Pierre Gauthier projette l'image d'un homme froid et rationnel.

On ne l'imagine pas, par exemple, commenter les enjeux de l'heure avec la passion d'un Brian Burke, DG des Maple Leafs de Toronto, ou dénoncer l'arbitrage avec l'indignation d'un Mike Gillis, des Canucks de Vancouver. Les débordements d'émotivité sont l'antithèse de son personnage.

Mais hier, devant des dizaines de journalistes entassés dans une salle du Complexe Bell de Brossard, la cuirasse de Gauthier s'est lézardée. Avec des mots simples, il a exprimé sa peine à la suite de l'élimination du Canadien. «C'est une journée difficile. Nous sommes déçus et frustrés. On voulait gagner cette série. Et à la fin, il nous manquait un but...»

Plus tard, lorsque je l'ai retrouvé en tête à tête, j'ai manifesté mon étonnement devant sa réaction. Ses explications ont démontré à quel point la direction du Canadien a craint la catastrophe durant cette saison pleine de petits et grands malheurs.

«On s'est tellement battus, a affirmé Gauthier, les yeux perçants. J'ai beaucoup de respect pour nos gars. Nos entraîneurs ont aussi fait un travail phénoménal. On a passé des étapes desquelles il a vraiment fallu se relever. Ç'a glissé plusieurs fois, parfois à des moments critiques, où on aurait pu échapper notre saison...»

Entre les blessures à Markov et Gorges, l'affaire Chara-Pacioretty, la raclée de 7-0 à Boston et le silence abyssal des gros canons à l'attaque, le Canadien s'est souvent retrouvé en fâcheuse position.

Dans ces circonstances, éliminer les Bruins aurait constitué une immense satisfaction. Mais les trois défaites en prolongation ont fait mal.

«Durant ces périodes supplémentaires, on a mieux joué qu'eux et on a obtenu de meilleures chances de marquer, a ajouté Gauthier. Mais on n'a pas gagné un seul de ces matchs. Alors c'est dur aujourd'hui.»

Beaucoup de travail attend Gauthier au cours des prochaines semaines. Comme tout gestionnaire avisé, il prendra du recul après le tourbillon de la dernière ligne droite. «Il faut se libérer des émotions pour prendre des décisions claires», dit-il.

Durant le calendrier régulier, Gauthier a sans cesse réagi aux tuiles tombant sur l'équipe. À partir de maintenant, il peut planifier ses interventions et structurer un plan à son goût.

Il n'agira pas dans la précipitation. Le respect du plafond salarial pose un défi et chaque décision affecte l'ensemble du portrait. «Il n'y a pas assez de lettres dans l'alphabet pour le nombre de plans que nous allons examiner...»

Mais à la base de la réflexion de Gauthier, on retrouve ce constat: le Canadien forme déjà une bonne équipe et l'avenir est prometteur. Il est vrai qu'avec Carey Price et P.K. Subban, l'équipe compte deux joueurs au potentiel inouï. Mais je crois toutefois que Gauthier surestime le reste de sa troupe.

Oui, le Canadien a été éprouvé par les blessures cette saison. Mais il ne fut pas la seule équipe à se retrouver dans cette situation. La défense est à reconstruire. Le noyau de l'attaque est composé de joueurs physiquement peu imposants, et qui ne sont pas des marqueurs naturels.

« Tu ne surévalues pas ton club, Pierre?

- Pas du tout. J'ai confiance en cette équipe et en sa progression. C'est le côté optimiste de la journée d'aujourd'hui. Les joueurs ressentent la même chose: on s'en va quelque part, on a un groupe de gars qui veulent gagner et qui ne lâcheront pas, on a un solide gardien de but, on a de jeunes joueurs prometteurs et de bons vétérans...»

De bons vétérans? Peut-être. Mais reconnaissons ceci: si le Canadien ne pouvait protéger que deux joueurs en vue de la saison prochaine, aucun de ces vétérans au salaire imposant ne se retrouverait sur la liste! Price et Subban sont désormais les joueurs-clés de l'organisation.

La solidarité entre Pierre Gauthier et Jacques Martin constitue un atout pour le Canadien.

Il était d'ailleurs symbolique que les deux hommes partagent la même tribune, hier, pour répondre aux questions. Ainsi, vous pouvez parier que si les Bruins avaient été éliminés mercredi, Peter Chiarelli et Claude Julien n'auraient pas dressé le bilan de leur équipe coude à coude.

Pour les joueurs, il s'agit d'un message clair et réconfortant. La direction hockey du Canadien est stable. Cela est d'autant plus important que sur le plan administratif, un nouveau duo, celui de Geoff Molson et Kevin Gilmore, est désormais aux commandes.

Le 30 juin, Pierre Boivin quittera officiellement son poste de président du Canadien. Cela marquera la fin d'une époque. On aura évidemment l'occasion de revenir sur ce sujet.

Mais pour l'instant, je rappelle qu'à son entrée en poste en 1999, il n'y avait pas de liste d'attente pour les billets de saison et l'image de marque de l'organisation était à des années-lumière de celle d'aujourd'hui. Son départ n'alimentera pas les discussions dans les émissions de sport, mais il est significatif.

Sur la glace, malgré la profession de foi de Gauthier envers son équipe, il est clair que le Canadien comptera de nombreux nouveaux visages la saison prochaine. C'est la caractéristique du hockey d'aujourd'hui.

Et Scott Gomez, vous demandez? Son autocritique d'hier était impressionnante. Dommage qu'il n'ait pas montré le même cran sur la glace.