Un an après les Jeux olympiques de Vancouver, nos athlètes poursuivent sur leur formidable lancée. Leurs résultats des deux dernières semaines sont éloquents.

Voyons un peu: Erik Guay, roi de la descente (voir le texte en page 4); Jennifer Heil, championne du monde de ski de bosses; Alex Harvey, meilleur jeune fondeur en poursuite de 30 kilomètres; Marianne St-Gelais, médaillée d'or sur 500 mètres (voir le texte en page 5) en Coupe du monde de patinage de vitesse sur courte piste.

Une fois le champagne trinqué, une énigme demeure: ces performances constituent-elles le symbole d'une nouvelle puissance du sport canadien sur la scène internationale? Ou représentent-elles plutôt un ultime coup d'éclat avant un retour à la normalité?

Nathalie Lambert aimerait bien croire que le talent et la détermination de nos athlètes seront suffisants pour les maintenir au sommet. Mais elle sait combien cette attitude serait naïve. Aussi lance-t-elle cet avertissement: «Si on ne continue pas d'investir, cet envol peut finir en queue de poisson.»

Eh oui, comme le rappelle avec lucidité Nathalie Lambert, qui fut chef de mission de l'équipe canadienne à Vancouver, tout cela renvoie à une question d'argent.

En prévision des Jeux de 2010, des sommes considérables ont été investies afin de permettre aux athlètes canadiens de développer leur plein potentiel.

L'État et le secteur privé ont puisé dans leurs goussets afin d'éviter la déception des Jeux de 1976 à Montréal et de 1988 à Calgary, lorsque le Canada n'a pas été fichu de monter une seule fois sur la plus haute marche du podium. L'opération a été couronnée de succès, le Canada obtenant 14 médailles d'or, devançant ainsi tous les autres pays.

Une des clés de cette réussite fut le programme «Top Secret», axé sur la recherche, l'innovation et le développement.

«À ce chapitre, la tradition au Canada, c'était de reprendre ce qui se faisait ailleurs, indique Nathalie Lambert. Forcément, nous n'étions jamais en avance sur les autres pays. «Top Secret» a changé ça. En longue piste, par exemple, on a obtenu des appareils qui ont aidé les patineurs à améliorer leur vitesse maximale. En bobsleigh et en luge, nous avons analysé de façon très pointue les déplacements sur la piste. Tout cela nous a beaucoup aidés.»

Un an après les Jeux, les athlètes canadiens surfent toujours sur la vague des investissements considérables effectués depuis 2003, lorsque Vancouver a obtenu l'organisation des Jeux. Reste à savoir si cet argent demeurera au rendez-vous. Leurs performances enviables sur la scène internationale en dépendent.

Alex Baumann, l'ancien nageur qui dirige le programme À nous le podium, le reconnaît d'emblée. «Nous avons identifié certains écarts à combler, dit-il. L'innovation est un secteur visé. Nous aurions besoin de 3 millions supplémentaires par année.»

Le combat du financement nécessitera beaucoup d'énergie au cours des prochains mois. S'il se solde par un échec, on ne reverra pas de sitôt le Canada au haut du palmarès des médailles.

Cela dit, il y a lieu d'être optimiste. On sent en effet beaucoup de compétence, d'enthousiasme et de solidarité au sein des décideurs du mouvement olympique canadien. À l'évidence, Baumann joue un rôle clé dans ce renouveau. En visite à La Presse la semaine dernière, il a impressionné par sa maîtrise des dossiers et la rigueur de son analyse.

En termes clairs, Baumann a établi son plan d'action: augmentation du nombre d'entraîneurs à plein temps, meilleur dépistage du talent, renforcement du leadership des directeurs des programmes de haute performance, amélioration des pratiques de gouvernance des fédérations sportives et mise sur pied d'un réseau de quatre véritables instituts de développement. Celui de Montréal, avec sa spécialisation en sports aquatiques, est déjà sur la bonne voie.

Jean Dupré, chef de la direction du Comité olympique canadien (COC), est un homme d'action qui insuffle de l'énergie au COC, organisme jusque-là vieillissant, peu inspirant et déconnecté de la réalité québécoise.

La complicité entre Dupré et Baumann diminue les craintes que le COC et À nous le podium s'entre-déchirent dans une querelle de juridictions au détriment des athlètes.

De son côté, Marcel Aubut, le président du COC, rebâtit pierre par pierre l'organisation. Il s'apprête à embaucher des responsables des services aux fédérations et aux athlètes. Une troisième personne aura le mandat d'attirer un grand nombre de compétitions internationales au Canada. Cela, croit-il, contribuera à sécuriser le financement dont nos athlètes ont besoin. «Les commanditaires veulent obtenir de la visibilité en retour de leur investissement, explique Aubut. Or, la tenue d'événements importants est la meilleure façon d'atteindre ce but.»

Ce renouveau est bienvenu. Sur le plan des sports olympiques, le Canada veut prendre un virage nécessaire. Bien sûr, les budgets n'atteindront pas ceux de l'Australie, qui a fait du sport une priorité publique. Malgré une population moindre, ce pays pompe annuellement 100 millions de plus que le Canada dans le développement de son élite.

Alex Baumann, qui a vécu longtemps en Australie, n'en espère pas tant. À son avis, avec 60 millions supplémentaires par année, le Canada serait bien placé pour affronter les défis de l'avenir.

À court terme, cet objectif est trop ambitieux et Baumann le sait bien. Mais il confirme l'opinion de Nathalie Lambert. Sans argent frais, les athlètes qui suivront les traces d'Erik Guay, Jennifer Heil, Alex Harvey et Marianne St-Gelais auront du mal à répéter leurs exploits.