C'est avec trépidation que j'ai franchi les portes du Centre Bell hier midi, la première fois en plus de douze ans à titre de membre de la section des sports de La Presse. Je savais que les joueurs ne seraient plus les mêmes et que je croiserais de nouveaux visages partout dans l'édifice. J'avais hâte de voir comment les choses s'étaient transformées durant toutes ces années où j'ai contribué à la direction de notre salle de rédaction. Mais très vite, j'ai senti un parfum familier, reconnaissable entre tous: celui de l'inquiétude.

Lorsqu'une équipe glisse au classement comme le Canadien depuis deux semaines, d'inévitables questions surgissent. C'était vrai à l'époque de Jean Perron, Pat Burns et Jacques Demers, ce l'est tout autant sous le règne de Jacques Martin. L'entraîneur du Canadien fait face à un défi considérable: relancer ses joueurs avant qu'il ne soit trop tard. Et démontrer que le fabuleux printemps 2010, durant lequel Martin a conduit les siens à la demi-finale de la Coupe Stanley, constitue une fondation solide pour l'avenir. Hélas, si on se fie à l'histoire, les chances ne sont pas de son côté.

Depuis 1985, quatre entraîneurs ont dirigé l'équipe trois saisons ou plus: Perron, Burns, Demers et Alain Vigneault. Aucun d'eux n'a réussi à répéter en séries éliminatoires, la seule saison qui compte vraiment, les succès de sa première campagne derrière le banc.

Le Canadien de Perron a gagné la Coupe Stanley en 1986, mais n'a pas franchi la troisième ronde par la suite; l'équipe de Burns a atteint la finale de la Coupe Stanley en 1989, mais fut rapidement éliminée au cours des printemps suivants; le club surprise de Demers a goûté au champagne en 1993, mais le reste ne s'inscrit pas dans les livres d'histoire; quant à Vigneault, ses joueurs ont atteint la deuxième ronde en 1998 avant de rater les séries.

Comment expliquer cette incapacité à bâtir sur le succès pour atteindre de nouveaux plateaux ou, à tout le moins, ne pas régresser? Martin aura besoin de sa considérable expérience pour trouver réponse à cette question. Dans un premier temps, il doit s'assurer de la qualification de son équipe en vue des séries, une perspective soudainement incertaine. Après ses succès inattendus de l'an dernier, aucun adversaire ne prendra le Canadien à la légère. La suite s'annonce difficile.

Après la neuvième défaite du Canadien en 12 matchs hier, j'ai demandé à Martin ce qu'il pouvait personnellement faire pour éviter que ses joueurs cessent de croire en leurs moyens. Sans surprise, il a éludé la question. Je connais Martin depuis longtemps et les questions le forçant à parler de lui ou de sa philosophie d'entraîneur ne lui ont jamais plu. Par pudeur, sûrement, mais aussi par prudence. On peut si facilement trop parler dans ce métier.

«J'ai vu de bons signes au cours de nos trois dernières parties, s'est-il contenté de dire. On a limité les chances de marquer contre nous, notre jeu de puissance semble retrouver sa forme et on travaille bien en désavantage numérique. Si tu travailles de la bonne façon, tu vas gagner un bon pourcentage de tes matchs.»

Difficile de s'opposer à cette recette. N'empêche que les questions sont nombreuses. Carey Price joue-t-il trop souvent? Comment redonner des ailes à Michael Cammalleri? Scott Gomez connaîtra-t-il la deuxième moitié de saison espérée? Et, surtout, le passage à vide des derniers jours est-il un simple accident de parcours, inévitable au fil d'une longue saison? Ou donne-t-il plutôt la réelle mesure de l'équipe?

En cette période troublée pour le Canadien, on découvre néanmoins une belle surprise: James Wisniewski, le nouvel arrière dont la contribution offensive dépasse jusqu'ici les attentes.

Après le match d'hier, l'Américain de 26 ans était toujours subjugué par l'ambiance survoltée du Centre Bell. «L'énergie de la foule était très spéciale», a-t-il lancé, admiratif. À la fin de l'entrevue, Wisniewski a remercié les journalistes en français.

Après son échange au Canadien la semaine dernière, Wisniewski a reçu un coup de fil de son ami Justin Morneau, le premier-but vedette des Twins du Minnesota, de la Ligue américaine de baseball. Morneau, un Canadien originaire de la Colombie-Britannique, est aussi un passionné de hockey, un sport qu'il a longtemps pratiqué. C'est lui qui l'a sensibilisé à la réalité québécoise. «Je veux apprendre des mots de français, a ajouté Wisniewski. Le soir, à l'hôtel, j'écoute des chaînes de télé francophones.»

Wisniewski semble constituer une acquisition intéressante pour le Canadien. Mais il ne sauvera évidemment pas l'équipe à lui seul. Jacques Martin doit relancer son groupe au plus vite. Il a le coffre pour réussir. En ce début d'année 2011, les yeux sont tournés vers lui.

RDS: des ennuis

Au palmarès des plus grandes gaffes dans l'histoire de la télé américaine, un match de football occupe une place de choix. Le 17 novembre 1968, le réseau NBC a stoppé la retransmission d'un affrontement super excitant entre les Jets de New York et les Raiders d'Oakland avec 65 secondes à écouler.

Le réseau s'était engagé à diffuser à 19h un film pour enfants, Heidi, et il n'était pas question de rectifier le tir. C'est ainsi que des milliers de téléspectateurs en colère n'ont rien vu de cette sensationnelle fin de rencontre. Le ressac fut terrible, NBC essuyant une volée de bois vert!

RDS a connu son propre «Heidi Game» le 31 décembre, même si l'erreur fut technique plutôt qu'humaine. L'image et le son ont disparu au moment où commençait la période de prolongation entre le Canadien et les Panthers. Personne n'a vu en direct le but vainqueur de James Wisniewski. L'incident ne pouvait survenir à un pire moment. Dans des milliers de foyers, les gens étaient réunis à l'occasion du party traditionnel et regardaient le match du Canadien en vidant une coupe de mousseux.

«On vit dans un monde où la technique est prépondérante, explique Domenic Vannelli, vice-président à la production de RDS. On a connu des ennuis de transmission en début de match et le problème est réapparu à la fin de la troisième période. La compagnie américaine HTN, responsable de véhiculer le signal, est en cause. Pas notre régie à Montréal.»

Vannelli, vous l'aurez deviné, n'a pas passé une bonne veille du jour de l'An. Même si ses explications sont cohérentes, il n'en reste pas moins que RDS a fait mauvaise impression. En raison de sa position de dominance absolue en télévision sportive au Québec, ses fautes passent moins bien. Espérons que Vannelli et son équipe s'assureront auprès de leur fournisseur que pareille bévue ne se reproduira plus.

RDS fait souvent de la très bonne télévision. Un peu de concurrence ne lui ferait cependant pas de tort. Souhaitons que les projets de chaîne sportive de TVA et Radio-Canada progressent en 2011.