Des fois, j'écris un truc et je sais que tu vas grincer des dents, ami lecteur de La Presse. Des fois, non, je suis complètement surpris par ta colère...

Ainsi, lundi, j'ai écrit quelques lignes qui m'apparaissaient inoffensives dans cette chronique sur la victoire de Valérie Plante, mais qui ont suscité le courroux d'un tas de lecteurs, 79 mots qu'ils n'ont pas digérés. Je me cite :

« Pour les non-Montréalais, bien sûr que ça complique un peu les choses. Ça les emmerde, je comprends. Mais je ne sympathise pas du tout...

« Parce que cette saillie de trottoir contre laquelle tu pestes, ami banlieusard, cette saillie de trottoir qui t'enlève un spot de stationnement devant ton troquet préféré, eh bien, cette saillie de trottoir est à mes yeux un aménagement intelligent qui protège mieux mon fils de 12 ans quand il traverse la rue, dans MON quartier. »

Sylvie G. m'a parlé d'une « attaque sur le banlieusard », Michel B. me demande s'il « faut un passeport pour franchir les frontières de TON quartier », Louise P. y voit une « cheap shot », Maxime C., du « mépris » et Michel Lapierre, lui, me dit poétiquement d'aller me « faire foutre », ce qui ma foi est une suggestion intéressante, mais c'est une activité que je réserve aux samedis soirs, et préférablement après une victoire du CH...

Bref, les gros mots, comme si j'avais dit que leur grand-maman était laide. (Ce n'est pas vrai, par ailleurs, toutes les grands-mamans sont belles, particulièrement celles des banlieusards...)

Il arrive que je me relise et que je me dise : bon, j'aurais pu écrire ça autrement. Et des fois, je le fais, et je vous dis : désolé, j'aurais pu écrire ça autrement...

Pas ce coup-là.

Parce que je n'ai pas pourfendu en vrac le banlieusard en tant qu'espèce envahissante, j'ai pourfendu ce banlieusard en particulier qui peste contre des aménagements qui l'irritent pendant les 30 secondes ou 90 minutes qu'il passe de temps en temps dans mon quartier...

Aménagements que les gens du quartier apprécient, by the way.

Je parlais des saillies de trottoir, qui forment des entonnoirs aux intersections, pour protéger les piétons. J'aurais pu parler d'une rue transformée en sens unique pour juguler la circulation de transit. Ou d'une rue - comme Laurier - réduite à une voie pour créer deux bandes cyclables...

Tu es banlieusard et tu aimes venir chercher une baguette de pain chez le boulanger montréalais que tu fréquentais avant de déménager à Chambly, cette baguette qui goûte bon la nostalgie ?

Ben... viens !

Si tu n'es pas ce banlieusard qui sacre parce qu'il ne peut plus emprunter la rue De Lanaudière de Rachel à Saint-Grégoire pour éviter le bouchon dans la rue Saint-Denis en retournant à Laval, eh bien, les 79 mots litigieux de ma chronique ne s'adressaient pas à toi.

Et si tu es celle qui chiale contre les saillies de trottoir, ben... viens quand même : je n'ai pas le pouvoir de te faire interdire de territoire, quoique je pense en glisser un mot à Luc Ferrandez au prochain meeting du Soviet Plateau...

Je dis juste que je suis tanné d'entendre des gens qui ne vivent pas dans les quartiers gérés par Projet Montréal décrire ces quartiers comme étant l'enfer sur Terre, je suis tanné du cliché du Mon-Dieu-On-Peut-Pu-Circuler-À-Montréal...

C'est en partie vrai et c'est souvent la faute de chantiers de réfection de routes qui doivent être réparées d'urgence. Cela fut négligé pendant des années.

C'est aussi la faute, ne l'oublions pas, d'un parc automobile qui grandit chaque année un peu plus. À ce sujet, il est bon de rappeler cette vieille vérité, qui n'est pas de moi, dont je n'ai pas trouvé la source : vous n'êtes pas pris dans la circulation : vous ÊTES la circulation...

C'est pas juste la faute des saillies de trottoir, je dirais même que ce n'est pas leur faute du tout.

LES ÉDITOS

« Ouin, Pat, tu devais être content de voir que ton journal a appuyé Coderre... »

J'ai entendu ça 20 fois sur tous les tons possibles de sarcasme après la prise de position officielle de La Presse en faveur de Denis Coderre, en éditorial, à quelques jours des élections...

Le Devoir a fait de même. The Gazette aussi.

J'ai critiqué Denis Coderre à de multiples reprises depuis deux ans. Depuis deux mois, encore plus : à la mesure de ses cachotteries. Or, savez-vous combien de fois mes patrons m'ont demandé d'être plus équilibré, de mettre la pédale douce, de parler un peu de ses bons côtés, parce qu'il a (avait) de bons côtés, le maire ?

Zéro.

Donc, réponse : non, ça ne m'a pas dérangé une seconde.

Ça m'aurait dérangé si Vincent Brousseau-Pouliot et Katia Gagnon n'avaient pas pu publier leur formidable enquête sur les liens tissés serré entre evenko et Denis Coderre, des liens qui posent des questions dérangeantes sur la privatisation de l'espace public.

Ça m'aurait dérangé si je n'avais pas pu écrire, en ces mots, que Denis Coderre a un problème avec la vérité.

Ça m'aurait dérangé si la vision de l'éditorial avait eu une quelconque influence sur le travail des journalistes de la salle de rédaction. Ce n'est pas le cas. Ce n'est jamais le cas.

Alors l'édito avait droit à son opinion sur le maire, une opinion qui, je vous le rappelle, rejoignait celle de 158 600 Montréalais qui pensaient, eux aussi, que Denis Coderre méritait quatre années de plus.

C'est seulement 19 000 de moins que ceux qui ont voté pour Valérie Plante. Cet édito n'était pas déconnecté du réel.