Le 1er décembre dernier, trois représentants des Oilers d'Edmonton ont fait un arrêt à Québec pour rencontrer Régis Labeaume. Leur objectif était d'en connaître plus long sur le projet de construction d'un nouvel amphithéâtre dans la Vieille Capitale et, au mieux, de s'en inspirer pour faire avancer leurs propres plans en ce sens. La déclaration fort publicisée du maire Labeaume, selon laquelle le financement du nouveau Colisée serait bouclé le 31 décembre, les avait manifestement intrigués.

Sept semaines plus tard, une conclusion s'impose: ce sont les gens de Québec qui auraient dû visiter Edmonton en mission d'observation. Pendant que le dossier du nouveau Colisée stagne, celui d'un nouvel aréna dans la capitale albertaine fait des bonds de géant. Cette semaine, le conseil municipal a donné le feu vert à l'ouverture de négociations officielles avec le groupe Katz, propriétaire des Oilers, et autorisé les changements de zonage nécessaires.

Cela dit, l'épineuse question du financement reste en suspens. Aucun chantier ne sera ouvert tant qu'un règlement ne sera pas trouvé. Les Oilers évaluent à 450 millions le coût de leur nouvel amphithéâtre, point d'ancrage d'un ambitieux plan de développement du centre-ville d'Edmonton. De nombreux obstacles se dressent devant les promoteurs du projet, mais sa concrétisation semble désormais possible. Le bail actuel des Oilers se termine en juin 2014 et l'équipe a indiqué qu'elle ne le renouvellerait pas. Cela ressemble à une menace de quitter Edmonton si un nouvel aréna n'est pas construit.

La manière dont les Oilers et la Ville d'Edmonton mènent ce dossier constitue un intéressant cas d'espèce. La transparence du processus permet un débat éclairé entre les défenseurs du projet et ses opposants.

De nombreux documents sont disponibles

Le site web de la Ville propose sur sa page d'accueil un lien clairement identifié vers une section où de nombreux documents sont disponibles: modèles de financement envisagés, dates des consultations publiques, ordre du jour des séances pertinentes du conseil municipal, résultats des enquêtes d'opinion...

Le maire de la ville, Stephen Mandel, appuie le projet. Le propriétaire des Oilers, Daryl Katz, s'est engagé à verser 100 millions des coûts de construction du nouvel amphithéâtre. En revanche, contrairement au projet de Québec, le gouvernement provincial a fermé la porte à toute contribution financière.

Pour boucler le budget, Edmonton envisage une taxe à l'usager, soit une prime de 5$ versée sur chaque billet vendu au nouvel aréna. Une autre partie de la facture serait assumée par les revenus d'impôts fonciers liés au développement commercial autour du nouvel amphithéâtre, dans une zone circonscrite.

Ces trois axes de revenus sont estimés à 350 millions. Edmonton doit trouver une centaine d'autres millions pour ficeler l'affaire.

Appui et assurances de la population

Un sondage commandé par la Ville d'Edmonton a démontré l'appui de la population au projet: 67 % estiment que le nouvel aréna peut être financé en partie par des fonds publics si les taxes foncières ne sont pas augmentées et que les autres dépenses en infrastructures sont maintenues; 68 % croient que le projet contribuera à dynamiser le centre-ville.

En revanche, les Edmontoniens exigent des assurances: près de 9 citoyens sur 10 exigent une consultation du public durant le processus, un accord sur le partage des risques financiers et des revenus entre le Groupe Katz et la Ville et un engagement des Oilers à demeurer à Edmonton à long terme.

La méfiance des gens d'Edmonton envers Daryl Katz, qui a fait fortune avec une chaîne de pharmacies, constitue le non-dit de l'affaire. Peter Pocklington, l'ancien propriétaire des Oilers, a laissé un souvenir amer dans cette ville. On estime qu'il a détruit la concession en laissant partir Wayne Gretzky et Mark Messier. Un groupe d'une trentaine d'investisseurs a racheté les Oilers à la fin des années 1990 avant de la vendre à Katz en 2008. Certains craignent que Katz ne devienne un nouveau Pocklington.

Milliardaire établi à Edmonton, Katz demeure une énigme pour ses concitoyens. Son idée de lier la construction du nouvel amphithéâtre à un développement commercial fait sourciller. Les plus critiques estiment que ce n'est pas à lui de dicter à la ville ses orientations. Cela crée de la tension.

Des pistes intéressantes

Peu importe la conclusion du dossier à Edmonton, il fournit des pistes intéressantes pour Québec. Un processus transparent, un agenda clair, des consultations publiques et des solutions acceptables de financement constituent des conditions nécessaires à la réussite du projet.

Plus important encore: la part du secteur privé. Le maire Labeaume ayant pratiquement fait une croix sur les Jeux olympiques d'hiver, il est plus que jamais nécessaire que le dossier du nouvel amphithéâtre soit mené conjointement avec celui du retour d'une équipe de la Ligue nationale de hockey.

Comme à Edmonton, l'éventuel propriétaire des futurs Nordiques, quel qu'il soit, devra participer de manière significative à la construction de l'édifice. Je parle ici de plusieurs dizaines de millions de dollars. Le véritable risque financier lié au retour des Nordiques ne se situe pas dans l'achat de la concession, toujours revendable, mais dans la construction du nouveau Colisée.