Le coup de départ a atterri à mes pieds, sous un arbre, à la droite de l'allée. Quelques instants plus tard, Graeme McDowell, d'un pas lourd, s'est approché pour examiner la situation. Avec son allure trapue et son collier de barbe, il ressemble plus à un marin qu'à un golfeur professionnel.

Pendant que McDowell mesurait les risques sur ce dixième trou, je me suis rappelé sa déclaration de mardi, à son arrivée à Augusta. Il a évoqué Rory McIlroy, son compatriote d'Irlande du Nord, de dix ans son cadet. «Je n'ai pas son talent. Tout a toujours été plus difficile pour moi.»

McDowell n'est pourtant pas le dernier venu. Champion en titre de l'Omnium des États-Unis, il a prouvé sa valeur. Mais lui aussi sait que McIlroy, malgré sa jeunesse, représente un joyau de son sport. Et pendant que McDowell naviguait péniblement sur le parcours hier, McIlroy le survolait avec une fronde exceptionnelle. Ce matin, à Belfast, c'est lui qui fera la une des journaux.

Contrairement aux nombreux colosses qui composent la nouvelle génération des golfeurs, McIlroy n'est ni très grand, ni très gros. Tenez, on dirait un attaquant du Canadien! Mais il frappe avec une puissance inouïe. La balle explose de son bâton, comme un missile projeté dans le ciel. Sa touche autour des verts est exceptionnelle.

Au-delà de ces atouts, c'est sa confiance qui impressionne. Suffit d'observer sa démarche sur le parcours pour s'en convaincre. Le pas vif, il semble se retenir pour ne pas courir, trop pressé de découvrir la position exacte de sa balle.

À ses côtés, Rickie Fowler, le jeune Américain de 22 ans, arpentait le terrain avec la même énergie. On les a souvent vus discuter avec animation «Nous avons parlé d'autos et de bateaux, mais pas de golf», a juré McIlroy, après sa ronde.

Grâce à sa carte de 65, sept coups sous la normale, McIlroy a pris la tête du Tournoi des Maîtres, en compagnie d'Alvaro Quiros, un Espagnol de 28 ans qui a étonné la galerie avec cet effort exceptionnel.

Quiros a calé son dernier oiselet au moment où le soleil se couchait sur Augusta. À ses deux premières participations au Tournoi des Maîtres, il ne s'était pas qualifié en vue des deux dernières rondes. On verra si le conte de fées se poursuivra aujourd'hui.

Lorsqu'on lui a demandé de décrire ses sept oiselets, McIlroy s'est exécuté en un temps record, l'oeil rivé sur sa carte de pointage. Puis, il a levé la tête en éclatant de rire: «Ça semble très simple, mais ce ne fut pas le cas!»

McIlroy a si bien réussi cette première ronde qu'on serait tenté de l'établir grand favori du tournoi. Prudence! En juillet dernier, il a survolé avec la même aisance les 18 premiers trous de l'Omnium britannique, à St-Andrews, s'emparant de la tête avec un magnifique 63. Le temps était radieux, comme hier à Augusta. Mais le lendemain, le vent se mit de la partie. Et McIlroy joua 80!

«Ce fut une leçon précieuse dans mon développement, a-t-il dit. Je vais essayer de faire mieux cette fois-ci. Si je me retrouve dans une position fâcheuse, je vais m'accrocher. Je ne l'ai pas fait à St-Andrews et je ne veux pas répéter cette erreur.»

McIlroy en est déjà à son neuvième tournoi majeur. Il a terminé trois fois dans le trio de tête. Mais il demeure un gamin.

Mercredi, après sa ronde d'entraînement, il s'est rendu dans un centre commercial. Intrigué par le football américain, un sport qu'il a découvert durant ses séjours aux États-Unis, il a acheté un ballon. En soirée, avec quelques amis, il s'est exercé à lancer des spirales au milieu d'une rue. Jusqu'à ce qu'une voisine se plaigne du bruit. Ce fut la fin de l'entraînement.

Pendant que McIlroy se montrait à la hauteur de sa réputation, Martin Kaymer s'écroulait. L'Allemand, premier au classement mondial, a joué une désastreuse ronde de 78! Pour la quatrième année consécutive, il risque de rater la qualification en vue des deux derniers jours du tournoi.

Le dixième trou illustre parfaitement les ennuis de Kaymer. Coup de départ dans le bois, sortie dans l'allée, troisième coup devant une fosse de sable et quatrième coup dans la fosse. Il a quitté le vert avec un double boguey et un moral brisé.

«Je ne sais pas comment jouer ce parcours, a admis Kaymer. J'ai beau retourner tout ça dans ma tête, je n'arrive pas à trouver une solution. En quatre ans, je n'ai jamais connu une bonne journée ici. Il me reste une seule chose à faire: m'asseoir avec Bernhard Langer et lui demander conseil.»

Langer, un compatriote de Kaymer, a remporté deux fois le Tournoi des Maîtres. L'échec de Kaymer dénote une certaine fragilité de caractère, lui qui semble toujours impassible. S'il ne corrige pas la situation, on se demandera s'il possède vraiment l'étoffe d'un numéro un mondial.

Tiger Woods a souvent expliqué combien il appréciait demeurer en retrait à l'amorce d'un tournoi, de manière à lancer sa charge le samedi. Il est vrai qu'occuper la première place après 18 trous apporte une pression supplémentaire.

McIlroy analyse la situation autrement. «Je vais prendre un 65 n'importe quand! À mon avis, rien ne vaut d'occuper la pole position! Je préfère être en tête avec un - 7 que dans le peloton avec un -3.»

Ce jeune homme possède un certain panache, avouons-le. «J'apprends vite», a-t-il ajouté.

De cela, personne ne doute. Surtout pas les 97 golfeurs ayant terminé derrière Quiros et lui.