Pierre Karl Péladeau est radio-canadien. J'ai lu ça dans La Presse+ hier. Si je me suis étouffé? Pas du tout.

D'autres hommes publics vivraient moins bien avec leurs contradictions. Mais si PKP nous a habitués à une chose depuis son entrée en politique fulgurante dans ce petit matin frisquet des Basses-Laurentides, c'est bien ceci: il vit très bien avec ses contradictions.

Oui, comme PDG de Québecor, il a pourfendu le financement public de la société d'État à chaque occasion. Les médias anglais et français de Québecor Média multipliaient parallèlement au sujet de Radio-Canada les reportages agressifs dont le nombre n'avait aucun équivalent dans les autres médias.

Pour cela, on aurait pu penser que PKP n'était pas le plus grand fan de Radio-Canada.

Je pense qu'à une certaine époque, M. Péladeau exécrait Radio-Canada, pour des raisons qui n'intéressent que lui. C'est mon opinion, basée sur la lecture de ses textes d'opinion et sur ses déclarations publiques. Pouvait-il, disons, aimer regarder La semaine verte de temps en temps et apprécier cette émission? Sans doute. Mais je ne crois pas qu'il se serait dit radio-canadien à l'époque.

Là, aujourd'hui, oui. Il se dit radio-canadien. On pourrait penser que cela fait partie du relooking de M. Péladeau, de la métamorphose d'un businessman en homme politique. Ça ressemble à ça. Mais on se trompe. M. Péladeau sait tout simplement bien vivre avec ses contradictions...

Des exemples?

Pourfendeur infatigable des milliards donnés à Radio-Canada en fonds publics, il omettait de dire que les productions de TVA reçoivent, elles aussi, des fonds publics: à peu près toutes les émissions de télé dans ce pays reçoivent de l'aide publique...

SUN News, la chaîne dont il était le boss, carburait au patriotisme canadien. On ne rechignait pas non plus, chez SUN, tant dans les journaux qu'à la télé, à casser du sucre sur le dos du Québec et des Québécois. On le savait alors au minimum nationaliste...

Il a, il y a quelques années, contribué à la caisse du Parti libéral du Québec. Pour un homme qui se dit souverainiste depuis toujours, disons que c'est une contradiction grosse comme les néons d'un pawn shop de la rue Ontario.

Le PKP en campagne n'a pas fait exception: il a su vivre avec ses contradictions.

Prenez par exemple le positionnement de PKP sur notre échiquier politico-économique. Disons qu'Amir Khadir est à gauche, très à gauche. Eh bien, dans cette société, à ce moment-ci de notre histoire, il tombe sous le sens que Pierre Karl Péladeau est un homme de droite. Pas d'extrême droite, comme une chroniqueuse a écrit. Mais pour moi, PKP est aussi à droite qu'Amir Khadir est à gauche.

Eh bien non! M. Péladeau m'a dit, en campagne, dans une entrevue à La Presse, qu'il est de centre. De centre.

Mais... Mais... Mais...

J'étais, je le confesse, désarçonné!

Au Québec, dans les stratosphères du Québec inc. fréquentées par PKP, à peu près personne n'a réclamé de façon aussi claire une révision des privilèges syndicaux. Personne n'a attaqué de façon aussi brutale le principe des fonds de grève par exemple, ou de l'affiliation obligatoire à un syndicat.

Disons que ça fait plus homme de droite qu'homme de gauche...

Pas grave. Je suis de centre, me dira M. Péladeau dans cette entrevue.

Si vous le laissez parler, PKP pourra même vous entretenir pendant de longues et passionnantes minutes sur le puissant allié historique que fut le syndicalisme pour les Canadiens français jadis exploités par le patronat anglo-saxon...

J'ai aussi été surpris d'entendre M. Péladeau me dire, pendant cette entrevue à La Presse, que si les Québécois paient plus de taxes et d'impôts, c'est en contrepartie parce que les Québécois reçoivent aussi plus de services que s'ils résidaient dans d'autres États du continent...

Je n'en revenais pas! Pierre Karl Péladeau qui défend le principe d'un État interventionniste, un État providence!

Le même PKP qui était jadis à la tête d'un groupe de presse dont une des spécialités était de dénoncer le «Québec dans le rouge», allant jusqu'à traquer le moindre commissaire scolaire ayant osé boire un verre de vin à nos frais...

Pierre Karl Péladeau, radio-canadien? Ce n'est pas la coquetterie d'un homme qui doit refaire son image pour les besoins de la vie politique. C'est une des caractéristiques principales de Citizen Pierre Karl, depuis toujours.