Avant de parler du train de vie de l'ancien «prince» de Tourisme Montréal Charles Lapointe, réglons la lubie selon laquelle cet organisme n'a pas à rendre de comptes parce qu'une «petite» partie de son budget est composée de fonds publics.

Montréal, Québec et Ottawa injectent respectivement 1,2 million, 1,2 million et 2 millions de dollars annuellement dans Tourisme Montréal, c'est vrai. Le reste des 30 millions provient de diverses sources, la plus importante étant une taxe sur les nuitées d'hôtel de 3,5%.

Or, ce pouvoir de taxation est un privilège rarissime et il a été consenti par le gouvernement du Québec, en 1987. C'est un outil diablement plus efficace que de demander une contribution volontaire aux hôtels de Montréal pour financer Tourisme Montréal, on va s'entendre là-dessus...

Conseillé pour cette crise par National, Tourisme Montréal a tenté stupidement de jouer la carte de l'organisme privé à but non lucratif, dans l'esprit de la tout aussi stupide déclaration de Charles Lapointe au Vérificateur général (il a traité une partie du rapport du VG d'«impertinente»).

Tourisme Montréal n'est pas une société privée à capital fermé, qui peut dépenser son fric comme elle l'entend. C'est un organisme qui n'existerait pas sans le fric de l'État et le pouvoir de taxation exceptionnel consenti par l'État.

C'est pourquoi Charles Lapointe aurait dû gérer le fric de Tourisme Montréal en gardant en tête qu'il provient d'un privilège, pas de sa propre entreprise, bâtie à la sueur de son front.

Même si ses talents de «vendeur» du Montréal touristique ont été reconnus, ça n'excuse pas ces abus évoqués par le VG.

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C'est pourquoi Jacques Parisien, (maintenant ex-) président du conseil d'administration de Tourisme Montréal, aurait dû garder en tête qu'il gérait ici le bien public, pas l'argent d'une société comme Astral Media, qu'il a habilement dirigée jusqu'à son départ, récemment.

Alors quand Pierre Bellerose, le v.-p. communications de Tourisme Montréal, a commencé à me chanter la chanson de l'organisme privé à but non lucratif, jeudi en entrevue, je suis devenu un peu cassant...

C'est prendre le monde pour des caves, prétendre que Tourisme Montréal «n'a que très peu de fonds publics». J'espère que l'organisme n'a pas payé trop cher pour ces conseils complètement divorcés du réel, prodigués par Nicole Delorme, de National.

Pascal Bérubé, ministre délégué au Tourisme: «La défense de Tourisme Montréal a été particulièrement faible. Il n'y avait aucune admission de responsabilité!»

Le ton a un peu changé, hier, en fin d'après-midi. Dans un communiqué annonçant la nomination d'un président par intérim (Michel Archambault), Tourisme Montréal a déclaré qu'il «évalue la possibilité» de demander à Lapointe le remboursement des 640 000$ versés en indemnité de départ.

C'est enterré à la fin du communiqué, mais c'est mieux que rien...

Et si Tourisme Montréal se fait tirer l'oreille, qu'il conserve sa mentalité d'organisme qui n'a de comptes à rendre à personne?

Le ministre Bérubé: «On a le pouvoir de fermer le robinet de cette taxe sur les nuitées d'hôtel. On pourrait décider de gérer nous-mêmes ce financement, ultimement. On n'en est pas là, mais on ne l'exclut pas. C'est à Tourisme Montréal de démontrer que ces choses ne vont pas se reproduire.»

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Dans cette affaire, Bérubé et le maire Denis Coderre ont démontré qu'ils étaient parfaitement en phase avec la grogne publique. Et, je dirais, avec les attentes nouvelles à l'égard de la gestion du fric public.

Bérubé a rapidement tiré un coup de semonce quand l'affaire des conditions de Lapointe a été révélée dans Le Journal de Montréal puis dans le rapport du Vérificateur général.

Coderre a tout aussi rapidement demandé à Lapointe de quitter la présidence du C.A. du Conseil des arts. Puis, il a demandé à Parisien de quitter la présidence des conseils de Tourisme Montréal et des fêtes du 375e de Montréal. Les deux ont obtempéré.

Montréal injecte de l'argent public dans Tourisme Montréal et, partant de là, j'ai mon mot à dire, m'a dit le maire Denis Coderre. «Même si c'était seulement 100$!»

Il évoque le scandale d'Enron, aux États-Unis, une société cotée en Bourse qui a été braconnée par ses administrateurs. «Aux États-Unis, depuis le scandale d'Enron, il y a une réalité de gouvernance pour les conseils d'administration: ils sont imputables.»

C'est aussi le message qu'a martelé le jeune ministre quand il est personnellement allé demander des comptes au conseil d'administration de Tourisme Montréal, hier matin.

Pas normal, dit-il, qu'un conseil d'administration ne soit pas au courant des conditions salariales de ses principaux dirigeants et de la teneur de leurs dépenses.

Bérubé invite Tourisme Montréal à faire preuve d'une transparence comparable à celle d'un organisme public. Il a demandé aux dirigeants de dévoiler leurs salaires et avantages, par exemple. Il attend leur réponse.

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Un dernier mot sur Jacques Parisien. Indépendant de fortune grâce à ses talents de gestionnaire chez (feu) Astral, il a été une star (discrète) du Québec inc. Ce que j'entendais à son sujet dépeignait un leader solide.

J'aurais aimé lui demander pourquoi il a accepté de donner son imprimatur aux conditions de travail et de départ pharaonesques de Charles Lapointe. Peut-être a-t-il des explications crédibles.

Malheureusement, il refuse les demandes d'entrevue. Ce n'est pas super brave, mettons. Mais en cela, il est parfaitement en phase avec Charles Lapointe.