Tapez les mots «sport» et «éthique» dans un moteur de recherche: des dizaines de liens pointeront vers des textes rappelant aux athlètes et aux entraîneurs - parfois même aux spectateurs - les notions de fair-play. En revanche, des principes destinés aux dirigeants sportifs sont quasi inexistants.

Ceux-ci jouent pourtant un rôle essentiel dans la carrière des athlètes et du personnel sous leur supervision. Leurs décisions, comme leurs omissions, déclenchent parfois une chaîne d'événements aux conséquences tragiques.

Voici deux cas où l'application de normes éthiques, pensées en fonction de l'univers particulier des administrateurs sportifs, aurait peut-être contribué à sauver des vies. Et un troisième cas où il n'est pas trop tard pour agir.

1- LA MORT DE NODAR KUMARITASHVILI - Onze mois avant le début des Jeux olympiques de Vancouver, John Furlong, le président du comité organisateur, exprime dans un courriel interne ses inquiétudes à propos de la rapidité excessive de la piste de luge. Un athlète pourrait «subir une blessure grave ou pis encore», écrit-il, dans ce document dévoilé par The Globe and Mail.

Le président de la Fédération internationale de luge (FIL) partage les craintes de Furlong et s'en ouvre aux responsables de la firme allemande ayant conçu la piste.

Le jour des cérémonies d'ouverture des Jeux, un jeune lugeur géorgien, Nodar Kumaritashvili, rate un virage lors d'une descente d'entraînement. Projeté contre un pilier, il meurt instantanément.

Jusqu'à la divulgation du courriel de Furlong, la famille olympique tenait le même discours: la mort de Kumaritashvili était accidentelle et les dirigeants ne pouvaient la prévenir.

Nous savons maintenant que le dossier est plus complexe. L'enquête du Globe met au jour les appréhensions de Furlong et de la FIL, tout comme les différends entre cette fédération et celle de bobsleigh, en désaccord sur les correctifs à apporter au tracé.

Lundi, Furlong a décliné toute responsabilité dans cette affaire. «Si les fédérations avaient voulu quelque chose de différent, elles nous l'auraient demandé. Notre boulot est de leur laisser prendre la décision. Nous ne possédons pas cette expertise technique», a-t-il dit au Globe.

Furlong avait plusieurs dossiers en tête à l'approche des Jeux olympiques: problèmes organisationnels, défis de financement, exigences du CIO... Il a sûrement vite évacué le danger de la piste de luge de son esprit. Jusqu'à la mort de Kumaritashvili.

Les responsables de la FIL, tout comme ceux de la Fédération de bobsleigh, sont aussi interpellés. L'établissement de records olympiques, avec le retentissement que cela confère au sport, était-il plus important que la sécurité des participants? La recherche de notoriété, et les avantages financiers en découlant, a-t-elle eu raison du jugement?

Les réponses à ces interrogations sont délicates. N'empêche qu'un constat s'impose: si les dirigeants sportifs étaient entraînés à intégrer des normes éthiques à leur processus décisionnel, le pire aurait peut-être été évité à Vancouver.

2- LA MORT DE DECLAN SULLIVAN - L'Université Notre Dame, en Indiana, le 27 octobre dernier. Malgré l'avertissement météo en vigueur, Brian Kelly, l'entraîneur des Fighting Irish, tient l'exercice de son équipe à l'extérieur.

Comme chaque jour, Declan Sullivan, un étudiant de 20 ans, s'installe au sommet d'un élévateur à ciseaux pour filmer l'action à l'intention du personnel d'entraîneurs. Le vent est terrible. Avant de monter, il publie ces mots sur Facebook: «Des rafales de 60 milles à l'heure. Ce sera l'fun à l'ouvrage. J'imagine que j'ai assez vécu.» Une fois juché au haut de l'appareil, il qualifie le vent de «terrorisant» dans un message Twitter.

Quelques instants plus tard, une violente bourrasque emporte la grue, qui se fracasse au sol. Declan Sullivan meurt sur le coup. Aux États-Unis, une controverse éclate: quelle est la part de responsabilité de Brian Kelly dans la mort du jeune homme? Doit-il démissionner ou être congédié? Après tout, dans les grandes universités américaines, l'entraîneur de l'équipe de football est roi et maître de toutes les activités de l'équipe.

Kelly est demeuré en poste. Son patron, le directeur sportif de Notre Dame, a attribué cette mort aux intempéries. Une minute de silence à la mémoire de Sullivan a été tenue avant le match suivant.

Comme dans le cas de Kumaritashvili, le rôle des dirigeants sportifs dans cette affaire est trouble. Fallait-il absolument capter sur vidéo cette séance d'entraînement? Declan Sullivan a-t-il craint de perdre son emploi s'il ne montait pas dans l'élévateur? Ou d'être la cible de moqueries dans l'univers super macho du football? Quels principes ont guidé les responsables de l'équipe ce jour-là? Ont-ils pensé à prévenir Sullivan du danger?

3- LA LNH ET LES COMMOTIONS CÉRÉBRALES - Dans le cadre du match des Étoiles, Gary Bettman a évoqué le problème des commotions cérébrales, un véritable fléau dans la LNH. Sans donner de chiffres, il a affirmé que des coups accidentels expliquaient en grande partie leur nombre élevé cette saison. Son ton trahissait une certaine préoccupation, mais peu d'urgence. Il a promis que son circuit continuerait d'examiner la question.

Pendant ce temps, la carrière de plusieurs joueurs se teinte d'incertitude. La saison de Marc Savard, des Bruins de Boston, est terminée. Le retour de Sidney Crosby est reporté, les Penguins de Pittsburgh reconnaissant que cette absence se prolonge plus longtemps que prévu.

Là aussi, la question se pose: au point de vue éthique, la LNH et l'Association des joueurs traitent-elles correctement ce dossier? La santé des joueurs, le plus précieux actif de ce sport, est en jeu. Il n'est pas trop tard pour agir mais le temps commence à filer.