De la salle de conférence des bureaux de l'Impact, au stade Saputo, la vue sur le terrain enneigé est magnifique.

«Tu vois, c'est ici qu'on installera les nouveaux gradins, explique Richard Legendre, en indiquant les espaces libres qui seront comblés par 8000 sièges supplémentaires. On veut augmenter et diversifier notre clientèle, tout en demeurant authentique. L'ambiance au soccer, ça ne vient pas de l'organiste...»

Pendant que le Canadien se bat pour une place en séries éliminatoires et que les Alouettes se cherchent un président, l'Impact de Montréal travaille incognito à une spectaculaire transformation: devenir une véritable organisation des ligues majeures. En 2012, le club fera le saut en Major League Soccer (MLS), un circuit au calibre de jeu relevé, doté d'une direction agressive et d'un modèle d'affaires original.

L'émergence de la MLS au cours des cinq dernières années constitue une réussite exceptionnelle. Des joueurs de premier plan, dont quelques vedettes européennes comme Thierry Henry, ont fait le saut outre-Atlantique.

Plusieurs organisations, notamment celles de Philadelphie, New York, Kansas City et Houston, ont construit des stades chaleureux. Ces investissements cruciaux raffermissent la place du soccer de première division sur l'échiquier sportif nord-américain. Le commissaire Don Garber, un ancien de la NFL, jouit d'une solide réputation.

En retour d'une somme de 40 millions, l'Impact a obtenu sa concession l'an dernier et disputera son premier match dans un an. La saison 2011 est donc la dernière où les fans montréalais devront se taper du soccer trop souvent somnifère pour assouvir leur soif de ce sport.

Richard Legendre est premier vice-président de l'Impact. À ce titre, il chapeaute le passage à la MLS, sous la direction de Joey Saputo, le président de l'équipe. Premier défi: mener à bien l'agrandissement du stade, un projet de 23 millions financé par le gouvernement du Québec.

Legendre, un ancien ministre des Sports dans le cabinet de Bernard Landry, en est à sa deuxième expérience dans le renouveau d'une infrastructure sportive. Au milieu des années 1990, alors à l'emploi de Tennis Canada, il a dirigé la refonte du stade Jarry.

«Dans l'ancien stade, les trois quarts de nos spectateurs étaient des joueurs de tennis, explique-t-il. Dans le nouveau, ils n'en représentaient plus que la moitié. Nous avons élargi notre bassin. Les gens ont découvert la dimension événementielle du tournoi.

«C'est ce qu'on souhaite accomplir avec notre entrée dans la MLS. Je suis convaincu que c'est possible. Après tout, qui aurait pensé que les Internationaux de tennis du Canada, le Festival de jazz et le Festival de l'humour deviendraient des succès phénoménaux? Je pense qu'on amènera au stade des gens qui ne suivent pas le soccer actuellement. Tout en conservant notre clientèle familiale, qui peut assister à un match sans hypothéquer sa maison...»

La tâche sera néanmoins ardue et Legendre le reconnaît. Beaucoup d'amateurs de sport ignorent toujours que Montréal accédera au meilleur circuit de soccer d'Amérique. Et il constate que la finale de la MLS, présentée à Toronto en novembre dernier, n'a pas suscité une large couverture médiatique au Québec. Au plan du développement de la notoriété, le travail s'annonce gigantesque.

Le plafond salarial d'une équipe de la MLS est de 2,7 millions. En revanche, un club peut embaucher trois joueurs «hors normes», à un salaire librement négocié entre les deux parties. Seul un montant de 335 000$ est alors inclus dans l'enveloppe autorisée. Voilà qui explique les contrats de 6,5 millions et 4,5 millions consentis à David Beckham (Los Angeles) et Thierry Henry (New York).

L'Impact saisira-t-il cette opportunité pour attirer des joueurs de renom à Montréal? La question est intrigante. Plusieurs éléments entrent en compte, notamment l'harmonie au sein du groupe.

Un joueur touchant deux fois plus que tous ses coéquipiers réunis doit en effet posséder des atouts au plan des relations interpersonnelles. Henry, par exemple, a offert des iPad au personnel de l'équipe peu après son arrivée à New York, selon Sports Illustrated.

Au sujet de la stratégie de l'Impact, Legendre demeure prudent. Les décisions sportives ne sont pas de son ressort, mais la présence d'une vedette donnerait un coup de pouce au marketing. D'autant plus que l'équipe possède deux objectifs ambitieux.

D'abord, tripler le nombre d'abonnements saisonniers, de 4500 à 15 000! Comme les billets seront forcément plus chers, l'opération nécessitera beaucoup d'efforts.

Ensuite, signer des ententes de télédiffusion afin de présenter les 36 matchs du calendrier régulier au petit écran. Lundi, la MLS a annoncé que TSN, le grand frère de RDS, devenait son diffuseur national au Canada. Cette entente pourrait influencer la suite des choses même si Radio-Canada est actuellement le partenaire de l'Impact. Il est également possible que deux réseaux se partagent les rencontres.

«Pour nous, il est fondamental que tous nos matchs soient télévisés, explique Legendre. On ne peut pas prétendre aux grandes ligues si les gens sont incapables de nous voir. On ne craint pas d'effets négatifs sur les assistances à Montréal. Plus ton produit est à la télé, plus il y a de monde dans les gradins. La télévision augmente la notoriété et donne aux gens le goût d'aller voir les matchs. C'est ce qui s'est produit avec le tennis.»

Les prochains mois seront cruciaux pour l'Impact. Et cela n'a rien à voir avec la saison 2011. La préparation en vue du passage à la MLS constitue désormais le véritable défi.

Photo Robert Mailloux, La Presse

Richard Legendre, premier vice-président de l'Impact.