Après avoir paqueté le Conseil du statut de la femme (CSF) en y nommant quatre dames en faveur de sa Charte des valeurs québécoises, le gouvernement Marois s'est justifié en disant avoir voulu préserver la «continuité historique» du CSF en faveur de la laïcité.

J'en suis, totalement. Car sans souci de la continuité historique de la part des autorités compétentes, le continuum espace-temps serait gravement perturbé et qui sait les tempêtes d'anachronismes qui pourraient nous tomber dessus!

Mme Agnès Maltais, ministre de la Condition féminine, a donc rappelé à juste titre qu'en 2011, le CSF avait pris position en faveur de la laïcité.

Ce qui est rigoureusement vrai: j'ai lu Affirmer la laïcité, un pas de plus vers l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, l'avis de 2011 du CSF, alors présidé par Christiane Pelchat.

Mais justement, quand on le lit, cet avis, on découvre que le CSF prône une véritable laïcité de l'État québécois, contrairement au Parti québécois (PQ).

Sur le crucifix à l'Assemblée nationale, que le PQ (comme le Parti libéral et la Coalition avenir Québec) considère comme un symbole patrimonial (contrairement à l'Assemblée des évêques, qui le voit comme un signe religieux), le CSF écrivait ceci:

«Aux yeux du Conseil, le crucifix de l'Assemblée nationale, en raison de son histoire et par sa position stratégique, manifeste clairement un lien entre le politique et le religieux.»

Le Conseil cite ensuite l'historien Yvan Lamonde, pour qui le crucifix surplombant le siège du président de l'Assemblée nationale, installé par Maurice Duplessis en 1936, était «le signe même d'une alliance du politique et du religieux, de l'État et de l'Église».

On cite aussi Jean-Pierre Proulx, prof à la faculté des sciences de l'éducation à l'Université de Montréal, qui présida à partir de 1997 le Groupe de travail sur la place de la religion à l'école, sur le crucifix:

«Le crucifix, c'est le symbole identitaire par excellence de l'Église catholique. Il s'en trouve sur toutes ses églises, et ce n'est pas pour des raisons patrimoniales...»

Et sur les prières au p'tit Jésus - mon expression - que l'on fait encore avant les réunions de certains conseils municipaux, le CSF les rejetait, citant la Commission des droits de la personne, pour qui ces prières peuvent miner le lien de confiance entre le citoyen et l'État.

«La participation des représentants de l'État à des rites religieux comme les prières d'ouverture lors des conseils municipaux [...] laisse croire, à notre avis, que le religieux exerce une influence sur le politique», pouvait-on lire dans l'avis du CSF.

Or, on le sait, la catho-laïcité de la Charte des valeurs québécoises n'a rien à dire sur les prières catholiques qui précèdent encore à ce jour certains conseils municipaux.

Le PQ trouve qu'il n'y a aucun paradoxe à forcer la réceptionniste de l'hôtel de ville à larguer son hidjab pendant que le maire fera son Notre Père avant une réunion du conseil municipal.

Belle valeur québécoise: deux poids, deux mesures...

Le Conseil du statut de la femme recommandait aussi que Québec révise les liens financiers unissant l'État et le religieux. Notant que présentement, il n'y a pas d'impôt foncier ni de taxes scolaires sur les bâtiments religieux, le CSF invitait le gouvernement à se demander si ces "privilèges" respectent la laïcité.

«Si ces institutions ne fournissent pas de services publics, comment [l'État] justifiera-t-il une telle discrimination positive face aux contribuables qui paient déjà très largement le manque à gagner de tous les paliers gouvernementaux?»

C'est une très, très bonne question. Qu'un gouvernement véritablement motivé par la neutralité de l'État aurait inclus dans l'actuel débat sur les valeurs québécoises.

Celui-ci ne l'a pas fait. Probablement parce que la base naturelle péquiste fréquente davantage les églises que les mosquées ou les synagogues.

Pour toutes ces raisons, quand le gouvernement se pose en gardien de la «continuité historique» du Conseil du statut de la femme, un seul mot me vient à l'esprit: hypocrisie.

Parce que les vues du CSF vont dans le sens d'une véritable laïcité de l'État. Pour le CSF, la marche vers la laïcité implique de marcher sur des orteils catholiques.

Ce que le PQ n'a pas le courage de faire.