Avez-vous passé de bonnes vacances ? Moi, super. Je n'ai rien fait, ou presque. J'ai eu le temps de shooter des balles sur le petit dans la ruelle. De recevoir parents et amis. J'ai même eu le temps de regarder La chèvre à la télévision : il faut que j'aie déroché en tabarslak pour regarder un film français de 1981 à la télé...

J'avais 9 ans quand c'est sorti, La chèvre. J'en gardais le souvenir d'un film drôle, drôle, mais drôle...

J'ai sorti le popcorn et les cannettes d'Orange Crush, prêt à rire dans la pénombre du salon faiblement éclairé par les lumières du sapin de Noël.

La déception, toi. Plate, mais plate !

Regarder La chèvre 35 ans plus tard, c'était comme suivre un octogénaire unijambiste dans un couloir très étroit : t'as le temps de penser à tes péchés. Les gags étaient télégraphiés, prévisibles. Ceux du film, je veux dire, pas ceux de l'unijambiste...

Nostalgie ? Peut-être, je ne sais pas.

La nostalgie, c'est quand le temps ajoute sur les choses un vernis qui n'existait pas sur lesdites choses, dans le réel de l'époque.

Là, dans le cas de La chèvre, il est fort probable que c'était tout à fait dans le ton des comédies françaises de l'époque. Mais la cinématographie a changé, la façon de faire rire a changé, ce qui était drôle ne l'est peut-être plus, et peut-être que 35 ans plus tard, certains films ressemblent à une banane oubliée sous le siège de l'auto pendant une semaine, l'été...

Mais dans notre souvenir, maudit que c'est bon...

Prenez le hockey. Hier, je suis tombé sur une page Facebook qui recense des vidéos de « l'ancien temps », ça s'appelle « Old Time Hockey ». Et en visionnant quelques-unes de ces séquences des années 70 et 80, j'ai eu le même choc que chaque fois que j'en vois. Dieu que c'est lent !

Un segment fait l'éloge de Bobby Orr, le grand défenseur des Bruins, un prodige de l'époque, le meilleur joueur de tous les temps, selon certains analystes. OK, oui, je veux bien. Aucun doute : Orr vole sur la glace, c'est un athlète exceptionnel...

Mais autour de lui, ishhh... Les joueurs que Orr contourne ne sont pas tous des athlètes exceptionnels, c'est plutôt même le contraire, certains offrent au numéro 4 une résistance à peine plus vaillante que celle qu'offrirait un cône orange. Un mot sur les gardiens de but qui sont battus par les tirs de Bobby Orr : combien, parmi eux, ne seraient même pas gardiens de but d'un club-école de la LNH, en 2015 ? Mille.

Mais pour l'époque, ces joueurs-là, incluant les gardiens de but qui accordaient des buts de la zone neutre, étaient les meilleurs du lot de joueurs disponibles. Sauf que l'époque, justement, a changé : les athlètes professionnels sont meilleurs que jamais, ils sont plus forts, plus agiles que ceux de l'époque de Bobby Orr. Un flash : en 1985, La Presse a rapporté que le défenseur Pat Price, des Nordiques, avait irrité ses patrons en se présentant au camp d'entraînement avec une bedaine. La chose est parfaitement inimaginable, de nos jours : les joueurs de la LNH s'entraînent à l'année.

Fin 2014, le magazine The New Yorker a consacré un long article à l'amélioration spectaculaire du niveau de l'athlète professionnel moyen, extrapolant ainsi l'amélioration de la moyenne des ours dans d'autres domaines, comme la musique.

Extrait choisi : « Ce n'est pas tant que les meilleurs parmi les meilleurs s'améliorent, c'est que plus de gens deviennent extraordinairement bons. » Traduction : un Bobby Orr dominerait dans la LNH de 2015, mais jamais avec la désinvolture qui était la sienne en 1973. Un attaquant de la trempe de Guy Lafleur serait dominant de nos jours, mais pourrait-il marquer 60 buts comme il l'a fait en 1978 ? Pas sûr. Mais pour leurs époques, Orr et Lafleur étaient des prodiges.

C'est la nostalgie qui fait dire à certains esprits chagrins que le hockey, c'était bien mieux dans le bon vieux temps : dans le réel, c'est faux.

En fait, le rythme d'un match de hockey professionnel n'a jamais été aussi endiablé, ce sport n'a jamais été pratiqué à un niveau si élevé, par autant d'athlètes de pointe, qu'aujourd'hui.

Où je m'en allais, avec mes patins ?

Ah, oui... Je voulais vous dire que les époques changent, que les pratiques se modifient, quand elles ne s'améliorent pas carrément de façon exponentielle. Il y a encore du cinéma, même si on ne ferait plus en 2015 un film comme La chèvre fut fait en 1981 ; les Québécois sont encore fous de hockey, même si le CH ne domine plus comme autrefois...

Je voulais aussi vous dire que je ne vais pas vous faire une chronique nostalgique sur la fin de La Presse en papier, en semaine. J'ai une pensée pour les lecteurs âgés peu agiles avec une tablette, bien sûr, mais ça s'arrête là : les temps changent, il faut s'adapter.

Et ce n'est pas vrai que c'était bien mieux, l'époque où les nouvelles arrivaient toujours imprimées sur des arbres morts. Ça, c'est de la nostalgie.