Bon, maintenant on peut le dire, sans utiliser le conditionnel parce qu'un accusé est innocent jusqu'à preuve du contraire. On peut dire, maintenant que l'ex-superflic Benoit Roberge a plaidé coupable, que c'est un pourri.

Quand la Sûreté du Québec (SQ) lui a mis la main au collet, Roberge était retraité du Service de police de la Ville de Montréal. Pendant sa carrière, il était parmi les cerveaux de la lutte contre les motards. Le genre de superflic qui connaissait tous les motards par leurs petits noms, qui contrôlait des sources dans le monde interlope.

Le genre de policier qui en sait beaucoup.

Quand le Hells Angel René Charlebois s'est évadé de prison, l'été dernier, la SQ a réalisé qu'il avait communiqué par téléphone mobile avec l'ex-policier Roberge. C'est en soi intrigant. Les flics ont retracé Charlebois, qui se cachait dans un chalet, près de Sorel. Celui-ci s'est suicidé au moment où la police le cernait.

Découverte étonnante: Charlebois avait fait des témoignages vidéo dans lesquels il racontait avoir acheté des renseignements à l'ex-policier Roberge. À partir de ce moment, Roberge était cuit. Il a été piégé par la SQ.

En plaidant coupable à des accusations réduites d'entrave à la justice et de gangstérisme, Roberge a affirmé avoir accepté de vendre des renseignements à René Charlebois parce que celui-ci avait menacé de s'en prendre à des membres de sa famille...

C'est une belle histoire. C'est quasiment émouvant. Le superflic qui trahit ses principes, ses anciens collègues et la société pour protéger ses proches. Peut-être même que Roberge se croit.

Sauf que c'est de la bullshit.

Est-ce que les Hells ont pu intimider Roberge? Bien sûr.

Il sait que si les bandits du crime organisé n'attaquent pas les policiers, les ex-policiers et leurs familles, c'est parce que s'ils le faisaient, c'est toute la force de l'État qui leur tomberait dessus. C'est pourquoi ça n'arrive jamais.

En septembre 2000, les Hells ont stupidement tenté d'abattre le journaliste Michel Auger, dans le parking du Journal de Montréal. On sait ce qui s'est passé dans la foulée: enquête policière majeure et changements législatifs - loi antigang - qui a donné des maux de tête à tout le crime organisé.

Si Benoit Roberge a été menacé, il savait mieux que quiconque comment l'État pouvait le protéger. Alors sa petite histoire est très émouvante, mais c'est une jolie fable qui ne sert qu'à alléger sa conscience. Et, à son retour dans la société - dans cinq ans environ -, Roberge pourra toujours raconter qu'il a mal agi parce qu'il a été menacé.

Snif, snif.

C'est plus commode que d'avouer que t'as trahi tes anciens collègues et ta conjointe - elle était procureure de la Couronne dans les procès des membres du crime organisé! - pour t'acheter des plus gros joujoux.

L'appât du gain, c'est fort.

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L'IVROGNE - Oh, boy. Parlant de petite histoire cute qu'un irresponsable raconte publiquement pour laver sa réputation, parlons de Marc Gagnon, une seconde...

En 2007, le multimédaillé olympique perd la maîtrise de son véhicule à Mascouche. La police le soumet à l'alcootest...

Et il pète la balloune!

Qu'importe, notre grand champion du monde, un peu moins vite dans sa tête que sur les patinoires, déclare à un journal de Joliette: «La leçon que je retiens est que le seuil de 0,08 est ridicule, selon moi. C'est difficile de juger si on est en état de conduire ou non après avoir consommé de l'alcool.»

Marc Gagnon a fini par plaider coupable, tout récemment. Et là, dans le Journal de Montréal, Gagnon s'est fendu de déclarations où on le sent bien désolé de son sort...

«Je suis content de pouvoir enfin mettre ça derrière moi aujourd'hui. On ne peut pas comprendre tous les préjudices que ça m'a causés, autant dans ma vie professionnelle que dans ma vie personnelle...»

«Tous les quatre ou cinq mois, on reparlait de moi dans les médias. Je vivais à nouveau les répercussions du fait que j'étais une personne connue.

«J'ai perdu beaucoup de contrats, à cause de ça...»

Snif, snif.

Je, me, moi, pôôôôvre, pôôôôôvre de moi...

Le pire, c'est que la journaliste du JdeM a permis à Gagnon de dire toutes ces sottises sans le défier et sans vérifier les faits du dossier. C'est la différence entre le marketing et le journalisme, pourtant, et c'est sans doute pourquoi le papier sur les déboires de Marc Gagnon sent l'infopub.

D'abord et avant tout, contrairement à ce que disait l'article de la collègue du JdeM, Gagnon n'avait pas pris que «quelques» verres. Son taux d'alcoolémie frisait le double de la limite permise.

Ensuite, si la cause a traîné en longueur, c'est un peu, beaucoup la faute de Marc Gagnon: il «est responsable ou a renoncé à plus de 80% des délais dans son dossier», écrivait en juillet dernier le juge Guy Cournoyer de la Cour supérieure, dans un jugement qui cassait l'arrêt des procédures décrété en 2012 par la Cour du Québec!

Bref, s'il avait plaidé coupable comme un grand en 2007, au lieu d'accepter qu'on multiplie les avocasseries en son nom, Marc Gagnon n'aurait pas eu à «endurer» les «préjudices» et les «répercussions» de son ivrognerie pendant sept ans.

Si t'avais tué quelqu'un, ce soir-là, Gagnon, l'aurais-tu blâmé(e) de s'être trouvé(e) en travers de ton chemin?