Je veux bien me joindre à la troupe de meneurs et de meneuses de claque qui crient leur bonheur parce que la Coupe du monde de soccer 2026 débarque au Canada et (peut-être) à Montréal, mais je vais attendre un peu avant de sortir mes pompons.

Je vais attendre de savoir combien ça coûte.

Avant même que la Fédération internationale de football association (FIFA) n'ait sélectionné la candidature à trois têtes du Mexique, des États-Unis et du Canada pour l'organisation du tournoi sportif le plus médiatisé du monde, Vancouver, Chicago et Minneapolis se sont désistées de l'organisation éventuelle des matchs chez elles.

Motif ?

La FIFA entretient trop de flou dans les responsabilités financières de villes-hôtes et est inflexible dans les négociations sur les paramètres qu'elle impose à ces villes.

La déclaration de la ministre du Tourisme de Colombie-Britannique rejoignait en ce sens les justifications de Chicago et de Minneapolis : « Nous ne pouvons pas accepter des conditions qui forceraient les Britanno-Colombiens à éponger des coûts immenses et imprévisibles », a déclaré Lisa Beare, à la mi-mars, en annonçant que Vancouver déclinait à l'avance l'invitation à se lancer sur le terrain en 2026.

Pire : le gouvernement de la Colombie-Britannique a demandé au comité tripartite pilotant la candidature nord-américaine quels étaient les « risques et obligations » qui attendaient les contribuables de la province, si Vancouver accueillait des matchs au stade BC Place. « Mais le comité a rejeté nos demandes », a expliqué la ministre.

La semaine dernière, j'ai posé des questions au gouvernement du Québec et à la Ville de Montréal, pour avoir une idée du coût de l'organisation éventuelle de quelques matchs de la Coupe 2026 au Stade olympique.

Que ce soit au bureau de la mairesse Plante, aux cabinets des ministres Proulx (Éducation, Loisir et Sport) ou Julie Boulet (Tourisme), j'ai eu cette réponse : on ne sait pas.

Ce qui circule, c'est une facture de 300 millions pour la présentation de matchs au Canada. Je rappelle qu'on parle d'un potentiel de dix matchs au pays.

Comment le fédéral, les provinces et les villes vont-ils se séparer la facture ? Le flou est total, ou presque.

Je cite un porte-parole de Valérie Plante : « Tout le monde s'engage, mais on ne sait pas encore combien ça va coûter. »

C'est ce que la Colombie-Britannique, Chicago et Minneapolis ont refusé de faire : s'engager sans savoir ce que ça allait coûter.

Permettez que je soulève une autre zone d'ombre : les exigences stupéfiantes imposées au comité organisateur par la FIFA. Deux journalistes de Vancouver ont publié (dans The Province et The Breaker) le cahier de charges de la FIFA. Je cite : 

Congé de taxes pour la FIFA dans le(s) pays-hôte(s), notamment sur les profits engrangés pendant la Coupe du monde (la FIFA a fait 2 milliards de profits au Mondial brésilien de 2014) ; importation et exportation, sans restrictions ni taxes, de sommes illimitées en devises étrangères, entre la Suisse et le(s) pays-hôte(s) ; pleine latitude pour la FIFA afin de changer unilatéralement les termes de l'entente signée avec le(s) pays-hôte(s).

> Lisez l'article de The Province (en anglais)

> Lisez l'article de The Breaker (en anglais)

En Colombie-Britannique, ce cahier de charges de la FIFA a été largement diffusé. Il a été cité à titre d'exemple par le gouvernement et les médias pour montrer qu'un deal avec la FIFA pour accueillir des matchs de la Coupe du monde 2026 revient à donner à cette organisation un chèque en blanc.

J'ai demandé aux cabinets politiques à Québec et à Montréal s'ils avaient entendu parler des exigences de la FIFA, pour le privilège d'accueillir des matchs en 2026.

Réponse : criquets, silence radio, vide intersidéral.

Personne ne semblait savoir de quoi je parlais, jeudi dernier. Un lien vers le Host City Agreement de la FIFA pour 2026 se trouve à la fin de cette chronique, pour les élus que ça intéresse.

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Donc, juré craché, je veux bien faire la vague, moi aussi, et me réjouir de la possible venue à Montréal de quelques matchs de la Coupe du monde.

Je veux bien m'attendrir sur l'incroyable effet d'entraînement que la Coupe du monde 2026 aura sur le talent footballistique canadien.

Je veux bien faire semblant que ce serait une « vitrine » tout aussi incroyable pour Montréal à l'échelle planétaire.

Et que cette vitrine poussera un nombre incalculable de fans uruguayens, albanais et néo-zélandais à booker leurs prochaines vacances à Montréal, en apercevant le mât du Stade lors de la télédiffusion du match Togo-Japon en juillet 2026.

Mais si ce n'est pas trop demander, avant de sortir mes pompons, j'aimerais que nos élus sortent une estimation des coûts liés à la présentation de ces matchs de sport professionnel, au Stade.

> Lisez le Host City Agreement de la FIFA pour 2026 (en anglais)