Alain (Gravel) ! Éric (Thibault) ! Denis (Lessard) ! Marie-Maude (Denis) ! Isabelle (Richer) !

Enchanté, moi, c'est Affaire. Comme dans Affaire Lagacé. Je me suis trouvé un nouveau prénom, cette semaine.

Bienvenue, donc. Oui, bienvenue dans le Club des Journalistes espionnés ! Le local ne paie pas de mine, comme vous le voyez, mais c'est chaleureux !

Il y a de la bière dans le frigo (achetez-en de temps en temps), le mot de passe du WiFi est sur le routeur et le divan est un peu miteux, mais au moins on a le câble : RDI, LCN, TVA Sports, RDS, Canal Vie...

Pour le téléphone, avant de faire un interurbain, faites le 9 et...

C'est une blague, je n'ai pas fait installer le téléphone.

On ne sait jamais, hein ?

Blague à part, je suis content de vous recevoir. Je me sentais un peu seul, ici...

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Je l'ai dit toute la semaine : je suis sûr que je ne suis pas le seul à avoir été espionné par la police.

Je pensais surtout au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), dont les réponses au sujet de l'espionnage d'autres journalistes ont été on ne peut plus évasives...

Et là, hier, paf, on a su le résultat des vérifications internes faites par la Sûreté du Québec (SQ) dans la foulée des révélations de La Presse : en 2013, six journalistes ont fait l'objet de mesures que Nixon à son plus parano n'aurait pas reniées.

Six. Et pas les moindres : le chef de bureau de La Presse à Québec, les deux têtes d'affiche de l'émission Enquête de l'époque, un journaliste d'enquête du JdeM, une star du journalisme judiciaire radio-canadien. Juste ça !

Six journalistes dont on a espionné les appels entrants et sortants, dans la foulée des révélations de Félix Séguin et d'Andrew McIntosh de TVA/Journal de Montréal, qui ont révélé le capotage scandaleux de Diligence II.

Je ne referai pas l'histoire de Diligence II. D'abord, j'aurais l'impression de me répéter encore, encore et encore.

Et puis Yves Boisvert, dans sa chronique du jour, en fait un superbe résumé, en esquintant Stéphane Bergeron, du PQ, ministre de la Sécurité publique de l'époque, qui le mérite amplement.

Mais Diligence est un cas d'école sur les dérives d'une police politique. On vient d'en constater un autre exemple, avec cet espionnage à l'échelle industrielle des journalistes...

Non, permettez que je fasse des liens entre les plus hauts échelons du SPVM et la SQ.

Chacun, à sa façon, semble être un nid d'intrigues politiques. Au SPVM, quand un directeur quitte son poste, s'engage inévitablement une campagne électorale aussi silencieuse que criarde, où à peu près tous les coups sont permis.

Je vous jure, ces courses à la direction sont l'équivalent « constabulaire » de Game of Thrones.

On fait circuler des rumeurs. On salit. On tente de « couler » aux journalistes des informations que l'on pense compromettantes, par exemple, sur l'un ou alors sur l'autre. Chacun tente de se positionner, avec sa garde rapprochée, pour gagner le siège du directeur...

Après ces campagnes électorales, le plus souvent, il faut beaucoup de temps pour nettoyer le sang. Les équipes « perdantes » voient leurs membres exilés dans quelque corps de police de banlieue, ou alors ils sont tablettés dans le SPVM...

Mettez dans l'équation un nouveau maire omnipotent qui politise l'information dans toute son administration, ledit maire qui choisit le chef de police et... Et ça fait beaucoup, beaucoup de politique dans la police de Montréal.

À la SQ, c'est House of Cards. Il y a des fonds secrets qui mènent à des enquêtes criminelles contre d'anciens officiers, des directeurs sans sécurité d'emploi qui se font sacrer dehors quand un nouveau parti arrive au pouvoir... Il y a des policiers qui se sentent obligés de « protéger » le pouvoir, par exemple en l'avertissant qu'une enquête est en cours sur des personnages bien en vue... Il y a, pendant des années, absence totale d'enquêtes sur la corruption à quelque échelle que ce soit, dans la sphère politique... Un ministre pense que c'est sa job de demander à la police « kesséça ? » quand un leader syndical rouspète, plutôt que de diriger ledit leader vers le poste de police le plus proche...

Ça fait, encore là, beaucoup, beaucoup de politique dans la police provinciale.

On ne me sortira pas de la tête que la pression politique, subtile ou pas, pousse la police à commettre des gestes stupides.

Comme tout ce qui sort depuis lundi.

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Le Club des Journalistes espionnés a donc pignon sur rue. J'annonce par la présente que Fabrice, Monic et Félix sont pour l'instant membres stagiaires. Ils n'ont été, après tout, qu'informellement espionnés par le SPVM, via un logiciel maison qui épluchait les factures téléphoniques des flics, à la recherche de leurs numéros de téléphone...

Je suis certain que le Club admettra bientôt de nouveaux membres, c'est forcé.

Tenez, je cherche une chute pour cette chronique et je lis qu'André Cédilot, ancien as reporter aux affaires criminelles de La Presse, était également visé par la SQ...

Voici ta carte de membre permanent, André. Remplis le frigo de temps en temps, s'il te plaît...

Manque Boisvert. Ils t'espionnent pas, toi, Yves ? Me poserais des questions, à ta place...