La note de service de la direction des Ressources humaines du Collège de Bois-de-Boulogne commence ainsi: «Bonjour à toutes et à tous, nous offrirons une séance de formation sur la rédaction de courriels...»

Une séance de formation sur la rédaction de courriels.

Ça ne s'invente pas.

Tout le personnel enseignant (cadre et hors-cadre) ainsi que le personnel non enseignant a reçu cette note de service de la direction des ressources humaines du réputé cégep du nord de Montréal, le 2 décembre.

C'est un prof qui m'a envoyé la note de service en me disant que certains d'entre eux - dont c'est un peu le métier, les mots - ont été moyennement insultés en la recevant...

Mais en lisant la description du cours Atelier de rédaction technique - Courriels, j'ai cependant réalisé qu'il y a toute une science inconnue que j'ignorais derrière l'acte d'écrire un courriel dans le contexte d'un milieu de travail! Si, si, quelque chose comme la mécanique des trous noirs ou la capacité de l'axolotl de régénérer son oeil arraché. Ladite description tient en une page, permettez que j'en cite quelques extraits...

«Comment déterminer le contenu du message?»

Avouez que c'est une très bonne question, ça. Comment détermines-tu le contenu du message d'un courriel? On imagine l'angoisse du cadre intermédiaire aux comptes recevables de Bois-de-Boulogne dans la seconde après l'ouverture de sa messagerie: qu'écrire, mais qu'écrire?!

Pour «déterminer le contenu du message», le Collège de Bois-de-Boulogne va donc proposer aux 24 chanceux qui s'inscriront à cet atelier des «questions à se poser pour guider la recherche et le choix des idées» ainsi que pour l'«élaboration du profil ou des destinataires». Parce qu'à quoi bon avoir un contenu si on ne sait pas à qui l'envoyer?

Et pour «présenter logiquement ses idées», le participant apprendra deux trucs: «le plan (l'ordre des idées)» et «le paragraphe (la formulation de l'idée principale).

S'agissait d'y penser: un plan + des paragraphes = présentation logique des idées!

À ce point de l'atelier, j'espère que le formateur - «une ressource interne», m'a joliment dit la coordonnatrice des communications, Anne-Marie Godbout, dans cette poésie 100% institutionnelle - donnera une petite pause aux employés inscrits à cet atelier de rédaction de courriels: on voit bien que le contenu de l'atelier est propice au mal de bloc.

Ensuite vient l'étape «Comment écrire un courriel», qui comporte deux sections qui me semblent un peu minces: «la nétiquette» et «l'importance de l'objet». C'est peu, me semble-t-il. Mais voyons le positif: au moins l'atelier s'attaque à cette plaie des objets de courriels qu'on écrit à la légère, par-dessus la jambe, la tête ailleurs. J'en ai personnellement soupé des courriels à l'objet incertain.

On pourrait penser, ici, que l'atelier est allé au bout de sa logique et que les 24 employés de Bois-de-Boulogne inscrits peuvent retourner dans l'établissement les doigts guillerets, forts de ces enseignements qui permettront la libre circulation de messages au contenu appuyé sur un plan et à la nétiquette irréprochable.

SAUF QUE NON!

Ce que je viens de vous décrire n'est en fait que la première partie de l'atelier, celle du 9 décembre! Car il y a une seconde partie, le 16 décembre! Et un devoir à faire, avant: un exercice pratique de rédaction de courriel!

Quand j'ai contacté le cégep, la préposée aux communications m'a dit qu'il était «étrange» que j'aie reçu cette note de service sur l'atelier de rédaction de courriels. Je lui ai dit qu'un atelier de rédaction de courriels, hors de Bois-de-Boulogne, pouvait sembler étrange...

J'ai donc reçu cette réponse écrite de Mme Anne-Marie Godbout. Je note la qualité irréprochable de l'objet de son courriel, un cas d'école: «Les informations demandées». C'est simple, clair, autoritaire sans être sentencieux. Du joli boulot.

Mme Godbout m'explique exhaustivement la pertinence de la formation offerte, notamment sur la nécessité d'assurer des échanges cordiaux entre employés. Car: «Le courriel est non seulement un outil d'échange quotidien, mais également le véhicule de la culture d'une organisation.» Pas de doute, ai-je pensé: ce véhicule-là est doté de pneus d'hiver de calibre olympique.

Je lis le message de Mme Godbout et - c'est l'évidence même - il est basé sur un plan finement et préalablement élaboré. Son courriel comportait aussi plusieurs paragraphes, chaque paragraphe étant porteur d'une idée principale redoutable.

J'ai demandé à Mme Godbout une entrevue téléphonique afin de recueillir des informations supplémentaires sur cette étrange formation. Je voulais lui demander si écrire un courriel, à Bois-de-Boulogne, prend une heure, ou alors deux heures. Je voulais lui demander s'il y a un cours avancé pour les pièces jointes. Je voulais lui demander s'il y a un programme complet prévu pour Facebook.

Je voulais aussi lui demander s'il ne serait pas tout simplement plus productif d'embaucher des employés qui savent rédiger des courriels plutôt que de leur donner des formations continues en pareille et bête matière...

Mais Mme Godbout n'a pas répondu à mon courriel.

Peut-être ai-je un peu négligé l'objet du message.