Ne minimisons pas la réussite de Pierre Karl Péladeau dans le dossier du nouveau Colisée. En obtenant les droits de gestion et d'identification de l'amphithéâtre, il a réussi un excellent coup. C'est Quebecor qui profitera des millions d'argent public investi dans le projet. Joli coup de main pour étendre son influence déjà considérable dans la société québécoise.

Cela dit, cette étape constituait la moins complexe de l'opération visant à doter Québec d'une équipe de la LNH. En devançant ses concurrents «aux poches profondes», comme il les a qualifiés, M. Péladeau a rappelé que sa propre entreprise constituait aussi un géant.

Quebecor a enlevé le morceau parce qu'elle a promis un plus gros chèque que les autres. Le maire Labeaume me l'a confirmé: les conditions financières proposées ont constitué le premier critère de sélection.

Aligner les zéros au bas d'une soumission ne suffira cependant pas à atteindre le véritable objectif, soit le retour des Nordiques. Pour cela, il faudra aussi patience, subtilité et diplomatie. Voilà qui peut compliquer la tâche de M. Péladeau.

* * *

En affaires, Pierre Karl Péladeau s'est bâti une réputation de rouleau compresseur. Les longs conflits de travail chez Vidéotron, au Journal de Québec et au Journal de Montréal ont notamment contribué à établir cette réputation.

Cette approche lui a valu des ennemis, mais aussi du succès. En revanche, s'il utilise une stratégie aussi agressive pour obtenir une équipe de la LNH, Québec ne retrouvera pas ses Nordiques.

En juin 2009, lorsqu'il a voulu mettre la main sur le Canadien et le Centre Bell, M. Péladeau a commis une erreur fondamentale. Il a déploré la nomination de Jacques Martin comme entraîneur du Canadien, une annonce survenue durant le processus de vente.

«Ç'aurait peut-être pu attendre deux semaines pour que l'on puisse, d'un commun accord, prendre une décision», avait-il affirmé, dans une déclaration aussi malhabile qu'étonnante. M. Péladeau parlait comme si l'équipe lui appartenait déjà. Or, si la LNH apprécie une qualité de ses futurs propriétaires, c'est la discrétion. Ce jour-là, il a perdu des points.

De la même façon, il est difficile d'expliquer l'acharnement de M. Péladeau à attaquer la LNH et le Canadien devant le CRTC, organisme qui régit les télécommunications au Canada. Le mois dernier, pour la deuxième fois en deux ans, il a dénoncé l'entente accordant à RDS l'exclusivité de la télédiffusion des matchs du Canadien.

Pourtant, M. Péladeau sait fort bien que la LNH est partie intégrante à ce contrat, qui prend la forme d'un «joint venture» entre la ligue et le Canadien. C'est cette entité qui s'est entendue avec RDS.

Cette façon de disposer des droits n'est pas unique dans le sport professionnel. Les Nets du New Jersey diffusent tous leurs matchs sur le même réseau; les Red Sox de Boston et les Bruins de Boston font de même avec presque toutes leurs rencontres, sur les ondes d'une chaîne leur appartenant. Gary Bettman, le commissaire de la LNH, croit avec raison qu'une équipe peut céder à sa guise les droits sur ses matchs. Et la manoeuvre de Quebecor dans cette affaire l'a clairement irrité.

* * *

À première vue, Jim Balsillie, père du Blackberry, détenait tous les atouts pour devenir propriétaire d'une équipe de la LNH. Sa société compte aussi sur des «poches profondes» et oeuvre dans un secteur porteur, la haute technologie.

La LNH misant sur le multimédia pour augmenter ses revenus, une association avec Balsillie et son entreprise, Research in Motion, tombait sous le sens.

Malgré ses tentatives, M. Balsillie n'a pas obtenu d'équipe. Tout simplement parce qu'il a refusé de se plier aux règles non écrites de la LNH.

La première d'entre elles est de ne pas indisposer le bureau-chef de la ligue. Montrer discrètement son intérêt à obtenir une équipe, oui. Bousculer le circuit et vouloir imposer ses propres règles du jeu, comme Balsillie l'a fait, ou exiger qu'une équipe qu'on souhaite acquérir se plie d'avance à ses volontés, non!

Il y a là matière à réflexion pour M. Péladeau. À ce niveau, il a déjà une petite côte à remonter.

* * *

Malgré les faux pas de PKP dans ses relations avec la LNH, Gary Bettman conserve une attitude d'ouverture prudente envers lui. La preuve en a été fournie mardi lorsque Régis Labeaume a fait de Quebecor le partenaire de la Ville dans le dossier du nouveau Colisée.

Le maire de Québec est un homme à l'esprit vif. Il n'aurait jamais confié ce mandat à Quebecor s'il avait cru que cette entreprise ne répondait pas aux critères de la LNH comme propriétaire potentiel. M. Labeaume, j'en suis convaincu, a procédé aux vérifications nécessaires.

Il n'en reste pas moins que M. Péladeau devra être sur ses gardes au cours des prochains mois. La moindre déclaration intempestive, le moindre geste mal avisé, nuira aux chances de Québec, déjà un marché économique modeste à l'échelle de la LNH, de retrouver ses Nordiques.

De plus, en raison des récents conflits de travail dans les entreprises de Quebecor, l'Association des joueurs de la LNH ne mettra sans doute pas le champagne au frais en attendant l'arrivée de M. Péladeau comme gouverneur du circuit. Il serait vite identifié au camp des faucons, ceux qui trouvent toujours les joueurs surpayés.

La route menant Québec à la LNH est truffée d'écueils. Les éviter constitue désormais le véritable défi de M. Péladeau.