau 30 jours, 60 jours de rallonge, a expliqué M. Labeaume. Je peux bien lui demander, mais il peut faire ce qu'il veut...»

Sans surprise, lorsque son tour de témoigner est venu, M. Péladeau en a rajouté. «Les délais sont incontournables», a-t-il dit.

Malgré cette belle unanimité, il serait étonnant que cette date butoir constitue une frontière au-delà de laquelle l'espoir n'est plus permis. Ce discours fondé sur l'urgence comporte des trous. Si la loi souhaitée par MM. Labeaume et Péladeau était adoptée à l'automne, cela ne mettrait pas en péril le projet.

D'abord, la Ligue nationale de hockey ne vendra pas d'équipe à Quebecor Media au cours des six prochains mois. Et aucun artiste d'envergure internationale n'a encore planifié sa tournée 2015-2016. Le nouvel amphithéâtre, ne l'oublions pas, ne doit ouvrir ses portes que dans quatre ans, un très long délai.

Ensuite, M. Péladeau semble avoir besoin plus que jamais d'une équipe de la LNH. Il a ouvert son jeu mercredi en annonçant le lancement de TVA Sports. Ce n'est pas avec 25 matchs des Sénateurs d'Ottawa et 60 matchs des Blue Jays de Toronto que cette station gagnera vite des parts de marché.

Sa réelle chance de s'imposer réside dans l'obtention, par Quebecor Media, d'une équipe de la LNH, dont les activités fourniront la pierre angulaire de sa programmation. À l'image de RDS avec le Canadien.

Si M. Péladeau met fin à son entente avec la Ville de Québec parce qu'il refuse d'aller au-delà du 7 septembre, TVA Sports verra ses espoirs de croissance s'éteindre d'un seul coup. S'enfuiront également les possibilités d'offrir un jour un contenu attrayant, le hockey des Nordiques, sur les nombreuses plateformes multimédias de l'entreprise.

Je comprends MM. Labeaume et Péladeau de vouloir finaliser le dossier le plus rapidement possible. Ces deux hommes sont des entrepreneurs enthousiastes. Ils ont hâte de passer des arguties juridiques à des actions concrètes de développement.

Mais laisser entendre que tout le projet pourrait s'écrouler si l'Assemblée nationale n'agit pas d'ici la semaine prochaine semble un peu gros à avaler.

Suis-je le seul à avoir ressenti un malaise sur la manière dont Marie Malavoy, députée du Parti québécois, a dirigé les échanges? Elle a confondu son rôle de présidente de commission, dont l'objectif est d'éclairer le public sur un sujet chaud, avec celui de chronométreuse en chef.

Bien sûr, Mme Malavoy nous a rappelé qu'il s'agissait d'un «exercice très contraignant». Mais elle aurait dû utiliser son jugement et, notamment, laisser Pierre Karl Péladeau répondre à une question pertinente d'Amir Khadir.

Pourquoi, dans son entente avec la Ville de Québec, Quebecor Media ne garantit-elle pas le maintien d'une éventuelle équipe de la LNH à Québec durant 25 ans, comme à Edmonton? La question est fondamentale parce que les coûts estimés aujourd'hui pour opérer une équipe de la LNH à Québec risquent de gonfler très vite.

Deux raisons l'expliquent. D'abord, les revenus de la LNH sont en pleine ascension (3 milliards cette saison), ce qui entraîne une hausse substantielle du plafond salarial, mais aussi, ne l'oublions pas, du plancher salarial. Ainsi, en 2005-2006, le plafond était de 39 millions et le plancher, de 23 millions. La saison prochaine, ces chiffres atteindront 64 millions et 48 millions! Une inflation fulgurante, qui ne se dément pas.

Ensuite, rien ne garantit que le huard demeurera à parité avec la devise américaine. Et comme les joueurs sont payés en billets de l'Oncle Sam, une chute de notre dollar augmenterait les coûts du même pourcentage. Dans les années 90, l'impact du taux de change a miné les équipes canadiennes. Qui peut prédire que ce scénario ne se reproduira pas?

Dans ce contexte, il serait bien que M. Péladeau fournisse des garanties. Les partisans des Nordiques ont vécu un deuil terrible en 1995. Il faudrait leur en épargner un deuxième. Mais l'intervention de Mme Malavoy a permis au président de Quebecor Media d'éviter ces eaux troubles. Tant pis pour la qualité du débat. Au moins, les règles parlementaires ont été respectées... à la seconde près.

Quelle sera la suite des choses? On sait déjà que le veto d'Amir Khadir empêchera l'adoption du projet de loi.

Le gouvernement devra alors choisir entre deux options: incorporer ses dispositions à une loi omnibus, ce qui garantirait leur passage avant la pause estivale, ou reporter le tout à l'automne. Dans les deux cas, il fera des mécontents.

Jean Charest souhaitait peut-être que les échanges d'hier identifient un vainqueur, ce qui aurait facilité sa décision. Ce ne fut pas le cas. MM. Labeaume et Péladeau ont bien défendu leur projet, pendant que Denis de Belleval le pourfendait avec fougue, évoquant même une «loi à la Berlusconi».

Au bout du compte, le premier ministre devra trancher.