Fascinante enquête de ma collègue Émilie Bilodeau, l’autre jour dans La Presse, sur un stratagème de vente pyramidale dans le bout de Sutton. Sa première phrase disait tout : « Un cercle peut-il cacher une pyramide ? »

Vous connaissez le principe de la vente pyramidale, ou système de Ponzi : il s’agit de recruter des « membres » qui paient un droit d’entrée dans le groupe. C’est ce qui paie les membres actuels…

C’est aussi, et surtout, une fraude.

Parce que, tôt ou tard, la pyramide s’écroule. On manque de nouveaux membres. Ceux qui encaissent sont ceux qui ont parti le stratagème. Les autres ? Les autres vont sécher…

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« Pourquoi les gens paient-ils 1000 $ ou 2000 $ dans l’espoir de récolter 8000 $, même si c’est une proposition trop belle pour être vraie ? », écrit Patrick Lagacé.

Mais si la pyramide n’est pas une pyramide, disons… Si la pyramide (illégale) est plutôt un cercle (vertueux), un cercle de dons qui réalise les rêves des participantes (la pyramide de Sutton est animée par des femmes et vise des femmes)…

Et si la couverture de ce cercle de dons, parce que le stratagème éventé par la journaliste de La Presse se présente comme ça, un « cercle de dons », est d’être un réseau de soutien affectif où on trouve de tout, notamment de l’empathie et de l’amitié ?

Ça ne change rien. C’est quand même une crosse, c’est quand même une illusion ; le cercle est quand même cette bonne vieille pyramide de type Ponzi…

J’ai parlé à trois personnes qui ont été invitées à participer à ce cercle de dons – dont une version similaire a attiré l’attention de la Gendarmerie royale du Canada en 2018 en Colombie-Britannique – et qui ont décliné…

Quand on les écoute, ce qui est fascinant, c’est ça, c’est le vernis d’acceptabilité sociale qui recouvre le stratagème de vente pyramidale de Sutton. C’est la promesse de trouver là des ami(e)s, de l’empathie, du soutien…

Et bien des gens y croient, y croient pour vrai, me dit-on. Des gens de bonne foi. C’est justement le génie de cette enfirouapade-là, ce vernis de fraude qui se déguise en aidante naturelle. La perversité est terrible : dans l’expression « appât du gain », ici, l’appât est la promesse d’amitié, de soutien affectif.

Pourquoi les gens paient-ils 1000 $ ou 2000 $ dans l’espoir de récolter 8000 $, même si c’est une proposition trop belle pour être vraie ?

Grosso modo, ça me semble évident : beaucoup de gens sont financièrement pris à la gorge. La vie coûte cher, il y a des factures à payer, des gâteries que le voisin se paie et dont on rêve.

Et, là, un « cercle » vous promet de transformer 1000 $ en 8000 $, tout en vous disant que vous êtes belle et fine, beau et fin…

C’est assez pour tenter sa chance.

Dans le cas de Sutton, la prédation est créative : elle cible les failles de l’âme, elle tire profit de cet irrépressible besoin de tisser des liens, de briser l’isolement, d’être entendue, appréciée, soutenue… Aimée.

Autant de choses qui sont, si on est chanceux, gratuites.

La chance est inégalement répartie, comme on le sait.

Ça donne des gens qui voient un cercle là où il y a une pyramide.

Jean-Louis de Gonzague Courteau

La semaine passée, je vous racontais l’histoire de ces jeunes Français qui se font une mission d’honorer les vétérans canadiens qui ont combattu dans la Seconde Guerre mondiale, en particulier ceux qui sont débarqués en Normandie, en 1944.

Les jeunes de l’association Westlake Brothers Souvenir ont lu 17 000 noms de soldats canadiens morts pendant l’effort de guerre, à la base de Saint-Hubert. J’ai nommé quelques-uns de ces noms, une dizaine, à peine.

Courriel de Mme Louise Courteau, de Trois-Rivières : « Votre chronique me réservait tout un choc, parmi les noms que vous avez insérés dans votre chronique, voilà que j’ai sous les yeux celui de mon père, Jean-Louis de Gonzague Courteau. Ce père que je n’ai pas connu puisqu’il est mort avant ma naissance… »

Le 1er novembre 1943, Jean-Louis de Gonzague Courteau terminait sa formation de pilote-instructeur quand son appareil a eu des ennuis mécaniques au-dessus de Saint-Léon-le-Grand, en Mauricie. M. de Gonzague Courteau et son apprenti sont morts sur le coup, quand l’avion s’est écrasé dans un ravin, au bout d’un champ. Mme Courteau est née quelques mois plus tard.

Incroyable, mais vrai : Mme Courteau a pu rencontrer il y a quelques années un témoin de l’écrasement, une femme qui était enfant le 1er novembre 1943 et qui lui a raconté le crash.

Elle me racontait ça au téléphone, et j’en avais des frissons…

Sa mère, Blanche Courteau, ne parlait jamais de son défunt mari, de ce père que Louise n’a jamais connu, mais qu’elle n’a jamais oublié : « Elle a continué sa vie, et la mienne, avec courage et détermination, sa peine bien dissimulée dans la brisure de son cœur… »

La semaine passée, après cette chronique, Louise Courteau a pu rencontrer la bande de jeunes Français, près de Shawinigan.

Cette rencontre lui a fait grand bien ; il y a des brisures du cœur qui ne se réparent jamais tout à fait, parfois même des brisures avec lesquelles on naît.

Marie-Ginette

Dans ma chronique de mercredi sur le texto au volant, j’ai inventé un prénom, Marie-Ginette, comme dans « Un texto de Marie-Ginette, votre crush du bureau, qui accepte votre invitation à jouer au Monopoly, vendredi prochain ? Squish, squish, squish, grosses décharges de dopamine… »

J’ai inventé ce prénom en me disant que c’est un prénom improbable, pour ne pas dire impossible, que « Marie-Ginette » n’incrimine personne puisque, justement, c’est un prénom quasiment impossible…

Évidemment, le soir de la publication, j’ai reçu un message d’une Marie Ginette (sans trait d’union) qui me disait avoir dû expliquer à plein de monde qu’elle ne me connaît pas et qu’elle ne savait pas comment son nom s’était retrouvé dans ma chronique…

Prochaine fois que je vais inventer un prénom, je vais me jouer ça safe, quelque chose de vraiment, vraiment, vraiment impossible comme « Hughette-Lune », « Roberte-Jade » ou alors, tiens, « Rose-Aimée Automne »…

Donc, à tous les amis de Marie Ginette Lepage : c’est bel et bien un hasard si elle s’est retrouvée dans cette chronique et, non, elle n’a pas été invitée à jouer au Monopoly chez un collègue de travail. Enfin, pas à ma connaissance !