On peut imaginer la réticence de la ministre de la Justice Stéphanie Vallée à nommer un comité indépendant pour réviser le dossier du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). Mais le dossier bâclé d'un policier blanchi de la mort d'un enfant de 5 ans est exceptionnel et méritait une réponse exceptionnelle. Je ne sais pas qui en a eu l'idée, mais c'est une bonne idée.

Gabrielle Duchaine a révélé mercredi dernier dans La Presse la décision choquante de ne pas déposer d'accusations contre ce policier qui roulait à 120 km/h dans une zone de 50 alors qu'aucune urgence ne motivait cette vitesse folle.

Des policiers en filature qui ne répondent pas à un appel d'urgence?

Et on roule à une vitesse qui, selon les circonstances, vaudrait à des patrouilleurs au volant d'une auto dotée de gyrophares l'ordre de cesser une poursuite à cause des dangers potentiels posés à autrui?

Juste là-dessus, il y a de quoi lever un sourcil.

Depuis, le DPCP a été mis devant ses bourdes communicationnelles et opérationnelles quasiment chaque jour, que ce soit sur la transparence élémentaire à offrir à des parents éplorés - et au public - ou sur la sortie d'une témoin qui dit que le DPCP lui a fait dire publiquement ce qu'elle n'a absolument pas dit aux policiers en privé.

En effet, hier, la journaliste Annabelle Blais a publié dans La Presse une nouvelle qui symbolise à merveille la déconfiture du DPCP dans cette affaire. Elle a retrouvé Madeleine Noiseux, témoin de l'accident du 13 février 2014. Et Mme Noiseux dit que le DPCP a fait dire à son témoignage des choses qu'elle n'a ni dites ni pensées. Juste ça!

Insérez ici le bruit d'une balloune qui se dégonfle...

***

Je l'ai dit et je le répète: la transparence, c'est la grande affaire de notre époque. Quand les choses sont faites dans la lumière, elles ont tendance à être mieux faites. Dans la pénombre, on cache mieux les choses.

C'est vrai pour l'attribution de contrats publics, de A à Z, incluant l'identité des gens qui composent les comités chargés de déterminer les mérites des offres soumises. C'est vrai pour la façon dont est dépensé l'argent des taxes, au quotidien, y compris et surtout dans des patentes à gosses opaques comme BIXI. C'est même vrai dans les grandes affaires d'État; voyez avec quelle hargne les pays occidentaux pourfendent WikiLeaks. Parce que WikiLeaks a eu l'impolitesse de contredire des mensonges d'État.

Dans la pénombre, on cache mieux les choses, disais-je. Je ne parle pas uniquement de filouterie. Quand t'es procureur au DPCP et que tu sais que - sauf exception - tu n'auras jamais à justifier tes décisions, je suis absolument convaincu que tu ne réfléchis pas aussi profondément aux fondements desdites décisions.

Je ne m'attends pas à ce que le DPCP justifie chacun de ses refus de poursuivre au criminel. Pas la peine de perdre du temps pour un vol de tondeuse dans un cabanon. Mais quand il y a mort d'homme, c'est un putain de minimum, le tout vous étant respectueusement soumis, Votre Honneur...

On a l'impression que le DPCP croyait que la décision de ne pas poursuivre sans rien expliquer - paroxysme du paternalisme - serait accueillie avec une génuflexion respectueuse de la part des proches de la victime, des médias et du public.

Note de service pour le DPCP: cette époque est bel et bien terminée.

Pourtant, le DPCP sait qu'il doit s'adapter au XXIe siècle: son représentant, Me Maxime Chevalier, en a convenu en avril dernier, en commission parlementaire. On aurait pu croire que le DPCP avait enfin compris les exigences de transparence élémentaire de notre époque. On se serait trompé.

Résultat: le DPCP, depuis six jours, se fait donner une fessée bien méritée sous la forme d'une leçon de transparence.

***

René Verret porte un bicorne au DPCP. D'une part, il en est le porte-parole. D'autre part, il est également procureur de la Couronne, c'est-à-dire qu'il plaide au tribunal au nom du ministère public.

Je me base sur la foi de ce que ses collègues me disaient de lui, bien avant cette affaire: Me Verret est un homme droit doublé d'un avocat de talent. C'est d'ailleurs lui qu'on va parachuter à Saint-Jérôme, de Québec, pour piloter la version 2.0 du procès de Guy Turcotte.

Vendredi, en voyant Me Verret expliquer avec les maladresses inhérentes un dossier mal barré qui n'est pas le sien, je me sentais mal pour lui. Et je pensais à quelqu'un d'autre.

Je pensais à la personne qui est la directrice des poursuites criminelles et pénales. Cette personne s'appelle Me Annick Murphy. Elle était la numéro 2 du DPCP jusqu'à la nomination de Claude Lachapelle comme juge, l'été dernier. Elle est DPCP par intérim, mais c'est elle, la boss.

Et son éclipse de la scène publique illustre bien l'idée qu'on se fait, au DPCP, de la transparence et de la communication.

Et, un peu, du public.