Le rapport de la Commission sur les soins de fin de vie présidée par Michel A. Bureau, déposé la semaine passée, était attendu parce qu'il promettait de donner un état des lieux complet, plus de trois ans après l'entrée en vigueur de l'aide médicale à mourir (AMM).

On sait désormais que 1632 personnes ont reçu l'aide médicale à mourir au Québec entre le 10 décembre 2015 et le 31 mars 2018, ce qui représente une infime partie des Québécois qui auraient pu demander ce soin de fin de vie.

Aux fins de comparaison, pendant la même période, 142 622 Québécois avaient eu accès à des soins palliatifs de fin de vie. C'est donc dire que l'immense majorité des Québécois qui auraient pu demander l'aide médicale à mourir a choisi de ne pas le faire. Ce n'est pas surprenant et cela est synchro avec ce qu'on voit ailleurs : la plupart des malades veulent aller jusqu'au bout de la vie.

Bref, j'aimerais faire un aparté : le danger de la « pente glissante » qu'ont brandi les Bonhommes Sept Heures qui maudissaient l'aide médicale à mourir pendant les années où nous en avons débattu ne s'est pas concrétisé. Il n'y a pas eu d'épidémie de demandes d'aide médicale à mourir, comme les opposants le prédisaient de façon totalement hystérique. Fin de l'aparté...

On constate dans ce rapport qu'il existe des obstacles importants à l'aide médicale à mourir, à cause de barrières qu'on ne peut imputer qu'au système. Manque de médecins pour prodiguer ce soin, confusion sur les critères d'admissibilité, flou entre les juridictions provinciale et fédérale : il est possible que vous demandiez l'aide médicale à mourir et que vous ne la receviez pas alors que vous y avez droit.

C'est tragique, bien sûr, et ça crée des situations dramatiques qui sont le contraire d'une mort paisible.

Mais il ne faut pas oublier que ce soin est une révolution en soi, une avancée qui bouleverse autant les mentalités que les inévitables petites cases bureaucratiques qui régissent le « continuum de soins » du système de santé.

Le système, lentement mais sûrement, s'adapte à la nouvelle réalité de l'aide médicale à mourir. Il y aura donc des pépins dans cette période de transition.

Pour faciliter l'accès à l'aide médicale à mourir, la Commission propose donc un guichet unique dans chaque établissement, un endroit où les personnes pourront être entendues si elles ont de la difficulté à obtenir l'aide médicale à mourir. Pour aider les médecins à y voir clair, la Commission propose aussi la création d'un service-conseil centralisé, pour répondre à leurs questions. Tout cela est pertinent. Espérons que le temps fera son oeuvre et limitera les entraves à l'AMM, qui demeure... un droit.

Un autre aspect du rapport de la Commission sur les soins de fin de vie, moins spectaculaire, s'attarde aussi à l'accès aux soins palliatifs de fin de vie (SPFV). Ça fait des années que les soins palliatifs font partie du continuum des soins de vie dans le système. Il est donc assez consternant de constater à la lecture du rapport du Dr Bureau que l'offre en soins palliatifs est encore comme un fromage gruyère : pleine de trous.

D'abord, la Commission note qu'il y a une difficulté de base, celle d'obtenir des données fiables sur l'accès aux soins palliatifs, au Québec. On lit ça, on lève un sourcil, mais ça ne devrait étonner personne : le Québec est un cancre au Canada en matière de statistiques. J'ai écrit quelques fois sur ce problème plus grave qu'il n'y paraît : comment améliorer ce qu'on ne sait même pas mesurer ?

Ensuite, note le rapport, on attend encore trop longtemps avant d'admettre un patient aux soins palliatifs : « L'admission en unité ou en maison de soins palliatifs est souvent tardive peu de temps avant le décès, empêchant ainsi les personnes en fin de vie de bénéficier d'une approche palliative au moment opportun. »

Là-dessus, le système a bien sûr sa responsabilité : le rapport constate une « méconnaissance » des soins palliatifs de fin de vie au sein même des artisans du réseau, ce qui est un peu choquant.

Mais les citoyens ont aussi la responsabilité de discuter de la mort, de leur mort. Je vous ai parlé jadis de ce problème : repousser à la dernière seconde son entrée aux soins palliatifs, par peur du mot « mort » ou du mot « palliatif », c'est créer les conditions pour mourir dans le chaos aux soins intensifs. Il vaut mieux en parler aux soignants plus tôt que tard.

> Relisez la chronique de Patrick Lagacé à ce sujet

Mais le système doit aider le citoyen à faire face à la mort. Le rapport de la commission Bureau aborde les Directives médicales anticipées (DMA), dans lesquelles on peut consigner dans un registre ses volontés quant aux soins auxquels on consent - ou pas - si on n'est pas en mesure de les exprimer. Ça évite par exemple l'acharnement thérapeutique.

Or, à peine 0,5 % des adultes québécois ont soumis leurs DMA au registre québécois. En conséquence, il n'est que très peu consulté par les professionnels du réseau... Il faut publiciser l'existence même des DMA, conclut le rapport.

Une des choses à retenir du rapport de la Commission sur les soins de fin de vie n'y est pas écrite en toutes lettres, mais on le devine entre les lignes...

Il y a encore trop de gens qui meurent mal, au Québec.

La mort d'Athéna Gervais

J'ai écrit sur la mort d'Athéna Gervais, la semaine dernière, dans la foulée du rapport du coroner.

Plusieurs personnes m'ont écrit pour me dire que c'était donc bien épouvantable que les amis d'Athéna l'aient laissée seule derrière l'école, après qu'ils eurent consommé de l'alcool, et Athéna plus que les autres, à l'heure du dîner...

Après la mort d'Athéna, cette version des faits avait en effet circulé : les amis d'Athéna l'avaient supposément laissée étendue au sol, ivre, avant de rentrer dans la polyvalente pour la reprise des classes.

Le rapport du coroner a rectifié les faits : tout le groupe, incluant Athéna, est rentré dans l'école. Athéna a quitté l'édifice de son propre chef, peu après la reprise des classes.

Elle est alors tombée dans le ruisseau avec les conséquences que l'on sait.