Pour Winnipeg, le premier coup de massue est venu d'un sondage réalisé auprès de 318 joueurs de la LNH. Cinquante-trois pour cent d'entre eux ont estimé que Québec était la ville canadienne méritant le plus d'obtenir une équipe, devançant largement Winnipeg, à 25%.

Puis, Éric Bélanger a enchaîné avec un uppercut au menton. Dans une entrevue aux journaux Sun Media reprise partout au Canada, l'attaquant des Coyotes de Phoenix a expliqué que ses coéquipiers et lui ne voulaient pas être expédiés au Manitoba la saison prochaine.

Leur préférence est de demeurer sous le soleil de l'Arizona. Mais si l'aventure des Coyotes prend fin, c'est à Québec qu'ils souhaitent se retrouver. La ville est agréable, l'économie fonctionne et les activités sont nombreuses, a déclaré Bélanger. «Même s'il y a de bons amateurs de hockey à Winnipeg, ça reste Winnipeg. Les joueurs préfèrent Québec, c'est sûr.»

Le sondage accordant à Québec une cote de popularité deux fois plus élevée que celle de Winnipeg a été réalisé cet hiver à la demande de l'Association des joueurs. Cela lui confère une valeur additionnelle. Pour Québec, cette perception positive constitue un agréable retour des choses.

Au début des années 90, plusieurs joueurs ont dépeint la Vieille Capitale comme la Sibérie du hockey. Eric Lindros a vomi sur Québec pendant deux ans après avoir été repêché par les Nordiques. D'autres, forcés de se rapporter aux Bleus, ont pleuré toutes les larmes de leur corps devant cette injustice de la vie! La langue, la culture, la recherche d'une école de langue anglaise pour les enfants et même l'abonnement au câble, tout était difficile...

Québec, à n'en pas douter, revient de loin. Souvenez-vous des semaines qui ont suivi le transfert des Nordiques au Colorado. Sans même se garder une petite gêne, les joueurs de l'Avalanche vantaient sans arrêt les mérites de leur nouveau port d'attache.

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Pour Winnipeg, les résultats du sondage et les déclarations de Bélanger constituent une mauvaise nouvelle. Au moment où la ville est enthousiaste comme jamais à l'idée de retrouver une équipe de la LNH, voilà qu'on lui rappelle ne pas être une destination de choix.

«Les propos de Bélanger constituent une claque en plein visage, lance Gary Lawless. Mais ils recèlent une bonne dose d'ignorance. Une ville, c'est d'abord ses citoyens. Et les gens de Winnipeg sont chaleureux et accueillants. Mais, bon, nous sommes habitués à des commentaires semblables. Avec sa culture, ses excellents restaurants et sa qualité de vie, Winnipeg reste un secret bien gardé.»

Lawless est columnist au Winnipeg Free Press, le grand quotidien de la ville. Comme ses concitoyens, il attend patiemment que la LNH tranche sur l'avenir des Coyotes. Tout est prêt pour accueillir l'équipe. «Nous avons l'organisation, l'amphithéâtre et l'argent nécessaires, dit-il. La LNH peut atterrir ici en douceur. Il suffira de brancher le courant et l'équipe sera opérationnelle.»

La stratégie de Winnipeg est bien différente de celle de Québec. Au Manitoba, les amateurs n'ont pas rempli le MTS Centre pour un match des Coyotes sur écran géant. Ni nolisé des dizaines d'autobus pour faire sentir leur présence ailleurs dans la LNH. Dans une chronique de septembre dernier, Lawless enviait cette confiance des gens de Québec. «Ils se moquent de l'opinion des autres à propos de leur capacité à accueillir une équipe de la LNH. Mettez-nous en file pour recevoir une équipe, disent-ils. En fait, mettez-nous au premier rang de la file.»

Lawless espérait que cette assurance déteigne sur ses concitoyens, dont l'attitude semble plutôt de ne rien bousculer par crainte de provoquer la colère de Gary Bettman. Québec, de son côté, assume très ouvertement son rêve.

La semaine dernière, par exemple, mon collègue Pierre-André Normandin, du Soleil, a révélé que la Ville analysait les rénovations à faire au Colisée au cas où Québec obtiendrait une équipe avant l'ouverture du nouvel amphithéâtre. «On n'a aucun signal que ça pourrait être le cas, mais l'idée, c'est de prendre l'avance», a expliqué le maire Régis Labeaume.

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Prendre l'avance, c'est ce que Winnipeg a fait dès 2004 en construisant le MTS Centre, un amphithéâtre de 15 015 sièges. Pas question d'augmenter sa capacité pour accueillir la LNH. Winnipeg préfère miser sur la rareté des billets plutôt que de vendre 3000 sièges au rabais à chaque match. Québec aurait avantage à étudier ce modèle avant d'arrêter les plans du nouvel amphithéâtre.

Le groupe True North Sports & Entertainment, qui deviendrait propriétaire de l'équipe, a les reins solides. David Thomson, membre de la célèbre famille dont les actifs sont évalués à plus de 20 milliards, est un actionnaire majeur de l'entreprise. Pour la LNH, il s'agit là d'une garantie exceptionnelle.

Si les Coyotes quittent Phoenix à la fin de la saison, ils iront à Winnipeg. En revanche, s'ils demeurent en Arizona, on pourrait assister à une fascinante bataille entre Winnipeg et Québec lorsqu'une autre équipe deviendra disponible. Et cette fois, à dossiers égaux en termes financiers, l'attrait de la Vieille Capitale constituera un atout.

Éric Bélanger espère sûrement la concrétisation de ce scénario. À la suite de ses déclarations, on le voit mal endosser le maillot des «nouveaux» Jets de Winnipeg la saison prochaine.

«Non, il serait très bien accueilli, jure Gary Lawless. Et à Noël, il aurait changé d'avis et il regretterait ses propos sur notre ville.»

Peu importe l'opinion de Bélanger, avouons que Winnipeg mérite beaucoup plus une équipe de la LNH que Phoenix.

Photo: André Pichette, archives La Presse

Les propos d'Éric Bélanger continuent d'alimenter les discussions.