C'était il y a deux ans. L'Assemblée nationale avait parlé d'une seule voix en adoptant à l'unanimité les recommandations de la commission spéciale Mourir dans la dignité. La porte était ouverte pour un projet de loi qui, un jour, permettra aux Québécois de recevoir une aide médicale pour mettre fin à leurs jours, dans le cas d'une maladie grave et en phase terminale.

Le gouvernement de Jean Charest n'a jamais mis le projet de loi au feuilleton. C'est le Parti québécois qui l'a fait, après son élection. Ce projet de loi est dans la machine à saucisse parlementaire.

Vu l'unanimité de 2011, on croyait bien que le vote sur le principe du projet de loi sur l'aide médicale à mourir, la semaine dernière, se déroulerait sans anicroche.

Ce ne fut pas le cas: 26 députés, dont 25 libéraux, ont voté contre. Le projet de loi piloté par Véronique Hivon a donc pu passer à l'étape suivante, l'étude «article par article», 86 députés ayant voté pour le faire cheminer.

Le député libéral Pierre Reid, qui était membre de la commission spéciale qui a remis son rapport en 2011, ne s'est pas inquiété de cette opposition nombreuse et imprévue dans les rangs libéraux.

«Je crois que ça va simplement bonifier le projet de loi. On va avoir une richesse de texte, qui va servir à aider médecins et fonctionnaires à interpréter la loi, dans l'avenir, s'ils cherchent des clarifications, en cas de contestations.»

Et cela est vrai. Et c'est ce que le chef libéral Philippe Couillard m'a dit, en me jurant que même s'il voit le danger de l'«euthanasie active» dans le projet de loi actuel, il n'a «pas de doute qu'un bon travail parlementaire puisse régler cela».

En commission parlementaire, chacun va pouvoir peser et soupeser le poids de chaque adjectif, de chaque virgule de cette loi qui ferait du Québec un des rares États dans le monde où un citoyen pourrait réclamer de l'aide pour mettre fin à ses jours.

Mais j'ai parlé à des députés, ces derniers jours. Et je peux dire ceci: je ne partage pas l'optimisme de M. Reid.

Pardonnez le jeu de mots à cinq cennes, mais le projet de loi sur l'aide médicale à mourir est en danger de mort.

Pendant deux ans et demi, des parlementaires de tous les partis ont parcouru le Québec et sont allés à l'étranger pour explorer les enjeux de fin de vie. Traduction: comment permettre et encadrer la décision de mettre fin à ses jours, dans le cas d'une maladie grave.

Cette commission spéciale a été une belle et grande chose, tant par le sérieux de sa démarche que par son caractère non partisan.

C'est pourquoi, même aujourd'hui, les députés de tous les partis ne font pas de petite politique avec le projet de loi de Véronique Hivon. Les péquistes, par exemple, se sont gardés d'exprimer leur déception devant ces 25 libéraux opposés au principe même du projet de loi.

Le débat politique est entouré d'une atmosphère feutrée propre aux salons funéraires, où personne n'a rien de méchant à dire sur le compte de personne. C'est à l'honneur de tout le monde. Je le dis sans sarcasme.

Mais peut-être que ça empêche de dire des évidences, aussi. En voici une: si le PQ ne parvient pas à faire adopter ce projet de loi dans cette Assemblée nationale minoritaire, il ne faudra pas compter sur un éventuel gouvernement libéral pour en parrainer un autre.

On dira que 86 députés qui votent pour le projet de loi, contre 26 qui s'y opposent, c'est 76% d'appui et que cela reflète les 80% de Québécois qui - sondage après sondage - sont en faveur d'une forme d'aide médicale à mourir. Et que cela est de bon augure, qu'importe la couleur du gouvernement en place.

Mais avec 25 députés qui ont choisi de s'opposer au principe même de la poursuite des débats, qui utilisent lourdement le mot «euthanasie» et qui, parfois, évoquent de façon subliminale le fallacieux argument de la pente glissante, il faut être aveugle pour ne pas voir cette évidence politique: la députation libérale est trop divisée sur la fin de vie pour piloter un projet de loi là-dessus, un jour.

Dans ce débat, les opposants - je ne parle pas des députés - au projet de loi 52 ont été souvent bruyants et sans scrupules dans l'utilisation d'arguments à faire frémir dans ce débat sensible.

Si l'idée de pouvoir choisir le moment de votre mort est importante, ce serait le bon moment de le faire savoir à votre député. Pour l'instant, un député incertain pourrait être tenté de croire que ceux qui parlent fort, dans ce débat, sont plus nombreux qu'ils ne le sont dans le réel...