Le col ouvert et l'air décontracté, Daniel Brière éclate de rire: «Moi? J'ai beau me sentir jeune et m'amuser, je suis passé de l'autre côté de la clôture. Je suis un vieux! Tiens, j'ai amené mes trois garçons ce week-end. Leurs nouvelles idoles sont Steve Stamkos, Patrick Kane et Jonathan Toews. C'est bon pour le hockey d'avoir de jeunes vedettes.»

Une heure avant le repêchage d'hier soir, les meilleurs joueurs de la Ligue nationale participent à un point de presse aussi anarchique que révélateur. Pendant que les journalistes jouent du coude pour poser leurs questions, eux s'amusent franchement. La nouvelle garde est représentée en force: Patrick Kane, Carey Price, P.K. Subban, Matt Duchene et combien d'autres...

Ils portent des complets bien coupés, aux agencements audacieux. Cela n'a rien d'étonnant. Dans le monde conservateur du hockey professionnel, leur originalité tranche et constitue leur fonds de commerce. En les regardant côte à côte sur la tribune, jamais la transformation de la Ligue nationale n'a paru si évidente. Leur conception du hockey est moderne et ils raffolent du jeu spectaculaire.

Le cadet du groupe s'appelle Jeff Skinner. L'attaquant des Hurricanes de la Caroline, âgé de 18 ans, est le plus jeune joueur à participer à un match des Étoiles dans les quatre grands sports professionnels nord-américains.

«Nous sommes la génération postlock-out, dit-il. Nous avons vu de nouvelles étoiles comme Sidney Crosby et Alexander Ovechkin s'imposer après le conflit de travail. Leur créativité nous a influencés. Les changements aux règlements adoptés à l'époque ont conduit à plus d'originalité sur la patinoire. Aujourd'hui, c'est amusant de voir autant de jeunes joueurs choisis pour le match des Étoiles.»

Le Canadien est bien représenté. Carey Price répond avec humour à plusieurs questions. Lorsqu'un journaliste lui demande s'il croit blanchir ses adversaires demain, il réplique simplement: «Les chances d'un blanchissage dans un match des Étoiles sont environ d'un milliard contre une!»

Après la saison difficile qu'il a connue l'an dernier, Price est manifestement heureux d'être à Raleigh. «Beaucoup de joueurs de la ligue donneraient beaucoup pour être ici...»

Les joueurs sélectionnés pour le match des Étoiles ont l'impression de faire partie d'un club sélect. Price, par exemple, est heureux de côtoyer Tim Thomas, le sympathique gardien des Bruins pour qui il éprouve une grande admiration. Durant le repêchage, les deux sont assis ensemble et discutent avec animation. «Tim est le gardien le plus athlétique que je connaisse, explique Price. J'aime jouer contre lui. Il réussit toujours deux ou trois arrêts spectaculaires...»

Plus loin, P.K. Subban savoure aussi son moment de gloire. Ce jeune homme charismatique réussit toujours à nous surprendre. La semaine dernière, entre deux périodes au Centre Bell, une vidéo était projetée sur l'écran. On demandait à quelques joueurs du Canadien quel événement ils iraient voir s'ils pouvaient utiliser une machine à remonter le temps. Réponse de Subban: «Un discours de Martin Luther King.»

Lorsque je lui demande d'élaborer sur le sujet, la réponse de Subban tombe d'un seul coup: «C'est un moment plutôt significatif dans l'histoire. Ses discours ont changé beaucoup de choses dans le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui. Toi, tu n'aimerais pas ça?»

Bien sûr, P.K., bien sûr...

Un jour, vous verrez, P.K. Subban sera capitaine du Canadien.

Si on devait nommer le leader de la génération postlock-out, Patrick Kane serait un candidat de choix. L'attaquant des Blackhawks de Chicago a joué un rôle de premier plan lorsque son équipe a remporté la Coupe Stanley au printemps dernier.

«Les jeunes joueurs commencent leur carrière de plus en plus tôt dans la Ligue nationale, dit-il. Moi, je pense que c'est formidable. On rêvait d'atteindre ce niveau et on apprécie ce qui nous arrive. Ça aide le hockey à se développer.»

Kane, à l'image de Jeff Skinner, évoque aussi l'impact du duo Crosby-Ovechkin après le lock-out pour expliquer la transformation de la Ligue nationale. Ce fut un moment charnière dans l'histoire du circuit, on s'en rend compte plus que jamais aujourd'hui.

Pour les vétérans, le changement de culture véhiculé par la nouvelle génération est parfois déstabilisant. On s'en rend bien compte chez le Canadien où la personnalité de P.K. Subban revient périodiquement à l'avant-plan de l'actualité. «Les jeunes n'ont pas peur de montrer leurs émotions, explique Martin St-Louis, du Lightning de Tampa Bay. On voit plus de célébrations flamboyantes qu'auparavant. Ce n'est pas mauvais pour le hockey. Mais parfois, ça entraîne des répercussions. Quand un gars célèbre un peu trop, ça peut provoquer des conséquences. Les autres ne l'oublient pas. Mais tout ça fait vendre les matchs. La friction entre les équipes suscite l'intérêt des amateurs.»

Eric Staal, le très éloquent capitaine des Hurricanes, est convaincu d'une chose: l'arrivée des Kane, Skinner et Subban permettra au hockey d'élargir son bassin de partisans. «Les jeunes joueurs assument leur personnalité sur la patinoire comme à l'extérieur. Ils attirent de nouveaux fans. Dans le sport professionnel, les personnalités fortes génèrent de l'attention. Le hockey en profitera.»

Comme n'importe quelle autre entreprise, la Ligue nationale doit se renouveler pour conserver sa popularité. L'arrivée de la génération postlock-out lui fournit des atouts formidables pour rendre son produit plus excitant. Souhaitons qu'elle saisisse l'occasion. Ces jeunes joueurs doués doivent exprimer leur talent et leur personnalité en toute liberté. Peu importe s'ils font parfois grincer des dents leurs coéquipiers plus âgés.