Par une matinée récente, ils étaient des dizaines d'enfants dans le gymnase de l'école Victor-Doré de Montréal pour recevoir des médailles du Défi sportif AlterGo.

Des ti-culs qui gloussaient de plaisir, qui se faisaient des high five, qui criaient Youhouuuuu quand on les appelait sur scène, eux ou leurs amis, pour recevoir une médaille...

Des ti-culs qui ont entonné le tube de Marc Dupré, Nous sommes les mêmes, juste avant que la cérémonie ne commence, à l'invitation de la mascotte, et qui en connaissaient tous les efficaces et sucrés refrains.

J'allais dire «Des ti-culs comme les autres»...

Oui et non.

Des ti-culs qui vivent avec des handicaps de toutes sortes. Mais si, dans ce gym de l'école Victor-Doré, ce matin-là, on vous avait bandé les yeux, si vous n'aviez pu qu'écouter le vacarme qu'ils faisaient, vous auriez pensé: «Des enfants comme les autres», c'est sûr...

À l'animation, le porte-parole du Défi sportif AlterGo, Jean-Marie Lapointe. Vous le connaissez: l'homme des bonnes causes, la bonté incarnée (je le dis sans cynisme), qui collabore avec les événements et les ti-culs du Défi sportif AlterGo (93, écoles, 4200 jeunes sportifs au Centre Claude-Robillard, le printemps dernier) comme porte-parole.

«Au début, s'est-il rappelé, je n'avais pas d'handicapés dans mon entourage. J'étais un touriste, dans ce milieu. Quand un gars gigotant dans son fauteuil se bavait dessus, j'étais mal, je savais pas où me mettre, un vrai épais...»

Jean-Marie monte sur scène.

«Est-ce que vous êtes en forme?

- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiii!»

Après 15 ans, le malaise est dissipé.

***

Mais non, pas les Olympiques. Mais quand même, dans le gym de Victor-Doré, ce matin-là, quelque chose comme une apothéose. Une médaille, c'est une médaille! Imaginez des dizaines...

C'est la gang de volleyball qui est montée sur scène en premier: Daphné Bernier, Lydia-Maude Couture, Darly Benoît, Jérémie Akiewa, Mélodie Ayotte, Étienne Tremblay, Merry Weche et Ibrahim Al-Hajim. Médaille de bronze!

Tous les ti-culs sont nommés, tous les ti-culs sont invités à monter sur scène. En clopinant, en marchette, en fauteuil, ils y vont, tous. Et tous goûtent une seconde au nectar de la gloire...

Il y a de la musique. Il y a des photos avec un champion paralympique de boccia, Marco Dispaltro. Il y a des applaudissements. Et il y a des médailles qui se cognent parfois entre elles, qui font bling-bling...

Et il y a de la joie, de la grosse joie pure et crasse: sur scène, dans le gym, dans la face des profs, dans celle des éducatrices.

Et dans celle des parents. Celle-là, cette joie dans la face des parents, elle possède quelque chose d'indéfinissable...

Tenez, sur scène, il y a William Barbe qui pose le pouce en l'air, médaille d'argent au 60 m fauteuil, division 2.

À quelques mètres de moi, il y a sa maman, jeune brunette émue. Avant que William ne monte sur scène, je l'avais épiée qui couvrait son fils d'attentions, lui parlant sans cesse, un petit câlin ici, un bec là...

Et là, quand William descend de scène, qu'il manoeuvre son fauteuil vers sa mère, elle l'accueille avec des becs. Et encore des becs. Et encore d'autres becs.

Son champion, médaille ou pas...

***

Monique Lefebvre dirige AlterGo, qui pousse pour plus d'inclusion des jeunes vivant avec des handicaps dans les loisirs.

La grande victoire des ti-culs qui se dépassent au Défi sportif: «Ces jeunes ont peu de chances à la fierté. Ils ne vivent pas la fierté du sport, de la médaille. Eh bien, ce soir, à la table familiale, ils vont arriver avec une médaille au cou...»

Mme Lefebvre convient que les mentalités changent, qu'on en a fait du chemin depuis une époque pas si lointaine...

Mais je devine au nuage qui passe dans ses yeux que c'est encore trop peu.

«La barrière médiatique est encore dure à percer.

- Pourquoi?

- On a peur de ça. On est mal à l'aise devant un seul enfant handicapé. Imaginez devant 4200...»

***

Il y a Étienne, il y a Jessica, il y a Ophélie, il y a Raphaël qui est absent mais quelqu'un cueille sa médaille pour lui des mains de la mascotte. Et il y Jessica, Charles, Nassim, Mohamed, Merry, Alek...

Tiens, Ophélie remonte encore sur scène, médaille de bronze au 60 m fauteuil...

«Hey, c'est quoi, demande Jean-Marie, ta troisième médaille aujourd'hui?

- C'EST SA 19e À VIE!», crie une éducatrice à côté de moi.

***

Victor-Doré est une école au mandat supra-régional. Ils viennent de partout, autour de Montréal. De loin: Alexandre Raymond, 11 ans, se lève chaque matin à 5h30 pour attraper le bus qui le déposera en bordure de la Métropolitaine...

Il est tellement épanoui, depuis qu'il vient ici, me dit sa mère, Isabelle Blette. Peu d'écoles sont adaptées comme Victor-Doré, vous savez...

Et ce Défi AlterGo?

«Il voit qu'il est capable de faire un sport, comme n'importe quel enfant. Ça lui permet de s'accomplir comme enfant.»

***

On dit toujours que l'important, c'est de participer. C'est vrai. Ces ti-culs-là, aidés de leurs parents, ils essaient toujours de participer, aux sports ou à la société, avec des degrés variables de succès.

Je suis sorti de Victor-Doré en me disant que participer, c'est bien. Mais gagner, des fois, c'est l'fun...