« Nous avons toujours eu des armes. Il y a toujours eu le Mal. Mais quand je vois ces épidémies de tueries, je me demande ce qui a changé… Et je vois une industrie, les jeux vidéo, qui enseigne aux jeunes gens à tuer. »

Dan Patrick est le lieutenant-gouverneur de l’État du Texas, où un fêlé obsédé par l’immigration a tué 20 personnes dans un Walmart d’El Paso.

Et pour M. Patrick, un républicain, il faut que le gouvernement fédéral se penche sur le rôle des jeux vidéo dans les tueries de masse aux États-Unis.

Autre citation de son entrevue chez Fox, hier matin, 24 heures après le massacre d’El Paso, quelques heures après celui de Dayton, en Ohio : « Nous sommes dimanche, la moitié des gens qui regardent votre émission s’apprêtent à aller à l’église. Et on ne permettra pas à nos enfants de faire une prière demain, à l’école… Il y a plusieurs facteurs qui expliquent ces fusillades. »

Oui, hein, si seulement la jeunesse priait davantage, peut-être aurait-elle moins le goût de tuer son prochain ?

Les propos de Dan Patrick sont intéressants, car ils illustrent à quel point les politiciens américains du camp républicain sont aveugles et sans scrupules quand ils doivent expliquer la fréquence hallucinante des massacres de masse aux États-Unis.

Par exemple, le gouverneur du Texas Greg Abbott n’a rien dit sur l’accès facile aux armes de destruction massive comme l’AR-15 utilisé par le loser d’El Paso. Mais il a dit ceci : « La santé mentale est un facteur important dans tout type de violence, et les violences par fusillade. »

Évidemment qu’il faut être malade pour entrer dans un Walmart et commencer à tirer dans le tas !

Mais le supposé lien entre les tueurs de masse et leur supposée intoxication par jeux vidéo, aussi vieux que la généralisation des jeux vidéo, a été maintes fois invalidé. Quant à l’accès aux soins de santé mentale, c’est un problème largement répandu en Occident.

Pourtant, les Canadiens, les Français, les Britanniques, les Allemands, les Danois, les Néerlandais, les Australiens ou alors les Néo-Zélandais sont remarquablement peu nombreux à entrer dans des lieux publics pour abattre au hasard leurs concitoyens par dizaines.

Et quand ça se produit, comme en Norvège (2011) ou en Nouvelle-Zélande (2019), c’est une aberration statistique, c’est l’exception exceptionnelle qui confirme la règle d’une société généralement épargnée par des massacres à l’arme de guerre.

La différence américaine, c’est bien sûr l’évidence que des millénaires de prières de M. Dan Patrick ne pourront pas changer, la différence c’est que hors des États-Unis, les pays démocratiques ne permettent pas à leurs concitoyens de s’acheter facilement des AR-15 ou d’autres types d’armes du genre.

Donc, dans les massacres américains, il y a ça, il y a la prolifération des armes dans un pays qui permet aux fous d’acheter des armes, no questions asked.

Mais depuis quelque temps, il y a autre chose : il y a des tireurs intoxiqués aux mythes anti-immigration colportés par l’extrême droite, une extrême droite qui n’est pas dénoncée avec vigueur par les républicains, Donald Trump en tête. Au contraire, le président est une idole de l’extrême droite moderne. 

Le fou l’a dit en toutes lettres, sur l’internet, sur le site 8Chan : il craint que les Blancs ne soient visés par un complot du « grand remplacement » par des populations immigrantes. Il a donc visé le Walmart d’une communauté fortement hispanophone.

En cela, le tueur d’El Paso ne diffère pas d’autres paranoïaques qui ont annoncé sur 8Chan (jeu de mots qui, prononcé à voix haute, signifie « canal de haine ») leur intention d’aller tuer des gens de groupes perçus comme une menace à leur identité de Blancs.

Le tueur de la mosquée de Christchurch avait annoncé ses intentions sur 8Chan, de même que le tueur de la synagogue de San Diego (en avril).

Mais 8Chan ou pas, le massacre d’El Paso est la manifestation d’une tendance qui inquiète les services de sécurité et de renseignement aux États-Unis et ailleurs : le passage à l’acte de Blancs radicalisés par les discours qui diabolisent l’immigration à grands coups de théories du complot et de faussetés.

Ces fous-là sont convaincus que le « grand remplacement » est en cours. Ils inquiètent les agences de renseignement parce que leur potentiel de violence est immense. Et les plus fous d’entre eux passent à l’acte, convaincus que la race blanche est menacée par un génocide ourdi par les multiculturalistes (et leur fidèle allié, le Juif, le Juif n’étant jamais loin des griefs des fous, depuis des centaines d’années)…

Dans le rayon des massacres à petite échelle, mais distillés de façon régulière, les loups solitaires djihadistes ont ouvert la voie aux loups solitaires suprémacistes blancs. Les deux groupes se radicalisent en ligne, y trouvent les « meilleures » façons de tuer ceux qui sont jugés impurs.

Depuis 2001, nous avons consacré d’immenses ressources à détecter, combattre et neutraliser les fous d’Allah qui voulaient tuer des infidèles. Avec raison.

Mais il est plus que temps de commencer à détecter, combattre, harceler et neutraliser les fous qui prêchent la haine des « étrangers » pour « sauver » la race blanche.

Ces fous-là, comme les fous d’Allah, comptent dans leurs rangs des perdants tout aussi décidés à rendre le monde plus pur.

On devrait avoir peur d’eux, même s’ils portent « nos » patronymes, même s’ils émanent de « nous ». Un meurtre est un meurtre, un massacre est un massacre. Les suprémacistes blancs comme le fou d’El Paso peuvent faire des ravages partout. Voir le massacre de la mosquée de Québec.

Après 20 ans à se soucier du fanatisme meurtrier commis au nom de l’islam, une autre folie gronde. C’est celle des paranoïaques qui ont mal à leur race, blanche.

Et là-dessus, sur la répression de la pensée et de l’action fanatique d’extrême droite, comme le rapportait Vice récemment, la police au Canada est en retard. Il est temps qu’elle se réveille.